Stairway

Ce tome contient une histoire complète et indépendante de toute autre, parue directement sous la forme d'un recueil en 2018, sans prépublication. L'histoire est écrite par Matt Hawkins, dessinée, encrée et mise en couleurs par Raffaele Ienco, Seul le lettrage a été réalisé par Troy Peteri. Elle comprend 3 chapitres de 24 pages. Hawkins et Ienco avaient déjà réalisé ensemble l'histoire Symmetry dont les 20 premières pages figurent en fin du présent volume. Après le récit, le lecteur découvre 7 pages de bonus, dont 4 consacrées à l'histoire de l'ADN, et 3 à des précisions sur les éléments d'anticipation contenus dans le récit.

En 2048, le multimilliardaire Gregory Hopkins tient son journal intime, évoquant la pression qu'il subit de la part de bureaucrates concernant le projet de recherche scientifique dont il est responsable, le fait qu'il ne manque plus que 2 morceaux (R-65 et R-66), le Livre d'Hénoch (un écrit non inclus dans la Bible des Septante), et les visions qui viennent à lui dans ses rêves. En 2023, Gregory Hopkins se tient devant un comité constitué de 3 officiels. Il effectue une déposition sur ses actes et ses choix qui ont mené à la disparition d'énormément de personnes. Il indique que pour lui tout a commencé avec la guerre nucléaire entre l'Inde et le Pakistan, avec l'intervention de la République de Chine, et l'effondrement économique qui a suivi en particulier pour les États-Unis. Il explique que tout part de la découverte d'informations encryptées dans l'ADN (acide désoxyribonucléique) des êtres humains, par une entité non identifiée. Pour compléter cette information cryptée, il fallait retrouver 666 morceaux disséminés dans des êtres humains. En 2048, un hélicoptère du projet a pénétré de manière illicite dans l'espace aérien indien pour récupérer Jesminder Banik, une enfant porteuse d'un des derniers morceaux manquants.

De retour aux États-Unis, Gregory Hopkins se rend en prison pour voir son fils Peter qui a été arrêté par la police. Il lui dit toute sa déception d'avoir un fils à qui il a tout donné et qui gâche sa vie de son côté, la professeure Alicia Vander est en train de se livrer à ses recherches dans sa maison. Nick Camden, son ex-mari est venu lui rendre visite avec son fils Ethan, mais elle ne souhaite pas aller se promener avec eux, préférant faire avancer ses recherches. Elle répond à l'appel téléphonique de Gregory Hopkins et se rend dans le centre de recherches The Core, dans les Rocheuses (Colorado). Vincent Martin (le responsable de l'exfiltration en Inde) présente Jesminder à Gregory Hopkins et à Alicia Vander. Cette dernière lui fait passer un scanner avec son assistante Octavia. le résultat confirme que Jesminder est porteuse de l'information R-65 sur son ADN. Pour la première fois, Gregory Hopkins accepte de montrer à Alicia Vander comment s'effectue l'intégration de ce nouveau morceau d'information à la matrice du tout.

Matt Hawkins occupe une place un peu particulière chez Image Comics, puisqu'il est le directeur d'exploitation de Top Cow, c'est-à-dire la branche d'Image appartenant à Marc Silvestri. Il écrit également des scénarios de comics, en particulier The Tithe avec Rahsan Ekedal, et Think Tank avec Rahsan Ekedal, la première évoquant les appareils d'église et leurs exactions, la seconde mettant en scène un génie scientifique dans des aventures d'anticipation. Pour la présente histoire, le lecteur retrouve ces 2 centres d'intérêt de l'auteur : la science d'anticipation et une certaine forme de religion. La majeure partie du récit se déroule en 2048, alors qu'un milliardaire a pris sur lui de monter un projet scientifique de réunir des informations dispersées dans le génome humain pour découvrir il ne sait pas quoi. le scénariste a construit son récit de manière à ce qu'il prenne la forme d'un thriller, d'une course contre la montre. de brèves remarques permettent de comprendre que le gouvernement des États-Unis, mais aussi le peuple exige de savoir ce qui se trame dans ce projet. Gregory Hopkins doit prendre des risques de plus en plus élevés, que ce soit une incursion illicite pour enlever un citoyen dans un état souverain, ou de donner l'ordre de tuer des civils. Il est tout entier dans son projet et ne recule devant rien pour le mener à terme.

