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EAN : 9782714414489
Belfond (30/11/-1)
5/5   2 notes
Résumé :
Publié en 1963, traduit en français en 1981 chez Belfond par Jean-Pierre Durix, le quatrième roman du Guyanais (du Guyana, Guyane ex-britannique, indépendant depuis 1966) Wilson Harris était le dernier volume de sa souple tétralogie (dont chaque tome peut se lire très largement indépendamment des autres) entamée avec « Le palais du paon » en 1960, entièrement écrite alors qu’il était encore citoyen britannique, résidant alors à Londres.

Fenwick, un to... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Passions sur la rivière.

«Une révolte semble couver sur le fleuve. Pas étonnant. C'est un endroit meurtrier, étrange et menaçant, comme je te l'ai dit de nombreuses fois.»

En Guyane britannique, envoyé en mission au bord de la rivière Canje, Russell Fenwick, jeune fonctionnaire topographe, doit prendre des mesures hydrographiques du niveau de la rivière, précieuse réserve d'eau douce pour les plantations de riz et de canne et pour l'agriculture côtière.

Sur les rives de la Canje, dans un espace naturel sauvage mais confiné, entre fleuve et brousse, tandis que la rivière connaît une période de sécheresse exceptionnelle, qui souligne en la ravivant la fragilité du milieu, Fenwick cherche à mener à bien sa mission, dans un environnement de hargne et de violence, initialement rentrées, de la part de son équipe d'ouvriers et des autochtones qui se sentent menacés, persuadés que la mission de Fenwick et de ses hommes est le prélude à une expulsion de leurs terres.

Poséidon, descendant d'esclave et vieillard prétendument centenaire, se dresse sur la route de «civilisateur» du topographe pour défendre les droits des autochtones sur leurs terres, et leurs traditions.

«Il avait parfois aperçu, sans vraiment la voir ni lui parler, une antique présence qui passait sur la rivière devant son camp. La rumeur prêtait à Poséidon une généalogie tortueuse, un labyrinthe, lui, le plus vieil habitant de la Canje. Son grand-père, un ancien esclave africain, s'était enfui, réussissant à rester libre. Devenu sauvage et cannibale, il hantait les marécages, dévorant la chair fondante et blanche du maripa à chaque fois qu'il apercevait le mirage d'un monticule torride. Il se régalait de la viande tremblante des tortues sensibles (qui firent de lui une méduse humaine) ainsi que du ventre tendre des terribles alligators.
Certains disaient que Poséidon avait maintenant cent ans, et que l'esprit de son grand-père, fugitif à demi-fou, le possédait. On rêvait qu'il vivait sur la Canje lorsque la première vague d'esclaves libérés y arriva. Maintenant tout le monde voyait en lui le roi noir de l'histoire, dont la souveraineté sur le passé était une couronne fluide de possession, de dépossession.»

Confronté à l'hostilité croissante des habitants des rives de la Canje, à l'autorité naturelle de Poséidon, à l'attitude et au physique singulièrement troublants de l'épouse d'un de ses hommes, l'attitude de Fenwick se fissure, symbole d'une prise de conscience des conséquences potentiellement dévastatrices du «progrès», et des conflits souterrains et bouillonnants qui agitent une société guyanaise multiethnique marquée par l'histoire (alors encore colonie britannique, jusqu'à son indépendance en 1966).

«J'ai l'impression qu'ici, sur la Canje, je dois faire face à un mouvement mort-né dont le germe émotionnel et politique a été bafoué par deux siècles d'histoire.»

Dans ce roman où les frontières entre réalité et rêves sont brouillées, la nature primitive, enivrante, menaçante et vulnérable, semble être le contrepoint de l'état intérieur d'un Fenwick isolé, défaillant, ne réussissant pas à exercer son autorité sur ses hommes dans ce milieu exubérant et clos qui lui est étranger : un mélange d'exaltation face à cette forêt vierge et une tension tout aussi exacerbée.

«Il fixait d'un air sombre, oublieux de soi, la cabane noire qui paraissait maintenant déserte bien que les cendres de la nuit dernière fussent encore visibles à côté, dans la clairière. le feu matinal du soleil s'était maintenant levé pour de bon : un vaste lambeau de bleu avait été cousu entre les arbres. Tout portait les marques d'un énorme artifice, l'ombre noueuse des arbres drapés, les feuilles nues épinglées au hasard dans le ciel ; Ces étoffes élimées de la terre s'étendaient presque jusqu'aux limites de ce que l'appréhension pouvait supporter.»

