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Critique de djathi


C'est l'histoire d'une femme entre deux âges , mariée , deux enfants ,(seule la fille vit encore avec ses parents , l'ainé est déjà sorti du nid )qui vit péniblement entre deux "mondes" : celui du bas , avec son mari et sa fille et celui du haut qui correspond à la partie secrète de son être .

En bas , elle assume , péniblement son rôle de femme , de mère , et d'être à part entière, avec ce que cela implique d'engagement dans le monde ;
en haut ,dans sa mansarde , elle se réfugie dans son être intérieur et laisse courir librement son imagination à travers son "passe-temps" favori : le dessin !
En ce lieu de refuge , libérée des contraintes sociétales et du regard de l'autre , elle s'adonne à son activité artistique,au pouvoir salvateur pour son équilibre mental ......Un fil directeur obsessionnel dans sa créativité traduit par cette phrase laconique :

"Je voudrais peindre un oiseau qui ne serait pas le seul oiseau sur terre "

On aura bien compris que cette quête là , c'est la sienne : retrouver le contact avec le monde !

A travers un courrier qui lui est adressé régulièrement dans une enveloppe jaune , et dont elle va découvrir le contenu de façon "ritualisée" lorsqu'elle se retrouvera dans sa mansarde , on découvrira une partie de sa vie consignée dans ce journal intime qui lui revient par le plus grand mystère : dès lors le lecteur possèdera l'éclairage nécessaire pour appréhender le personnage dans toute sa complexité !

Ainsi on découvrira qu' un choc émotionnel survenu lors des premières années de son mariage l'ont rendue sourde .
Pendant plus de deux ans , sa vie s'est retrouvée en marge : reléguée au fin fond d'un coin de montagne par son mari , elle ne retrouvera l'ouie qu'à travers un nouveau choc émotionnel .........Lié à la rencontre d'un individu inquiétant , recherchant la surdité de cette femme pour verbaliser le poids de sa conscience : malgré le danger encouru par ce rôle de confesseur , cette relation lui devient nécessaire , la ramenant à reprendre une place "utile" dans le monde ! Un jour où le danger s'avère imminent , l'instinct de survie reprend le dessus et elle retrouve l'usage de son sens ! Elle s'enfuit ....laissant l'individu à ses tourments !

La vie reprendra son court , avec cette fracture qui la divise en deux , dans ses actes , ses pensées et sa notion de l'espace temps .
Sa vie d'en bas , mécaniquement réglée , ne laissant aucune place au vagabondage de l'esprit.....s'occupant avec acharnement à des tâches répétitives telle la scansion d'un mantra pour ne pas s'écarter du fil tenu qui la maintient dans les schémas névrotiques garde-fous , l'aidant à tenir en respect la folie qui la guette sournoisement tapie dans l'ombre .....avec un besoin maladif d'expier "la faute existencielle"! le style du livre s'accorde merveilleusement bien à cette rigueur drastique dans son rythme scandé , mécanique ! Les sentiments semblent inexistants , aucun affect , juste une énonciation de faits avec beucoup de distanciation :

Je décidai de réunir mes dernière forces pour combattre cet assombrissement , je courus à la salle de bain , remplis un seau d'eau, saisis une serpillière et allais m'agenouiller sur le parquet vitrifié du salon.Je ne pris pas le balai, je rampais sue les genoux pour netttoyer tous les coins que le balai n'atteint pas .Ce fut un grand bienfait car je cessai de penser .ce travail est merveilleusement astreignant , il faut se déhancher pour passer sous les armoires , pour déplacer les meubles ,le dos vous fait mal et les vous brûlent vous brûlent .Il n'y a rien de mieux pour les pensées importunes ."

Plus loin encore :
"Je chargeai les tapis sur mon bras et les remportai dans la maison.La matinée était vraiment finie .J'allais dans la salle de bain me laver la figure et les mains en me félicitant de mon travail.Je sentais bien que j'exécrais cette besogne mais je savais à quel point elle m'était nécessaire "

Et encore :
"d'un seul coup , j'eus très froid.Ce 'était pas surprenant car j'avais transpiré en battant les tapis et je ne m'étais pas changée.J'eus l'impression que je ne pourrais plus me lever .Je pensais alors à mon lit et me dit qu'il ne tenait qu'à mopi de m'y allonger .Mais cela aurait naturellment bouleversé tout mon système, il ne pouvait donc en être question."

A travers ces extraits , on prend conscience de l'extrême fragilité psychique de cette femme, de la culpabilité de vivre même ,et qui tente de garder contact avec la réalité par une discipline de fer qu'elle s'impose ....Hum, on n'est pas loin de PADRE PIO et des grands mystiques fervents pratiquants de l'autoflagellation !

Un roman glacé qui parle d'absence à soi , au réel , de l'impossibilité de communiquer , du poids du passé , du grand vide ou du trop plein de l'être intérieur .....de la solitude des êtres qui se tiennent sur le fil ....aujourd'hui on écrirait "borderline" !

Marlen Haushofer réussit brillamment à traduire cet état : à lire les jours de "positive attitude" !!!
Mais je suis encore sous le choc de ce talent pour exprimer les méandres du cerveau "fracturé" ......
J'ai adoré et j'entends bien continuer avec MARLEN HAUSHOFER
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