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EAN : 9782020679138
320 pages
Seuil (12/01/2005)
4.28/5   276 notes
Résumé :
Fiction & Cie

UNE SAISON DE MACHETTES



En 1994, au Rwanda, 800 000 Tutsis ont été massacrés, en douze semaines, par leurs concitoyens hutus. Soit près de 10.000 personnes par jour, principalement à la machette. Jean Hatzfeld, journaliste à "Libération", avait déjà rendu compte de ce génocide sans précédent en donnant la parole aux rescapés des massacres de la région de Nyamata dans un témoignage bouleversant, "Dans le nu ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (34) Voir plus Ajouter une critique
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Il y a des livres comme celui de Jean Hatzfeld qui vous bouleverse bien au-delà de l‘imaginable, cette plongée au coeur du génocide Rwandais, vous secoue les tripes, vous met le coeur à l‘envers. Comment des hommes, des maris, des pères, des frères sont devenus ces monstres de cruautés du jour au lendemain ?Les Hutus vont pendant plusieurs semaines assassinés méthodiquement plus de 800000 tutsies, avec cet insoutenable rythme calqué sur un journée de travail ordinaire. Hatzfeld donne la parole à dix des leurs, le récit prend toute sa force dans ces aveux, l'horreur au quotidien, l'abominable, cette traque implacable, inhumaine, ou chacun fait « le boulot » sans réfléchir.
Hatzfeld entrecoupe les témoignages de ces assassins pour faire un parallèle avec la Shoah. montrant que les mécanismes pour arriver à une telle tragédie sont malheureusement les mêmes. Il suffit de peu pour réveiller les haines viscérales, amenant à des massacres à jamais marqué du sceau de la honte et de l'abject.
A l'image de l'un des bourreau tentant une explication rationnelle, tout impossible qu'elle est :"Tuer, c'est très décourageant si tu dois prendre toi-même la décision de le faire, même un animal. Mais si tu dois obéir à des consignes des autorités, si tu as été convenablement sensibilisé, si tu te sens poussé et tiré; si tu vois que la tuerie sera totale et sans conséquence néfastes dans l'avenir, tu te sens apaisé et rasséréné. Tu y vas sans plus de gène...."
Tout est dit.

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Après avoir recueilli les témoignages des rescapés Tutsis dans son livre "Le nu de la vie" en 2000, le journaliste Jean Hatzfeld se tourne cette fois-ci, trois ans plus tard, vers les bourreaux du génocide rwandais, les tueurs Hutus.

Les protagonistes de ce livre, c'est tout d' abord une bande de copains hutus , tous fils de cultivateurs, vivant sur les trois collines de Kibungo, N'tarama et Kanzenze, là où le journaliste avaient interrogé les rescapés. Ils s'appellent Adalbert, Pancrace, Alphonse, Jean-Baptiste, Elie... Après leurs activités journalières, ils avaient pour habitude de partager ensemble au cabaret une Primus, la bière locale, et d'aller chahuter quelques Tutsis. Tous ont grandi en entendant les discours haineux antitutsis de leurs aînés, et paradoxalement, ils en côtoient chaque jour en bonne entente. Cultivateur, enseignant, ancien militaire ou même apprenti vicaire, tous ont saisi la machette et tué à maintes reprises lorsque le génocide a été lancé le 11 avril 1994. Tous ont accepté de parler de cette époque qu' ils qualifient de "surnaturelle" à Jean Hatzfeld.

La démarche du journaliste dans "Une saison de machettes" est sans aucune mesure possible comparable avec ses premiers entretiens où il avait développé des rapports amicaux, voire d' amitié, avec certains rescapés. Face aux tueurs désormais emprisonnés dans le pénitencier de Rilima, c'est la méfiance qui domine chaque échange, mêlée après une aversion bien naturelle, à une sorte de perplexité face à leur discours.

