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EAN : 9782918619239
300 pages
La Dernière Goutte (22/01/2015)
4.18/5   78 notes
Résumé :
Chicago, Haymarket Square, 4 mai 1886 : alors que s’achève un meeting politique réunissant des centaines d’ouvriers, la police lance un assaut brutal pour disperser la foule. Soudain, une bombe explose, tuant huit policiers et en blessant plusieurs dizaines d’autres. Cet événement à l’immense retentissement, Rudolph Schnaubelt en est le témoin privilégié. Fraîchement débarqué d’Allemagne, ce jeune homme cultivé, sans le sou mais décidé à conquérir l’Amérique, fait r... >Voir plus
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La Bombe offre une autre visage de l'immigration aux Etats-Unis, celui du mouvement pour les droits sociaux acquis de haute lutte par des travailleurs étrangers fraichement débarqués sur le sol américain.
Rudolph Schnaubelt, Allemand éduqué et de bonne famille arrive à New-York plein d'espoir. Mais il déchante rapidement.
Dans la dèche comme Orwell, il a faim, hérite des tâches les plus difficiles comme travailler aux fondations du pont de Brooklyn au risque de mourir du mal des caissons.
Quittant New-York pour Chicago, Rudolph observe avec effroi les conditions de vie et de travail des ouvriers d'origine étrangère, nécroses du visage dans les fabriques d'allumettes à cause du phosphore, saturnisme pour ceux qui triment dans les usines de blanc de céruse…
Il écrit des articles pour informer la population, note que les Américains « de souche » se rangent du côté du patronat et stigmatisent les manifestants, pour la plupart venus d'ailleurs, s'éveille à l'amour et aussi à l'anarchisme. Il faut dire que son arrivée coïncide avec de forts mouvements sociaux. Sa rencontre avec le charismatique anarchiste allemand Louis Lingg (1864 -1887) s'avère déterminante. Las de voir les ouvriers se faire massacrer, tabasser, arrêter, les deux hommes décident de passer à l'action violente.

« Je m'appelle Rudolph Schnaubelt. C'est moi qui ai lancé la bombe qui tua huit policiers et en blessa soixante à Chicago, en 1886. »
Car lors du rassemblement du 1er mai 1886 à l'usine McCormick où 340 000 travailleurs étaient présents, la police avait chargé, fait un mort et des blessés. Lors du rassemblement pacifique de protestation qui eut lieu trois jours plus tard, alors que la foule se dispersait, une centaine de policiers chargèrent dans Haymarket Square. On lança une bombe sur eux. Sept personnes furent arrêtées, dont Louis Lingg.
Avec La Bombe, Franck Harris donne au roman social ses lettres de noblesse, fait un constat glaçant de l'état du monde ouvrier américain et des méthodes policières à la botte du pouvoir et des privilégiés, mêle fiction et vérité historique. Qui jeta réellement la bombe? Ce qui importe c'est de dire à quel point les acquis sociaux eurent un prix, et quel prix. Et ça, l'auteur Irlandais Franck Harris le fait de très belle manière. La Bombe rejoint Nous ne sommes rien, soyons tout! de Valerio Evangelisti dans mon panthéon personnel des grands romans consacrés au syndicalisme américain et aux luttes sociales.
Mais laissons le dernier mot à George Bernard Shaw , ami de Harris, qui déclara lors du Black Friday quand furent exécutés quatre des huit militants socialistes et anarchistes arrêtés après l'explosion de la bombe (cités par Howard Zinn dans son Histoire populaire des États-Unis) : « Si le monde doit absolument pendre huit de ses habitants, il serait bon qu'il s'agisse des huit juges de la Cour suprême de l'Illinois. »
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«Je m'appelle Rudolph Schnaubelt. C'est moi qui ait lancé la bombe qui tua huit policiers et en blessa soixante à Chicago, en 1886.»

