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Critique de BurjBabil


J'ai décidé de lire ce livre en sachant que c'était risqué. Puisqu'il n'était pas question d'aller voir le film mais que je suis curieux par nature, le compromis me semblait évident . . .
Le livre est l'adaptation d'un autre livre du même auteur : « D. » Comme la signature d"une certaine pièce d'accusation utilisées contre le capitaine Dreyfus.
Pas question ici d'expliquer d'A à Z l'affaire Dreyfus, mais plutôt de commenter ce livre en n'oubliant pas la vérité Historique si elle existe. Je regrette presque de n'avoir pas lu l'original (plus question maintenant, l'affaire est classée) tant j'ai été surpris de la qualité littéraire de celui-ci.
Narration par le principal protagoniste du roman, le colonel Picquart, au présent certes, mais dans une langue qui réussit à nous plonger dans le passé. Surprenant effet car en analysant le vocabulaire, rien de bien anachronique ou désuet. le langage est moderne mais la douce litanie des mots a réussi à m'immerger sans difficulté dans l'époque, le tournant XIX-XX siècle. C'est vraiment une réussite narrative.
Ensuite, le fameux colonel Picquart du roman est un véritable héros et participe à la réussite de ce livre : rigueur morale, droiture et mise à l'écart de ses préjugés lorsqu'il est confronté à la vérité, qu'il cherche sincèrement. Avec quelques failles le rendant humain, comme son arrivisme du début de carrière et sa relation avec Blanche. Tout cela fait un portrait très réussi même si l'Historien sait que c'est quand même une peinture assez tronquée du personnage. Scheurer-Kestner, le vrai héro de l'affaire Dreyfus qui a tout perdu dans son combat pour la vérité, écrivait à l'avocat de Picquart, Leblois, en août 1897 : « Votre ami est certainement un honnête homme ; il en a donné la preuve ; mais il ne faut pas que l'honnêteté s'arrête en route. ».
Jusqu'au bout, il va se conduire en réalité comme le militaire qu'il est, enquêtant même pour savoir qui est à l'origine des fuites des documents incriminant l'armée, réussissant à racheter un article écrit en défense de Dreyfus pour empêcher sa parution dans le journal « le Jour... »
Enfin le cadre historique est simplement convaincant, des salles de tribunal aux cabinets ministériels, le plus réussi est sans doute le portrait des militaires croisés pas Picquart. On retrouve bien tous les attributs de ces généraux qui vont envoyer sans sourciller la piétaille se faire étriller au chemin des dames quelques années plus tard. On peut regretter, en restant sur l'image du héros de roman, qu'il soit mort en 1914, il n'aura pas pu influer sur les injustices ultérieures faites aux poilus : plus de 500 de nos soldats condamnés à mort, 43 exécutés. Je conseille évidemment là le classique « les sentiers de la Gloire » qui permet de saisir l'atmosphère de la hiérarchie militaire, assez semblable à celle décrite dans ce livre.
On voit se dérouler la mécanique implacable, commençant par une analyse erronée mâtinée de préjugés (ici antisémitisme et antigermanisme, ailleurs et aujourd'hui ce serait racisme antichinois, antirusse, anti n'importe quoi) qui conduit à désigner le « coupable idéal ». Idéal aux yeux de tous à l'époque car Juif, Alsacien (presque Allemand donc), riche et marié à une fille de famille de diamantaire, Juive aussi.
C'est alors que cela déraille, car pour couvrir cette erreur initiale, la grande muette va se conduire de manière habituelle sans doute, comme le fait la police lorsqu'elle dérape : en se protégeant au-delà de toute raison. Et même inventer de fausses preuves. C'est un complot donc même si aujourd'hui on doit accepter que les complots n'existent pas, sous peine d'être taxé de complotiste, nouveau point Godwin de nos maîtres éditorialistes. Ici, il existe donc bel et bien et s'étend au fameux colonel Picquart qui réussit, dans le roman je précise, à garder une ligne de conduite assez magistralement exemplaire de bout en bout.
Ainsi qu'une presse, des intellectuels (Zola) qui semblent se déchaîner contre mais aussi en faveur de Dreyfus. Bref une presse relativement dynamique, vivante. On en rêve . . .
J'espère d'ailleurs que l'auteur, et la presse Main Stream en général, ont pensé s'intéresser à un personnage moderne dans le style Picquart/Dreyfus, je pense à Julian Assange, interné en Grande Bretagne pour avoir révélé via Wikileaks . . . des vérités mettant en cause des personnages importants, des états importants. Il faudra un jour expliquer aux braves lecteurs et auditeurs et donc aux auteurs et réalisateurs qu'être résistant, lanceur d'alerte, ne consiste pas à résister aux ennemis et démons d'hier, mais à ceux d'aujourd'hui.
L'ensemble est donc un bon roman d'aventure, dans un cadre historique et qui peut apprendre pas mal de choses sur la société d'alors, mais qu'il ne faut pas prendre pour un essai historique.
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