Ainsi l'homme, c’est-à-dire la nation, le peuple, la race, a accompli la plus belle phase de son évolution. A mesure que le temps a marché, le goût s’est développé, l’intelligence a gagné du terrain ; et, pendant que les influences physiques voyaient diminuer leur empire, l’esprit créateur, animant la matière, a étendu partout sa féconde domination. L'harmonie s’est faite. L’Art a substitué au contraste qui brusque les sensations la gradation qui les apaise, et, grâce à la pureté, à l’élégance, à la noblesse de la forme, le génie humain sait désormais produire de grands effets avec des moyens restreints, alors qu’autrefois il lui fallait des efforts immenses pour n’arriver qu’à des résultats limités.
En même temps, il s'est débarrassé de ces complications et de ces entraves volontaires qui, dans le principe, lui avaient semblé les conditions essentielles du Beau. La régularité absolue, l’implacable symétrie, l’inévitable alternance, ces bases indispensables, ces points de départ forcés de l’ornementation géométrique, qui avaient coutume de s’imposer à lui et de peser sur ses œuvres, ne sont plus à ses yeux que d’ingénieux auxiliaires qu’il appelle à son secours, et non plus des règles étroites dans lesquelles il s’enferme, une obligation supérieure, fatale, dont il n’ose s’affranchir.
Il est moins difficile, en effet, de reconstituer l'existence d'une nation, les mœurs et les usages d'un peuple (alors même que la nation est disparue ou que le peuple est dispersé), que la reconstituer la biographie d'un homme à l'aide de ses œuvres. Or, les œuvres d'un peuple, ce sont les lois qu'il s'est données, les institutions qu'il a créées, son industrie et surtout ses arts.