- Cette immunité dont parle Linda. Est-ce que je suis compris dans le marché ? Elle m'a dit que je le serais.
Inutile de tergiverser davantage.
- Non. Vous n'avez jamais été mentionné sous cet angle.
- Je vois.
En secouant tristement la tête :
- Ah, les femmes ! Elles disent n'importe quoi pour qu'on les aime.
Je repassai mentalement les faits en revue. Déterminer comment quelqu'un a été tué ne pose, en général, que peu de difficultés. La plupart des tueurs agissent en état d'excitation et avec précipitation. La méthode employée saute souvent aux yeux. C'était le cas ici. Et d'un.
Déterminer où le meurtre a eu lieu est parfois plus difficile, mais pas dans notre affaire. Là encore, aucun problème. Avec un témoin oculaire à la clef et les pièces anatomiques éparses, que demander de plus ? Et de deux.
L'identité de la victime est très importante, car elle peut révéler le pourquoi du meurtre. Et de trois.
Savoir quand la victime a été tuée peut également mener à la découverte de l'auteur du meurtre. Du gâteau, dans notre affaire, pour les mêmes raisons que dans l'élément numéro deux. Et de quatre.
A ce point, j'aurais juré qu'on épinglerait le coupable dans les vingt-quatre heures, et je me sentais d'excellente humeur.
- Alors, qu'est-ce qui nous amène le FBI ? demanda Bligh.
Bonne question. Le FBI en Iowa, c'était déjà un évènement pour l'époque. Autre exemple de ce que le 11 septembre avait fait au rêve américain. Avant cette date, il y avait eu vingt-six agents du FBI en Iowa. Au 15 septembre, deux douzaines d'entre eux étaient ailleurs, assignés aux recherches antiterroristes. La présence de l'un d'eux dans une usine de viande était inattendue.
J'apprécie beaucoup les médecins légistes, mais leur pourcentage de vies sauvées ne montent pas très haut.
Je m'appelle Carl Houseman, et je suis shérif adjoint dans le comté de Nation, en Iowa. J'en suis également l'enquêteur en chef, titre que je dois autant à mon âge, cinquante-cinq piges, qu'à mes talents d'investigateur. C'est ce qui m'a valu d'être mêlé à plusieurs affaires intéressantes, dans une communauté de seulement vingt mille âmes, et c'est pourquoi je l'apprécie à sa juste valeur.
Ce jour clément de décembre 2001 marqua le début de l'hiver le plus doux que nous ayons connu dans la région, celui qu'on devait appeler, par la suite, « l'hiver sans hiver ». J'avais déjà effectué tous mes achats de Noël, mon dossier professionnel était pratiquement vierge, et pour la première fois depuis plus de vingt ans, j'envisageais de prendre quelques jours, à l'occasion des fêtes. Seul détail négatif, il se confirmait, de semaine en semaine, que nous n'aurions pas un Noël blanc.
Neige ou pas, j'étais au milieu de ma tranche habituelle midi-8heures, et il semblait bien que la seconde moitié s'annonçait aussi calme que la première. En compagnie d'Hester Gorse, mon agente préférée de la Crim', je venais d'interviewer Clyde et Dirk Osterhaus, voleurs d'antiquités et nouveaux pensionnaires de la prison locale, sur une série de dix-sept cambriolages commis au cours des deux derniers mois, dans le comté de Nation. Leurs avocats étaient deux petits nouveaux à peine trentenaires. Encore plus jeunes que leurs défenseurs, les frères Osterhaus nous avaient facilité le boulot en avouant quatorze des dix-sept effractions homologuées. Pourquoi pas toutes alors qu'on les savait pertinemment auteurs de la série complète ? Était-ce une stratégie ? Une base de négociation ? Ni Hester ni moi ne pouvions en concevoir la finalité. Peut-être une simple question de principe ?
Mais la presse, apparemment, ne savait pas tenir sa langue.