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Critique de jg69


Un génocide en héritage

Comment vit-on en étant enfant d'un papa tueur ou enfant d'un papa victime, comment vit-on avec une maman traumatisée et comment parvient-on à vivre ensemble, enfants de tueurs et enfants de victimes?

Jean Hatzfeld a construit son récit à partir des témoignages de jeunes de 16 à 23 ans, habitants d'un village Nyamata du Rwanda qu'il connait bien depuis des années. Il a écrit plusieurs ouvrages sur le Rwanda, c'est la première fois qu'il donne la parole aux enfants de ceux qui ont été soit tueurs (à la machette..), soit victimes lors du génocide de 1994 qui a vu deux ethnies s'affronter. En un mois, dans ce village, 50 000 des 58 000 Tutsi ont été massacrés dans les marais par les Hutus.

Ces jeunes parlent de "parents coupés", "d'enfance gênée", "de racines qui se sont nouées dans l'angoisse ". Ils évoquent les insultes reçues sur le chemin de l'école, les viols perpétrés pendant le génocide, viols dont certains d'entre eux sont issus.
Certains parlent de leurs parents qui se sont réfugiés dans l'alcool, qui négligent leurs enfants, des souvenirs et de l'angoisse qui resurgissent en particulier lors de la Semaine de deuil, du refuge qu'eux-mêmes peuvent trouver dans la religion ou de la perte de la foi de certains d'entre eux, de la perte de grands-parents qui les prive d'une partie de leur histoire...


On comprend les questions que ces jeunes se posent, questions qu'ils ne parviennent souvent que difficilement à poser à leurs parents. On voit comme, autant dans une famille tutsi la parole est possible, autant dans une famille hutu le mensonge ou le silence règne.

Les familles tutsies ont pour souci de transmettre leur histoire à la génération de leurs enfants et oscillent entre idées de vengeance et pardon. Les familles hutus doivent parfois vivre avec le rejet de leur propre famille et de leurs amis et, de façon générale, souffrent du regard portés sur eux et éprouvent de la honte.
Les enfants des deux camps se côtoient notamment à l'école mais la méfiance persiste entre eux malgré la politique de réconciliation nationale.

A noter le respect absolu de ces jeunes pour leurs parents, leur reconnaissance de leur avoir fait don de la vie, aucun ne juge ses parents, il n'y a aucune haine envers leurs parents bourreaux mais pas de déni non plus. Il est surprenant de voir qu'ils ne sont pas capables d'avoir un regard critique ou réprobateur sur leurs parents. Il est par contre rassurant de voir qu'ils parviennent, malgré ce terrible héritage, à se projeter dans l'avenir.

Jean Hatzfeld restitue à merveille la langue magnifique, précise et très imagée des rwandais, il y mêle sa propre voix pour introduire chaque témoignage.

C'est un livre dur, bien entendu, par son sujet mais il y a peu de descriptions de scènes de massacre qui rendraient le récit insoutenable. Seule l'évocation du meurtre d'Ernestine est épouvantable.

Ce que j'ai trouvé vraiment très intéressant dans cet ouvrage c'est bien entendu l'histoire mais également la très belle musique de la langue française du Rwanda qui contribue à nous plonger dans leur univers, dans leur vie quotidienne faite de travail et de solidarité.

A lire absolument.

Lien : http://leslivresdejoelle.blo..
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