Les entretiens nous font découvrir ce que fut le quotidien de ces Hutus durant le temps du génocide : leurs expéditions quotidiennes partant chaque matin du rassemblement sur le stade de football, se poursuivant en chantant dans les marais où, en s'enfonçant jusqu'aux genoux, ils soulevaient les branchages d'une main et coupaient de l'autre leurs victimes, parfois des voisins, comme ils avaient toujours taillé les bananiers.
Leur récit, outre les faits de tueries et de viols, révèle les pillages, l' appât du gain et l'appropriation de richesses qui étaient bien plus importants à leurs yeux que le sort de leurs victimes. Jean Hatzfeld, dans un ton toujours posé et clairvoyant, ajoute à ces témoignages ses propres réflexions et explications sur un pays qu'il connaît bien. Ainsi, après un rappel historique sur le Rwanda et sur la particularité de ce génocide dit de proximité - commis entre voisins - il n'hésite pas à faire des parallèles avec le génocide juif, quant à sa mise en oeuvre et à la politique de propagande qui l'a précédé.

Ce livre, extrêmement riche en révélations factuelles, philosophiques et psychologiques sur l'univers génocidaire, est une référence incontournable sur ce sujet. Avec l'auteur, nous approchons au plus près de l'esprit de ces hommes devenus des tueurs, mais des questions demeurent. Comment finalement qualifier ces tueurs ? A l'époque des entretiens, ils sont en prison. Aucun ne manifeste de troubles psychiques, aucun n'est resté traumatisé, aucune ne souffre de blessures. Tous sont en possession de leurs moyens intellectuels et physiques. Alors ? Comment expliquent-ils leurs actes ? La réponse reste insatisfaisante et terrifiante. Loin des bêtes sanguinaires que l'on entrevoit dans les récits des rescapés dans "Le nu de la vie", on découvre ici des hommes ordinaires, mués par l'envie et la convoitise, qui entament leur journée de tuerie comme une journée aux champs. Des hommes qui commentaient le nombre de tués en même temps que des bagatelles de "grains". Des hommes surtout déçus que le grand "projet" ait échoué avant de s'être suffisamment enrichis. Des hommes qui pensent qu'ils n'ont vraiment pas eu de chance, souffrant de maladie et de malnutrition dans les camps congolais...

Prudents dans leurs paroles, évitant toujours d' employer le mot génocide et se cachant derrière le "on" collectif de la bande, ces Hutus aspirent au pardon des Tutsis pour retrouver, une fois libre, une vie tranquille ... mais sans remords véritables vis à vis des tués et de leurs proches.

Jean Hatzfeld les qualifie d'un égocentrisme hallucinant et d'une totale insensibilité vis à vis de leurs victimes. Ce que l'on découvre dans "Une saison de machettes ", ce ne sont pas des monstres, juste des hommes.

Un récit édifiant, glaçant et exceptionnel.
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On se lève le matin, on embrasse sa femme et ses enfants, et on part faire son travail, muni de ses outils de travail, et remplir ses taches quotidiennes. Puis on rentre le soir, on embrasse sa femme et ses enfants, on dîne, on se couche, la vie continue. Et les jours se suivent, tous pareils les uns aux autres. Rien de spécial à signaler, quoi... Une vie banale, somme toute.
Sauf que le travail quotidien et les tâches à accomplir, c'est d'aller massacrer des Tutsis. Et l'outil c'est la machette.
Voilà ce que racontent, sur un ton froid et détaché, comme on raconte une journée de travail la plus ordinaire qui soit, les personnages du livre de Jean Hatzfeld. Au-delà, il n'y a rien. Pas d'humanité, pas de sentiments, pas d'âme. Et en toute logique, pas de regrets.
Il y a quelque chose du livre de Robert Merle "la mort est mon métier" dans cette terrifiante série de témoignages. Ou comment on peut devenir un tueur sans s'en rendre compte, juste parce que c'est normal de faire ce qu'on nous dit de faire.
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Je termine ce livre avec un certain soulagement... Tout le long, j'ai eu le sentiment d'avoir, collée à ma peau, une substance poisseuse dont j'avais envie de me débarrasser. Quelque chose de dérangeant, de salissant...
Cette lecture n'est pas que dure, elle est déstabilisante et heurtante.

