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Critique de Bigmammy


Depuis la "somme" que constitue, pour les amoureux de Paris, le livre de François Loyer "Paris au XIXème siècle, l'immeuble et la rue", je n'avais jamais rien lu d'aussi passionnant sur la formation de notre ville-capitale, en tant qu'être vivant, progressant, fourmillant.
Ce livre se lit d'abord avec un plan de Paris en main. Il donne une vue verticale et concentrique de l'histoire de Paris : comment cette ville s'est formée à travers les événements historiques dont elle fut le cadre, pourquoi telle rue présente-t-elle cette curieuse courbe, pourquoi telle place nous semble-t-elle artificielle, d'où vient le nom de cette rue, où étaient situées les quelques milliers de barricades du XIXe siècle et pourquoi ? Comment a évolué le tissu urbain en fonction des enceintes successives instituées par le pouvoir politique...ou fiscal, que le nom de Bréa n'a pas été donné à la ravissante rue située en bas de chez moi à cause du peintre du haut pays niçois mais en l'honneur d'un général tué dans des circonstances troubles sur la barricade de la barrière d'Italie en juin 1848, qui étaient ces généraux Négrier ou Duvivier qui sont de minuscules rues donnant dans la rue de Grenelle près de mon ancien bureau.....

La promenade érudite commence au Palais Royal, puis le Marais et la Place des Vosges, les quartiers de l'ancien Paris, ses faubourgs. Nous apprenons pourquoi la rive gauche s'est développée de manière différente, comment les villages situés entre le "mur murant Paris" s'y sont intégrés. Au-delà d'une foule de notations - la ravissante place de Fürstenberg était la cour des écuries de l'abbaye de Saint-Germain des Prés, la rue d'Assas s'appelait rue de l'Ouest, comment le faubourg Saint Antoine s'est développé à la faveur d'une "niche fiscale" : le roi Louis XIV exemptant de la Maîtrise tous les artisans et gens de métier qui y demeurent, en 1657...L'origine des cortèges bigarrés qui parcourent périodiquement nos grandes artères, réminiscence de la fumeuse descente de la Courtille le mercredi des Cendres...

Savez-vous qui a inventé le système de numérotation des rues ? C'est Choderlos de Laclos (l'auteur des "Liaisons dangereuses") qui le présente en 1787. En fait, c'est un Allemand nommé Marin Kreefelt qui entreprit à ses frais en 1779 un numérotage systématique. Mais nous avons échappé au système voulant que l'on numérotât tous les numéros d'un côté d'une rue de façon continue, pour revenir de la même façon de l'autre côté, les deux immeubles se faisant face portant respectivement le numéro 1 et le dernier numéro de la rue....et que cette façon de distinguer les propriétés fut très mal vue de l'aristocratie qui ne supportait pas que l'hôtel particulier fut "logé à la même enseigne" que la maison bourgeoise ou l'estaminet du coin !

Mais surtout, ce livre nous décrit, récits vécus des écrivains les plus célèbres à l'appui, comment se déroulèrent les journées révolutionnaires qui jalonnent l'histoire mouvementée de Paris au XIXème siècle. Comment moururent sur les barricades archevêque, député, généraux, enfants du peuple, leaders révolutionnaires. Ce qui explique naturellement la nécessité les "percées" haussmanniennes ultérieures, déjà initiées au temps de Rambuteau. Comment imaginer en effet les combats de rues dans le Paris d'aujourd'hui ?

Et là, l'histoire personnelle d'Eric Hazan nous éclaire. José Alvarez dit de lui qu'il est un «résistant chronique, d'une absolue sincérité, qui n'a rien à voir avec ces renégats de 68 qui ont abdiqué, épris de luxe et de confort.» Né à Paris en 1936 d'une mère Palestinienne apatride et d'un père juif né au Caire et libraire puis éditeur d'art reconnu, Eric Hazan devient chirurgien cardio-vasculaire et communiste. Il part exercer au Liban, sous les bombardements, prend ses distances avec le Parti, reprend en 1983 la maison d'édition familiale, puis fonde sa propre maison, La Fabrique, en 1998. C'est un pur, et il écrit bien.

L'invention de Paris a été publié en 2002. Il ne manque pas d'égratigner les "avancées architecturales" du XXème siècle, et je ne suis pas loin de partager son point de vue. Après la clôture du Débat Public sur le Grand Paris et son système - je devrais dire SES systèmes - de transports rapides, c'est une lecture passionnante, éclairante et nécessaire pour mettre en perspective les interactions de la volonté politique et du développement urbain.
Lien : http://www.bigmammy.fr
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