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Critique de thedoc


thedoc
18 septembre 2015
Voici l'histoire de Yankov Zeligman, petit juif roumain, petit déporté, petit orphelin, petit rescapé des camps de la mort, petit adulte qui redevient enfant.

Le 11 avril 1945, les troupes alliées américaines pénètrent dans le camp de concentration de Buchenwald. Dans ce camp, tout d'abord destiné à rassembler des prisonniers politiques, se trouve également un millier d'enfants et d'adolescents juifs. Ces garçons sont originaires des pays d'Europe centrale et orientale. Début 1945, ils échouent à Buchenwald à l'issue des marches de la mort, après être passés par des ghettos, des camps de travail, des camps de concentration, des camps d'extermination d'Allemagne et de Pologne. Comment ont-ils survécu quand on sait que les enfants étaient directement gazés à leur arrivée dans les camps de la mort ? Par quel miracle ont-ils eu la vie sauve ?

« Yankov » est le récit de l'un de ces jeunes survivants. A travers sa voix d'enfant brisé, à travers ses peurs et ses colères, à travers ses cauchemars et son immense détresse, nous suivons son récit âpre et dur.
Le 11 avril 1945 est le jour de sa renaissance :

« Ca commence maintenant.

Parce que avant, ce qu'il y avait avant,
ce qu'on était avant et ce que l'on faisait,
ça n'existe pas.

Parce que après, ce que l'on nous a fait,
ce qu'on a fait de nous, ça ne se peut pas.

Alors il n'y a pas.

Il n'y a que maintenant.

Quand le portail s'ouvre.

Que le ciel s'agenouille.

Les anges apparaissent.

Et je renais ! ».

Mais comment revenir à la vie quand on a tout perdu, quand personne ne nous attend ? Comment se sentir à nouveau un être humain quand on a vécu comme une bête pendant trois ans ?

Après l'attente dans le camp auprès des soldats américains, Yankov et ses camarades vont devoir réapprendre la vie, non sans douleur, dans le château qui leur sert désormais de foyer. Mais les éducateurs qui les reçoivent ne sont pas prêts à affronter ces enfants devenus adultes avant l'âge. Pour les enfants, les adultes sont les ennemis. Comment avoir confiance en eux ? Méfiance, défiance, violence… S'ajoute à cela la barrière de la langue quand on sait que de nombreuses nationalités différentes se côtoient. Les comportements que certains avaient dans le camp perdurent, même si le danger n'existe plus : bagarres, vol de nourriture, fugues…
Et pourtant, peu à peu, avec patience et écoute attentive, la directrice du foyer Donna apprivoise ces petits êtres perdus et réinstaure la confiance : leur redonner une identité en les appelant par leur nom de famille, leur redonner une image positive d'eux-mêmes en les photographiant à leur avantage, leur réapprendre la solidarité et le partage à travers le sport, donner un sens au travail accompli… et les aider à se souvenir des jours heureux tout en regardant droit devant soi.

A travers les mots de Yankov nous suivons donc un douloureux retour à la vie. Les souvenirs de l'enfer des camps alternent avec la description des jours présents. Les réflexions sur le sens de la vie, le découragement et l'espoir, la colère et la joie, ponctuent les journées du petit garçon. Qu'il est dur de se reconstruire quand on a tout perdu ! Certains pourtant se lancent sur un nouveau chemin, d'autres retrouvent de la famille, quelques-uns restent liés à jamais à ceux qu'ils ont perdus. Comme le dit Yankov, « Ma guerre ne s'arrêtera jamais ». Pourtant, le jeune garçon veut se permettre une lueur d'espoir, toute petite…

Rachel Hausfater, dans ce court roman (estampillé jeunesse) redonne vie à ce millier d'enfants rescapés des camps de la mort et nous fait partager leur quotidien dans le château qui leur sert de foyer. le style très poétique utilise le rythme des mots pour retranscrire la rage contenue et la détresse de Yankov.

« MANGER !
Manger, enfin !
Manger sans fin.
Manger la faim. »

« Ca y est, c'est fini, ils ne sont plus les maîtres du monde.
Maintenant, c'est nous.
Sauf qu'on a tout perdu.
Et qu'on est tous perdus Mais quand même, on est là.
Orphelins, mal en point, malheureux.
Des miettes d'enfants.
Mais vivants.
Et rigolant. »

A la fois roman historique et récit poétique, témoignage d'une enfance brisée et d'une renaissance, ce petit livre très émouvant est un bijou. A mettre dans les mains de nos enfants !
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