Une saison de machettes comprend le témoignage d'une poignée d'hommes (et de quelques femmes aussi) sur le génocide rwandais. Mais la parole est ici donnée aux tueurs... C'est une démarche audacieuse de la part de Jean Hatzfeld, mais aussi fort intéressante pour tenter de comprendre, peut être, ce qui a pu motiver des hommes à en massacrer d'autres à coups de machettes et de gourdins hérissés de clous. Comment ils ont pu "tailler" des "avoisinants", des amis. Comment ils ont pu les "couper" sans même parfois les achever. Comment ils ont pu tuer des femmes, des enfants, des nourrissons. Et bien sûr violer. Comment ils ont pu y éprouver de la "gourmandise". Comment avec ces outils rudimentaires, ils ont pu afficher un tel zèle qu'ils en dépassaient le rendement des tueries au plus fort du génocide juif ?

Beaucoup de questions intéressantes sont posées dans ce livre et l'auteur fait un parallèle avec le génocide juif car de nombreuses similitudes s'en détachent. Il y a là quelque chose à comprendre dans la mécanique à l'oeuvre dans un génocide. Quelques éléments nous sont d'ailleurs donnés. Mais humainement, il reste un mystère, une incompréhension totale pour ma part sur ce qui peut inciter un homme à aller si loin dans l'horreur. Les raisons semblent tellement futiles qu'elles ne peuvent satisfaire. Quant aux remords exprimés par les tueurs et qui pourraient ne serait-ce qu'un peu atténuer le sentiment de dégoût qui nous prend, qui nous saisit à bras le corps, ils sonnent tellement creux, tellement égocentriques, qu'ils ne viennent au contraire que nous enfoncer dans un profond malaise.

Il m'est donc difficile de noter ce livre tant il a été déplaisant à lire, à endurer, même si je salue grandement l'auteur pour sa démarche courageuse et intéressante et que les chapitres en mode "méta", offrant réflexion, question et parfois incompréhension viennent utilement appuyer ces terribles témoignages.

Une saison de machettes fait suite à Dans le nu de la vie qui donne la parole aux rescapés du génocide rwandais. Mais je ne suis pas certaine d'avoir le courage de le lire...
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Ce livre est le deuxième volet de la trilogie consacrée au génocide rwandais. Des trois, c'est celui qui me déstabilise le plus. de quoi s'agit-il ? de donner la parole aux tueurs de tous grades : penseurs, encadreurs, exécutants. Une démarche fondamentale pour comprendre ce drame universel du 20e siècle.

Mais, en refermant cet opus, et , après avoir relu des déclarations de protagonistes ; histoire de m'assurer que l'auteur ne s'était pas trompé de vocabulaire, je dois dire que je n'ai que peu compris. L'essentiel m'échappe encore. Comment peut-on prendre goût à massacrer ses voisins ?

Oui, un goût. Une gourmandise. J'ai bien saisi que la peur, la haine, la jalousie, ou la vengeance pouvaient pousser à tuer. Mais répéter, sans arrêt les mêmes gestes, avec cette exaltation malsaine questionne sur les limites de l'humanité.

Cependant, Jean Hatzfeld nous révèle des étincelles glanées çà et là. Ce sont ces "Justes" Hutus, qui interdisaient aux leurs de dénoncer des Tutsis ; ce sont ces "Dignes" Hutus qui acceptaient les basses besognes des tueries (entretiens des machettes, cuisine) pour qu'on épargne leurs Tutsis. On se remet à y croire donc…

Ce génocide trouvera sa fin grâce à l'intervention de rebelles rwandais basés à l'extérieur. Cyniquement, cela aura évité que ces tueurs se retournent contre eux-mêmes quand il n'y aurait plus eu de Tutsis à exterminer.

