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Critique de Fifibrinda


Australie, fin des années 30. Laura et Clare poursuivent tranquillement leur scolarité dans une pension pour jeunes filles de bonne famille et tous les espoirs leurs sont permis quant à leur vie future. Mais la disparition de leur père assombrit leur ciel serein : il leur faut quitter la pension pour aller vivre avec leur mère, « malade », dépendante, tyrannique et toxique. Laura doit renoncer à ses rêves de médecine et s'inscrire dans une école de secrétariat et commerce, tandis que la jeune Clare est inscrite au collège le plus proche. le climat familial est lourd, étouffant, sombre, à l'image du climat international … La mère supporte aussi peu l'un que l'autre et aspire à rentrer en Europe pour y trouver des conditions de vie plus confortables, mais que faire des filles ? C'est alors que le très respectable Félix Shaw entre en scène, avec ses costumes de Saville Row et son usine … Il commence par offrir un emploi à Laura, puis des cadeaux et sorties à toutes les trois, puis parle de mariage comme il règlerait l'achat d'une nouvelle usine, et ce langage devient vite celui de la mère … Laura se résigne (se dévoue ?) et accepte le marché. La voilà devenue Mrs Shaw : plus de salaire mais toujours autant de travail à l'usine, sans compter la maison à tenir et Clare à élever puisque madame Mère est repartie en Europe …
Le piège est en place : l'usine de Félix, la maison de Félix, l'argent de Félix, le bon plaisir de Félix, les beuveries de Félix, les caprices de Félix, la violence de Félix … Ou comment un pervers narcissique se construit une parfaite petite famille parfaitement dysfonctionnelle : l'ogre ordonne et terrorise, l'épouse soumise obéit, souffre et s'interpose pour ménager le tyran domestique ou protéger sa jeune soeur, et celle-ci supporte mais réfléchit, compare et tente de faire réagir son aînée.
Félix protège les siens « en bon père de famille », les isole et les exploite, les insulte et les brutalise, les détruit à petit feu tout en paradant avec ses beaux costumes, sa voiture, sa maison, son usine … Il tire des ficelles, joue des coups de poker avec leurs vies et celles de quelques « amis » rencontrés en faisant des « affaires » …
L'ambiance est délétère, les femmes sont soumises à la brutalité avilissante des hommes, l'horizon est noir, lourd, fermé …
Elizabeth Harrower, Australienne, auteur de chroniques et critiques pour le Sydney Morning Herald, et de cinq romans psychologiques remarqués, écrits entre 57 et 71, a créé un univers particulièrement étouffant et angoissant, que d'aucuns ont rapproché de Hitchcock ou de Daphné du Maurier. Son écriture est vive, précise, procédant par petites touches, allusions implicites, toute en sobriété, à tel point que l'on serait tenté de la qualifier d'écriture « blanche ». Les personnages ne sont pas décrits ou commentés, mais campés : ils sont et agissent et cela suffit à étreindre le lecteur d'une angoisse et d'un désespoir de plus en plus absolus. Pas de pathos, pas de grandes tirades ou de dialogues sophistiqués, les faits et quelques paroles suffisent …
Encore une fois, Masse critique est une magnifique opportunité de découverte littéraire …
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