Publié en 1963, et traduit en français en 1981 par Jean-Pierre Durix pour les éditions Belfond, «L'échelle secrète», dernier opus du quatuor guyanais de Wilson Harris (dont chaque volume peut se lire indépendamment) est un texte d'une beauté sombre et parfois obscure, à l'image de cette jungle guyanaise, planète foisonnante et indéchiffrable.

Ce livre, épuisé en français depuis de nombreuses années, est l'un des candidats du prix Nocturne 2015, dont le lauréat sera annoncé en public le samedi 12 décembre prochain à la Maison de la Poésie, à Paris.

Retrouvez cette note de lecture sur mon blog ici :
https://charybde2.wordpress.com/2015/12/01/note-de-lecture-bis-lechelle-secrete-wilson-harris/
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Brutalité onirique et choc des passions dans une expédition hydrographique au Guyana.

Sur mon blog : http://charybde2.wordpress.com/2015/11/17/note-de-lecture-lechelle-secrete-wilson-harris/

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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Puis un gars est passé aux choses sérieuses et y m’a demandé tout net si je voulais pas acheter sa tortue…
– Sa tortue ?
– Y z’ont répété qu’y z’avaient plus un rond, plus le fantôme d’un rond. Y z’ont essayé de me monter un bobard dingue. Y me prenaient pour un fou de première classe. J’ai rigolé et j’leur ai dit qu’y feraient mieux de vendre la peau de leur dos. Ils l’ont mal pris et y z’ont dit que ce qu’y z’ont, y s’en servent d’une façon réglo, qu’y sont pas des gars à jouer ou à courir les putains comme moi. La terre, c’était leur âme qu’y vendraient jamais. Quelle salade ! D’un autre côté, y disaient que moi, je jouerais ma mère pour cent balles… Y faisaient demi-tour pour repartir, mais, tout d’un coup, j’ai piqué une colère noire, quelque chose d’unique (pour qui y se prenaient de m’accuser ? J’les déteste encore plus que Weng, Jordonne ou un con comme Perez). Je baisse un peu le ton et je leur demande d’attendre une minute que je voie le genre de truc qu’ils vendent. (Chiung devient désespérément rusé avec, dans sa voix plate et inconsciente, un très léger soupçon de parabole.) On ne sait pas qui fait les gens ou les choses dans la création embrouillée de ce monde. J’en suis arrivé à la conclusion que j’aimerais drôlement tordre la peau de ce cou. C’était peut-être scandaleux. J’en sais rien. La chair de tortue, c’est riche, et chacun essaie de lui donner la forme qui lui convient, méfiez-vous donc quand elle vous arrive pour rien sur un plateau. Je fais ce que je peux pour me coudre les lèvres mais les fils se défont, y z’inversent ma vie comme si je parlais à une image de moi à l’autre bout d’un télescope…
Il ne pouvait résister au désir de se dépouiller du déguisement solide de la mémoire stérile. La sienne était un cachet muet sur une plaie suppurante, portant la marque égale de la foi et du devoir. Mais maintenant l’emplâtre de l’hypocrisie qu’il avait acceptée était retourné pour de bon. Le mouchoir de Fenwick, cataplasme contre son crâne, tomba en révélant la bosse malveillante d’une affreuse cupidité.
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C’était le mois de septembre, midi sur la rivière Canje. La jauge de niveau contre l’appontement révélait la plus grande partie de son corps svelte. La ligne noire et ininterrompue de la rivière divisait les graduations peintes. Sept pieds de plus et elle atteindrait la surface de l’appontement ; la jauge se dressait encore trois pieds au-dessus. Fenwick, le topographe, avait les yeux levés et pensait que l’eau devrait encore parcourir une distance interminable avant de recouvrir sa tête. Pourtant cela pouvait arriver en sept jours, décida-t-il, adoptant pour une raison obscure le chiffre qui s’imposait à l’esprit. Le ciel pouvait tout à coup décider de pleuvoir, de tomber. Qui pourrait dire quel phénomène, quel changement se produirait ? Il resta là, le regard figé en une pose étrange, comme s’il voyait une échelle introspective de chiffres ascendants, plutôt que des pieds et des graduations placés sur une vulgaire bande de bois. Il aurait voulu maudire l’éblouissante fourberie des cieux fuyants, l’oppression de la coupe éternelle du soleil dans le ciel dense et blanc. Au contraire, il ferma les yeux et sa silhouette s’affaissa quelque peu dans la coque étroite de sa pirogue. Les rouvrant, il regarda autour de lui une nouvelle fois. Le fleuve était calme comme la mort, sauf là où sa pagaie avait brisé le miroir, la surface. Tout d’un coup, il se pencha en avant et s’éclaboussa abondamment le visage pour revenir complètement à la réalité concrète.
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