La fin des massacres annonce le temps de la justice. On parle de regrets, de remords, de pardons. Pour ça, il faudrait d'abord "que les personnes éprouvées entendent des vérités valables". Ensuite… C'est le but des procès qui s'activent. C'est à un tout autre niveau, le but de cet ouvrage aux qualités innombrables.
Instructif, édifiant, fondamental.
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Citations et extraits (55) Voir plus Ajouter une citation
Alphonse : Des fauteurs racontent que nous étions transformés en bêtes sauvages. Qu'on était aveuglés par la férocité. Qu'on avait enfoui notre civilisation sous des branchages ; raison pour laquelle il nous est impossible de trouver des mots concordants pour en parle convenablement.
Voilà une blague pour égarer la vérité. Je peux dire ceci : en dehors des marais, notre vie se présentait très ordinaire. On chantonnait sur le sentier, on buvait des Primus ou de l'urwagwa, c'était au choix de l'abondance. On conversait de notre bonne fortune, on savonnait nos salissures de sang dans la cuvette, on se réjouissait les narines devant les marmites. On se réjouissait de la nouvelle vie qui allait commencer en mâchonnant des cuisseaux de vache. On se chauffait la nuit sur nos épouses et on sermonnait les enfants turbulents. Même si on ne contentait pas d'attendrissements comme auparavant, on était friands de bons sentiments.
C'étaient des jours très ressemblants comme je vous l'ai dit. On endossait les vêtements des champs. On s'échangeait des racontars au cabaret, on pariait sur nos tués, on s'envoyait des blagues sur des filles coupées, on se chamaillait devant des bagatelles de grains. On aiguisait les outils sur les pierres ponceuses. On s'échangeait des tricheries, on rigolait des "merci" des chassés ; on dénombrait et on abritait nos biens.
On multipliait toutes sortes d'occupations humaines sans anicroches, à condition de s'adonner aux tueries dans la journée, évidemment.
A la fin de cette saison des marais, on était trop déçus d'avoir raté. On était découragés de ce qu'on allait perdre, on était très apeurés de la mauvaise fortune et la vengeance qui nous tendaient les bras. Mais au fond, on n'était fatigués de rien.
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Le génocide tutsi est donc à la fois un génocide de proximité et un génocide agricole. Cependant, malgré une organisation sommaire et un outillage archaïque, il est d'une efficacité inégalée. Son rendement s'est révélé très supérieur à celui du génocide juif et gitan, puisque environ 800 000 Tutsis ont été tués en douze semaines.
En 1942, au plus fort des fusillades et des déportations,le régime nazi et son administration zélée, son industrie chimique, son armée et sa police, dotées de matériel sophistiqué et de techniques industrielles (mitrailleuses lourdes, infrastructures ferroviaires, fichiers, camions au monoxyde de carbone et chambres à gaz Zyklon...), n'ont jamais atteint un niveau de performance aussi meurtrier sur l'étendue de l'Allemagne et la quinzaine de pays occupés.
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incipit :
En avril, les pluies nocturnes laissent souvent en partant des nuages noirs qui masquent les premières lueurs du soleil. Rose Kubwimana connaît le retard de l'aube en cette saison, sur les marais. Ce n'est pas cette luminosité grise qui l'intrigue.
Rose est accroupie près d'une mare brunâtre, pieds nus, son pagne relevé sur les cuisses, ses mains calleuses posées sur les genoux. Elle porte un chandail de laine. A côté sont couchés deux jerricans en plastique. Elle vient tous les matins puiser dans cette mare, parce que sa profondeur rend l'eau moins boueuse et que son bord, tapissé de palmes, est plutôt moins spongieux qu'ailleurs.
La mare est dissimulé par des branchages d'umunyeganyege, espèce de palmiers nains ; derrière s'étendent sur une immensité d'autres mares, flaques ou bourbiers entre des bosquets de papyrus. Rose respire l'odeur fétide et familière des marais, particulièrement humide ce matin. Elle reconnaît aussi le parfum des fleurs blanches des nénuphars. Depuis son arrivée, elle devine une bizarrerie dans l'air et comprend enfin que ce sont les bruits. Les marais ne bruissent pas normalement ce matin-là.
