Dans ce roman, on retrouve Emilienne
Balthus, le personnage central de «
La plage d'Ostende ». Nous voici bien des années plus tard, et la vieille dame vient de mourir, à son plus grand soulagement, elle qui attendait le néant depuis le décès de son cher amant, le célèbre peintre Léopold Wiesbeck. A la fin de sa vie, Emilienne n'avait plus qu'un seul ami et confident, Henri Chaumont, fidèle parmi les fidèles depuis des décennies, à qui elle a légué ses cahiers intimes. Leur lecture sera pour Henri l'occasion de replonger dans le passé, celui d'Emilienne, mais surtout le sien. En même temps que les souvenirs, émergent l'amertume et la mélancolie : Henri réalise qu'il n'a jamais réellement vécu, toujours dans l'ombre, au service des autres, dévoué au point de s'oublier lui-même. Les autres n'ont jamais connu de lui que ce qu'il voulait bien montrer, sans rien laisser deviner de ses penchants homosexuels, lui l'éternel et séduisant chevalier servant de ces dames. Un effacement et un silence qui seront la cause involontaire d'un tragique malentendu et d'un gâchis dont il portera seul le secret.
L'écriture de
Jacqueline Harpman est classique et intemporelle, au point qu'on oublie souvent que le roman se déroule dans la seconde moitié du 20ème siècle. Mais ce n'est pas un problème puisque l'histoire qu'elle raconte est elle-même intemporelle : amour, passion, et les souffrances qu'ils engendrent quand ils ne sont pas (ou mal) partagés.
Une très belle écriture au service d'une grande finesse psychologique, pour un roman, certes un peu déprimant, sur l'identité, la vie, les rêves de jeunesse et la façon dont on les réalise, ou pas : « J'étais un jeune homme plein d'avenir, je suis un homme sans passé ; on se gaspille ».
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