«La bombe», premier roman de l'écrivain et journaliste américain d'origine irlandaise Frank Harris, paru en 1908 et traduit en 2015 aux éditions la dernière goutte par Anne-Sylvie Homassel, raconte de manière simple et vivace la lutte pour la survie des nouveaux immigrants aux Etats-Unis, l'ostracisme dont ils sont frappés, l'exploitation et les conditions de travail souvent très dangereuses, le désir d'égalité et les luttes pour une protection sociale, culminant autour des événements du 4 mai 1886 à Haymarket Square, apogée de la lutte pour la journée de travail huit heures, à l'origine de la fête des travailleurs du 1er mai.

Présenté par Frank Harris comme le lanceur de la bombe à Haymarket Square, Rudolph Schnaubelt témoigne des événements alors qu'il a réussi à s'enfuir des Etats-Unis et se meurt d'une phtisie en Allemagne.
Originaire des environs de Munich, ambitieux et idéaliste, Rudolph Schnaubelt a sombré dans la misère malgré tous ses efforts pour apprendre l'anglais et trouver du travail pendant son premier hiver à New-York, alors qu'il venait de débarquer aux Etats-Unis plein d'espoir.

«J'avais pour moi la jeunesse et l'orgueil, de même que l'absence de tout vice coûteux : si tel n'avait pas été le cas, je n'aurais pas survécu à cet amer purgatoire. Plus d'une fois, j'arpentai les rues jusqu'à l'aube, hébété, abruti par le froid et la faim ; plus d'une fois, la bonté d'une femme ou d'un ouvrier me ramena à la vie et à l'espérance. Seules les pauvres aident les pauvres. Je suis descendu dans les bas-fonds et je n'en ai pas rapporté certitude plus ferme que celle-là. On n'apprend pas grand-chose en enfer, hormis la haine : et le chômeur étranger est, à New York, dans le pire enfer que l'homme puisse connaître.»

Son engagement pour plus d'égalité, qui trouve ses racines dans la lecture de Heine et dans les souffrances de ce premier hiver, prend une tournure plus politique bientôt irréversible avec ses rencontres à Chicago avec des militants politiques et syndicalistes, et en particulier le flamboyant militant anarchiste Louis Lingg, d'origine allemande comme lui.

«Je compris ces deux choses en même temps : mes expériences d'émigrant avaient fait de moi un homme ; et mes douze ou quinze mois d'efforts souvent vains à me procurer du travail m'avaient transformé en réformateur, si ce n'est encore en rebelle.»

Dans cette oeuvre de Frank Harris (1855-1931), qui suivit les événements depuis l'Angleterre avant d'aller enquêter lui-même à Chicago, témoignage et fiction sont indémêlables. La peinture de cette époque, du sort des travailleurs immigrés surexploités et sous-payés, du développement de ce qui aboutit à une explosion sociale, et enfin les portraits des accusés de Haymarket, en particulier August Spies, Albert Parsons et surtout Louis Lingg sont saisissants de réalité et d'intensité.

Passionnant de bout en bout, « La bombe » est un roman d'une actualité impressionnante, sur la stigmatisation des travailleurs immigrés, la partialité des journaux, toujours du côté du pouvoir, leurs prises de positions racoleuses qui incitent à la peur et attisent le scandale, et sur l'oppression et le cynisme sans limites qui peuvent conduire des hommes farouchement habités par leur idéal à la violence.