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p. 272-273
Pour comprendre le volontariat des hommes de main du IIIe Reich, souvent plus spectaculaire hors des frontières de l'Allemagne, les historiens ou les philosophes insistent sur la formidable discipline qu'un Etat totalitaire peut imposer à ses, évoquée citoyens ; sur l'efficacité d'une insidieuse et permanente propagande, évoquée en amont ; et surtout sur la puissance du conformisme social en situation de peur et de crise. A ne pas confondre avec une situation de guerre, qui elle, à certains moments, peut au contraire faire éclater ce conformisme.
Ces arguments ne suffisent pas à expliquer la machine à tuer illustrée par la phrase de Christine. Les Russes, les Espagnols, les Argentins, les Roumains, les Irakiens et bien d'autres à une époque de leur histoire ont mesuré l'efficacité des machines à broyer les esprits, conçues par Staline, Franco, Videla ou Ceaucescu, Hussein, autant de dictateurs qui ont obtenu une massive soumission de la population, un renoncement une sorte d'abrutissement et une accoutumance à la délation, mais qui n'ont pas soulevé de cortèges enthousiastes et populaires, tuant en chanson tous les jours aux heures de travail.
Si ces historiens et philosophes occultaient le caractère irrationnel et exceptionnel du génocide, ils pourraient s'avérer équivoques, voire dangereux, dans la mesure où ils encourageraient le pessimisme ou la bigoterie ; ou, plus désespérant, arriveraient le pire des fléaux de nos sociétés : le cynisme.
Caractère exceptionnel du génocide, dont la plus simple définition est celle de Jean-Baptiste Munyankore, instituteur de quarante-rois ans à N'tarama, lorsqu'il dit : "Ce qui s'est passé à Nyamata, dans les églises, dans les marais et les collines, ce sont des agissements surnaturels de gens bien naturels."
Ou celle de Sylvie, qui dit : "Parce que si on s'attarde trop sur la peur du génocide, on perd l'espoir. On perd ce qu'on a réussi à sauver de la vie. On risue d'être contaminé par une autre folie. Quand je pense au génocide, dans un moment calme, je réfléchis pour savoir où le ranger dans l'existence, mais je ne trouve nulle place. Je veux dire simplement que ce n'est plus de l'humain."
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Pio : On ne voyait plus d'humains quand on dénichait des Tutsis dans les marigots. Je veux dire des gens pareils à nous, partageant la pensée et les sentiments consorts. La chasse était sauvage, les chausseurs étaient sauvages, le gibier était sauvage, la sauvagerie captivait les esprits.
On n'était pas seulement devenus des criminels ; on était devenus une espèce féroce dans un monde barbare. Cette vérité n'est pas croyable pour celui qui ne l'a pas vécue dans ses muscles. Notre vie de tous les jours était surnaturelle et sanglante ; et ça nous accommodait.
Pour moi, je vous propose une explication : c'est comme si j'avais laissé un autre individu prendre mes propres apparences vivants, et mes manies de coeur, sans aucun tiraillement d'âme. Ce tueur était bien moi pour la faute commise et le sang coulé, mais il m'est étranger pour sa férocité. Je reconnais mon obéissance de cette époque, je reconnais mes victimes, je reconnais ma faute ; mais je méconnais la méchanceté de celui qui dévalait des marais sur mes jambes, avec ma machette à la main.
Cette méchanceté était comme celle d'un autre moi au coeur lourd. Les changements les plus graves de ma personne étaient mes parties invisibles, comme l'âme ou les sentiments consorts. Raison pour laquelle, moi seul ne me reconnais pas dans celui-là. Mais peut-être que si on est extérieur à cette situation, comme vous, on ne peut entrevoir cette étrangeté de l'esprit.
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Vidéo de Jean Hatzfeld
Jean Hatzfeld vous présente son ouvrage "Tu la retrouveras" aux éditions Gallimard. Rentrée littéraire 2023
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2880501/jean-hatzfeld-tu-la-retrouveras Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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