Nos ancêtres, en effet, voulaient des meubles taillés sur leur patron, et non à l'usage des générations disparues. Les adjectifs ancien et vieux étaient fort incivils à leurs yeux, et, sous la plume des plus érudits, le mot gothique devenait une cruelle injure ". Un grand seigneur, comme le prince de Conti ou le prince de Soubise, commandant, en 1750, un mobilier Renaissance ou de style Louis XIII, aurait paru tout aussi extravagant qu'un élégant de nos jours se faisant habiller suivant la formule de 1845. « Il est presque honteux de n'être pas à la mode tant dans ses meubles que dans ses habits », écrivait Roubo fils, ce maître compétent, dont nous aurons maintes fois à invoquer l'autorité. « Nous sommes des gens qui donnons dans la mode, écrivait de son côté Mme de Simiane. Nous ne voulons pas de vieilleries. C'est bien assez d'être de soi-même une antique, sans en orner ses poches et son appartement ».
Le Velours, dont le nom vient, au dire des étymologistes, du mot velu, est une étoffe tissée sur métier. Elle est composée de deux chaînes. L'une de ces chaînes, appelée chaîne de pièce, forme le bâti ou corps de l'étoffe; l'autre, nommée poil, sert à lier le velouté avec la trame. On fabrique des velours d'ameublement en soie, en laine, en jute, en coton, ou en poil de chèvre. Cette dernière sorte, qui se confectionnait jadis à Utrecht, a conservé le nom de sa ville d'origine, de là son nom de velours d'Utrecht. On donne aussi parfois aux velours de laine les noms de pannes et de tripes.
Le velours est l'un des plus anciens tissus qu'on ait fabriqués spécialement en vue de l'ameublement. « Belle, bonne, solide et honorable étoffe » comme le qualifiait une femme d'infiniment d'esprit, le velours a toujours joui d'une estime particulière.
L'homme du monde le plus instruit, en apparence le mieux préparé, capable de juger sainement d'un livre, d'apprécier une statue, de comprendre et d'expliquer un tableau, est, sous ce rapport, presqu'aussi pris au dépourvu que l'ignorant le plus vulgaire. Bien mieux, ayant conscience de son infériorité relative, prévoyant les embarras sans nombre qui vont l'assaillir, redoutant des mécomptes, et craignant de commettre quelques lourdes erreurs, il s'estime trop heureux de se débarrasser de ce soin dangereux et pesant sur un intermédiaire.