Matt Hawkins brosse donc le portrait d'un individu riche à milliards, ayant perdu le sens de la compassion et manipulant la vie d'autrui, soit en la détruisant, soit en provoquant des événements pour son avantage (inciter Nick Camden à tromper sa femme Alicia Vander pour qu'elle se donne toute entière à la recherche du projet). le lecteur comprend les motivations de Gregory Hopkins, sans pouvoir cautionner ses méthodes. Il observe le drame de la vie d'Alicia Vander, chercheuse de haut niveau, ne sachant pas interagir avec les autres en société. Il voit les enfants soumis à la volonté des adultes, n'étant pas en position de négocier, ni sur le plan matériel, ni en ce qui concerne l'objectif. Il espère bien que le projet pourra être complété, tout en se demandant ce qu'il va en sortir. Il regarde les horreurs se produire les unes après les autres, avec la sensation de voir un carambolage aussi atroce qu'inéluctable. Il remarque que Matt Hawkins entremêle la dimension spirituelle au récit avec une habileté certaine, sans qu'elle ne semble arriver comme un cheveu sur la soupe, semblant indissociable d'une telle avancée scientifique.

Ce projet a connu une genèse un peu particulière puisque ses créateurs ont eu recours au financement participatif afin qu'il voie le jour. Il réunit pour la deuxième fois Matt Hawkins avec Raffaele Ienco. Cet artiste réalise des dessins dans un registre descriptif et réaliste. Tout du long du récit, il est visible qu'il a souhaité conserver le même niveau de qualité dans les représentations, le même niveau de détail. le lecteur peut donc se projeter dans ce monde assez proche : les bidons villes de Calcutta et ses dédales, l'appartement envahi par les documents de travail d'Alicia Vander, les couloirs fonctionnels du centre The Core, les camps de réfugiés suite aux catastrophes écologiques provoquées par le conflit nucléaire localisé, la chambre d'hôpital d'Ethan, la cellule de Jesminder, etc. L'artiste introduit quelques éléments d'anticipation dans les vêtements et les aménagements intérieurs, mais sans en faire l'attrait principal de sa narration. Ses personnages restent également dans un registre réaliste, sans musculature extraordinaire, sans exagération de la plastique féminine. Il sait même dessiner des enfants avec une morphologie réaliste. Il se passe beaucoup de choses dans ces 80 pages, et Ienco se retrouve à intégrer beaucoup d'informations dans chaque planche, avec des découpages adaptés à chaque fois.

Lors des scènes de discussion ou d'activités ordinaires, le langage corporel des personnages reste mesuré et normal. Il de vient plus rapide et plus vif lors des scènes d'affrontements ou de course-poursuite. Ienco peaufine chaque environnement, le récit passant d'un groupe d'hommes des cavernes autour d'un feu, à un brise-glace avançant au milieu des icebergs en train de fondre, en passant par une salle souterraine abritant un cube géant bleu luminescent. le lecteur apprécie également les prises de vue des séquences d'action, transcrivant bien leur rapidité, et la violence qui éclate. Il a le souffle coupé devant un accident de la route où une benne à ordures ménagères percute une voiture, lorsque le globe terrestre est progressivement recouvert par une mer de flammes, ou encore quand un tireur d'élite abat froidement un fuyard. Raffaele Ienco sait doser les éléments réalistes et les effets spectaculaires pour rester dans un récit à hauteur d'être humain, tout en rendant compte de l'ampleur des destructions, ou de la mort soudaine d'un individu.

Du fait de la narration visuelle dense et réaliste, le lecteur accepte mieux les éléments plus fantastiques du récit. Matt Hawkins parle bien de la possibilité de l'extinction de la race humaine à l'échelle de quelques dizaines d'années, du fait de son incapacité à réguler ses activités destructrices. Il utilise des découvertes scientifiques récentes pour alimenter son récit, à commencer par la possibilité bien réelle de coder des informations supplémentaires dans l'ADN, ou les effets environnementaux d'une guerre nucléaire. Il y ajoute le thème de la spiritualité et de la croyance en Dieu. Dans un premier temps, le lecteur peut tiquer devant la forme de l'agrégat des centaines d'informations récupérés dans autant d'ADN et devant la voix divine qui s'exprime. le scénariste s'explique dans les pages de texte en fin de tome sur son choix pour le cube. le choix même de l'ADN comme support d'information renvoie le lecteur à la démarche scientifique et à ses découvertes. Les chercheurs sont comme des cartographes qui bâtissent des théories sur les liens de cause à effet, et les vérifient. Cette démarche repose sur le principe que ces liens existent, que le monde est ordonné selon une structure logique qu'il est possible de comprendre et de mettre en équation. le lecteur peut alors appréhender cette entité divine soit comme Dieu, soit comme l'incarnation du principe qui préside à cette structure logique. Ainsi cet aspect du récit fait sens.

Avec Stariway, Matt Hawkins et Raffaele Ienco proposent au lecteur, une histoire de science-fiction bien construite, originale, reposant des éléments scientifiques, sous la forme d'un thriller. le lecteur éprouve de l'empathie pour les principaux personnages, même s'il ne cautionne pas leurs choix et leurs actions. Ayant terminé l'histoire, il se rend compte que les auteurs avaient joué carte sur table dès la scène introductive quant à l'effet du projet qui constitue pourtant une énorme surprise. En fin de tome, Matt Hawkins annonce une deuxième saison devant paraitre en 2019.