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Critique de thedoc


thedoc
02 septembre 2016
Trois livres rassemblés en un seul pour raconter le génocide au Rwanda en 1994 : le génocide subi par les Tutsis dans « Dans le nu de la vie » (2000), le génocide commis par les Hutus dans « Une saison de machette » (2003), l'après génocide dans « La stratégie des antilopes » (2007) lorsque bourreaux et victimes se font face et doivent revivre ensemble. Jean Hatzfeld a ainsi recueilli les témoignages de 26 personnes au total, anciens tueurs hutus et rescapés tutsis.

Chaque ouvrage mérite une critique à part entière, que j'ai par ailleurs rédigée sur Babélio. L'intérêt ensuite de lire à la suite ces trois livres est d'avoir une vue d'ensemble sur ces destins et de voir l'évolution de leur vie et de leur ressenti au fil des années.
Tout comme Jean Hatzfeld, nous nous attachons à Innocent, Marie-Louise, Francine et Berthe qui nous touchent par leurs vies brisées; tout comme lui nous frémissons aux paroles d'Adalbert, d'Ignace, de Pio et de Fulgence qui nous plongent dans une stupeur horrifiée face à la banalisation de leurs actes ; enfin, tout comme lui, nous découvrons un difficile équilibre qui s'installe sur les collines, lorsque les bourreaux et les victimes se retrouvent à cohabiter. Si certains rescapés reprennent goût à la vie et essaient de laisser derrière eux ces mois de tueries, certains, la plupart, ne peuvent s'en détacher. Quant aux anciens tueurs, peu évolue dans leur mentalité, s'apitoyant surtout sur leur propre sort.

Le style de Jean Hatzfeld est neutre, toujours posé. Pas d'effusion, pas de voyeurisme, pas d'indignation. Comme il l'a voulu, ce sont les paroles de ses interlocuteurs qui s'adressent au lecteur, tandis que l'écrivain disparaît derrière. le génocide au Rwanda, ce sont eux qui l'ont vécu. A eux d'en parler avant tout. Les marais, la forêt de Kayumba, nous les découvrons sous leurs mots au moment des tueries : le sang qui baigne les papyrus, les eucalyptus trop fins dans la forêt qui empêchent de se cacher et qui obligent à toujours courir, toujours bondir, sans arrêt, toute la journée, comme l'antilope devant le chasseur. « Nonante-quatre » comme le disent les Rwandais se dévoile également sous les paroles froides, méfiantes, jamais vraiment sincères des prisonniers de Rilima. Enfin, les espoirs et les regrets de chacun, ce sont encore eux qui en parlent le mieux.

Mais si « Récits des marais rwandais » constitue avant tout un recueil essentiel sur le génocide au Rwanda, c'est également un texte qui révèle toute la beauté d'un pays. Descriptions des collines, des fleurs colorées, des multitudes d'oiseaux qui peuplent les arbres aux noms exotiques. Marchés aux odeurs alléchantes et aux pagnes chatoyants, cabarets avec ses indétrônables buveurs d'urwagwa et de Primus, vélos-taxis aux selles rutilantes.
Jean Hatzfeld aime le Rwanda et ses habitants, et il sait le faire partager à ses lecteurs. Il ne pouvait être que le mieux placé pour parler de l'indicible qui s'y est produit.

On ressort de cette lecture plein d'images hallucinantes, belles et noires. Et on garde longtemps en mémoire les personnages bien réels qui peuplent ces récits.
Un ouvrage essentiel et indispensable sur ce sujet, qui fait frémir et énormément réfléchir.
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