«Et puis, comme ceux qui ont semé le vent, nous finîmes par récolter l'ouragan. Il y avait eu une accalmie ; la tempête, pour ainsi dire, avait repris son souffle avant de s'emporter en un dernier effort. Certains prétendent avoir décelé dans cette horrible histoire un crescendo constant. Nous qui vivions dans l'oeil du cyclone ne le remarquâmes pas, peut-être parce que nous avions d'autres choses, plus importantes, à faire et à penser. Comprenez-vous la situation ? D'un côté, les Américains avides et intolérants, qui s'accommodaient tout à fait de leur société d'escroquerie concurrentielle, où la norme était : vole qui tu peux ; de l'autre, des foules de travailleurs étrangers, la tête farcie d'idées de justice, de droit, d'équité et le ventre plus ou moins vide.»
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Paru en 1908 aux États-unis, The Bomb reprend sous la forme romanesque le combat mené par Louis Lingg et ses camarades anarchistes contre les conditions tragiques des travailleurs, surtout lorsque ceux-ci étaient immigrés. Manifestations avortées ou sanctionnées à coups de matraque et de fusillades, tout concourait à l'attentat du 04 mai 1886. Procès bâclé, presse, magistrats et juges corrompus, Louis Lingg et ses camarades furent inévitablement condamnés à la pendaison, ce à quoi Georges Bernard Schaw écrivit : "Si le monde doit absolument pendre huit de ses habitants, il serait bon qu'il s'agisse des huit juges de la Cour suprême de l'Illinois." Il s'agit-là d'un roman coup de poing, d'une force et d'une beauté sidérantes.
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« Je m'appelle Rudolph Schnaubelt. C'est moi qui ai lancé la bombe qui tua huit policiers et en blessa soixante à Chicago, en 1886. » Par cette fracassante confession débute ce roman de Frank Harris (1856-1931).
(...)
Il réalise ici une poignante description des bas-fonds de l'Amérique et notamment de la condition des ouvriers immigrés, ainsi qu'un témoignage de première main, certes fictif mais qui semble fort documenté, sur un épisode majeur de l'histoire des luttes sociales, à l'origine du 1er mai, journée des travailleurs.

Article complet sur le blog :
Lien : https://bibliothequefahrenhe..
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1886, Chicago, les travailleurs plus particulièrement étrangers et leurs conditions de travail déplorables, les manifestations, la répression policière et certaines personnes qui veulent changer les choses, dénoncer les injustices pour arriver à un monde meilleur.

Ce roman nous plonge au sein d'un idéal certain et/ou d'un certain idéal qui va tourner au tragique.

Frank Harris sait trouver les mots justes pour décrire les différents personnages et plus spécifiquement Louis Lingg, militant anarchique qui a vraiment existé.

Je vous laisse découvrir et dévorer cet ouvrage qui va vous marquer.

