Je vous recommande chaudement ce magnifique roman. S'il vous tente, sautez vite au deuxième paragraphe de cet avis et ne lisez surtout pas la quatrième de couverture !!! Pat Arbuckle, narrateur à la première personne, a repris la suite de son père comme propriétaire du journal local dans lequel il continue à écrire. Il est aussi l'ami d'enfance de Jack Burdette, l'enfant terrible du pays. Grand, baraqué, beau mec, charmeur, beau parleur, footballeur de talent (à l'aune locale), Jack collectionne les conquêtes et met tout le monde dans sa poche. Jusqu'au jour où… Quand commence le roman, il a disparu depuis huit ans et, comme le révèle bien inopportunément la quatrième de couverture, il a fui en emportant la caisse de la coopérative agricole dont il était le patron et a laissé derrière lui sa femme enceinte et ses deux enfants.
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Sur la carte du Colorado, j'ai trouvé une Holt Montain, j'ai constaté que le nom de famille Holt semblait assez répandu, mais je n'ai repéré aucune petite ville de ce nom. Il s'agit sans doute d'une bourgade imaginaire, comme un modèle générique de tant d'autres de ces petites villes où tout le monde connaît tout le monde, où les rumeurs vont bon train et où il est impossible de garder bien longtemps un secret ; le genre de petite ville dont l'on ne part jamais vraiment et auquel on appartient toujours. le titre original de
Colorado Blues « Where you once belonged », qui cite un vers de la chanson des Beatles « Get Back » se révèle vraiment plus pertinent que le titre « français » :
Colorado Blues. Je ne connaissais pas du tout
Kent Haruf, mais je vais lire ses autres romans ! Avec une écriture d'une grande simplicité, il réussit à aller au plus profond des choses et des êtres, et à recréer très précisément les ambiances : les gars qui jouent au billard au fond d'un bar pendant que la petite amie de Jack attend seule à une table, par exemple, ou encore l'incrédulité du commerçant spolié par Jack quand il aperçoit celui-ci dans sa voiture, attendant tranquillement on ne sait trop quoi. le narrateur nous parle de Jack d'abord avec une sorte d'indulgence, mais la personnalité toxique de ce garçon égoïste et manipulateur finit par lui ôter toute bienveillance. Et encore ne se méfiait-il pas assez. La fin est d'une infinie tristesse, mais je n'ai pu m'empêcher de l'espérer ouverte. Un style épuré, une belle histoire, un superbe roman !