Au plaisir de lire vos critiques.
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Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
Ce fut à cette époque à peu près que je commençai à prendre conscience du fait que la lutte entre patrons et employés abordait une étape dangereuse. Elle était envenimée par le ralliement à la cause des maîtres d'une écrasante majorité d'Américains de souche, au motif que les ouvriers étaient des immigrés et des intrus. La revendication de la journée de huit heures était considérée comme une initiative étrangère: Tous la dénonçaient.
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Puis j'allai au lycée. Je dus y être appliqué et docile: nous autres, Allemands avons ces vertus ovines dans le sang. Mais dans mes lectures grecques et latines, je rencontrai des pensées et des penseurs; puis Heine enfin, le poète, me secoua ; éveillé, je remis en question tous les contes de fées de l'enfance. Heine fut mon premier professeur: j'appris plus de lui que d'aucune de mes classes. Ce fut lui qui m'ouvrit la porte du monde moderne.
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Je ne peux croire qu'en ce monde se perde le moindre acte désintéressé, que la moindre aspiration, le moindre espoir, s'éteigne sans laisser de trace. Au cours de ma brève existence, j'ai vu semer la graine et récolter le fruit et cela me suffit. Nous serons sans doute méprisés et traînés dans la boue par les hommes, du moins pendant un certain temps, parce que nous serons jugés par les riches et les puissants, et non par les pauvres et les humbles, pour lesquels nous avons fait don de nos vies.
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Chose merveilleuse que le livre ! Le plus grand plaisir de l'existence, c'est la lecture. Et c'est vraiment un plaisir moderne. Il y a trois ou quatre siècles, seuls les riches possédaient des livres - et encore, guère plus de six ou sept. Je me souviens de cette princesse de la famille Visconti, au XVIeme siècle, qui légua à ses héritiers une fortune - et ses trois livres. De nos jours, les plus pauvres peuvent posséder des dizaines de chefs-d'œuvre.
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Il sortit de sa poche une sorte de fronde, un jouet d’enfant.
— Diable, à quoi cela sert donc ? demandai-je.
— À cela, répondit-il en extirpant de sa poche, de même, une petite boule de coton.
Il en tira un objet de la taille d’une noix.
— Et cela, qu’est-ce donc ? dis-je en riant.
Mais ce faisant, j’aperçus le visage d’Ida ; la peur me reprit aussitôt. Ida était penchée en avant, les yeux fixés sur Lingg, les lèvres entrouvertes ; et dans son regard, toute son âme.
— C’est une bombe, une bombe miniature, que je vais tester.
— Doux Jésus, m’écriai-je, si abasourdi que je ne pouvais rien penser ni ressentir.
— La fronde, poursuivit-il, me servira à la propulser à bonne distance de la barque. Si je ne compte que sur la force de mon bras, je crains que notre embarcation puisse être endommagée, ce qui nous forcerait à rentrer à la nage. Alors qu’avec cette fronde, je peux la lancer deux fois plus loin ; nous pourrons observer les résultats et les analyser avec une certaine précision.
Je ne crois pas être plus lâche que la plupart des hommes ; mais ce discours, dans toute sa tranquillité, me terrifia. J’avais des haut-le-cœur, la respiration sifflante, les mains glacées et moites.
— Lingg, tu ne plaisantes pas ?
Son indéchiffrable regard se posa sur moi, me scruta, me jaugea ; et le courage sembla me revenir à l’énoncé muet de son verdict ; le sang me remonta au visage. La chose effroyable chez Lingg, c’était cette capacité à vous juger par ce qui était réellement en vous ; il pouvait vous apprécier ou vous admirer pour les qualités qui étaient les vôtres, refusant catégoriquement de vous en attribuer qui ne vous appartenaient pas. Sa fréquentation était un fortifiant de tous les instants. Impossible de lui laisser voir ma peur : plutôt mourir !
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Videos de Frank Harris (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Frank Harris
La bombe, un roman de Frank Harris Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Anne-Sylvie Homassel http://www.ladernieregoutte.fr/livres/la-bombe/
Image: Isabelle Nouzha Son: Louis Lingg and the Bombs (musique - http://www.reverbnation.com/louislinggandthebombs), James Green (extrait d'une conférence sur son livre Death in the Haymarket - https://www.youtube.com/watch?v=7iEGac3gpZs)
Le livre
Chicago, Haymarket Square, 4 mai 1886 : alors que s?achève un meeting politique réunissant des centaines d?ouvriers, la police lance un assaut brutal pour disperser la foule. Soudain, une bombe explose, tuant huit policiers et en blessant plusieurs dizaines d?autres. Cet événement à l?immense retentissement, Rudolph Schnaubelt en est le témoin privilégié. Fraîchement débarqué d?Allemagne, ce jeune homme cultivé, sans le sou mais décidé à conquérir l?Amérique, fait rapidement l?apprentissage d?une réalité qui lui glace le sang : de New York à Chicago, il découvre la tragique condition des ouvriers, surtout quand ils sont, comme lui, étrangers. Mais comment se dresser face aux injustices dans cette société conservatrice avide de profits où la presse est aux ordres et la répression policière, sanglante ? Tiraillé entre son engagement pour la cause ouvrière aux côtés de Louis Lingg, un militant anarchiste charismatique, et sa passion pour la belle Elsie, Rudolph va faire un choix qui changera à jamais le cours de sa vie et celui de l?Histoire.
L?auteur
Avec ce roman publié pour la première fois en 1908 et inédit en français, Frank Harris (1856-1931), journaliste et écrivain, revient sur un épisode majeur des luttes sociales et politiques, à l?origine du 1er Mai.
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