« Les pluies étaient venues tard cette année-là. Mais, tout au long de cet été chaud et sec, des nuages noirs annonciateurs d'orages avaient formé d'épais replis d'obscurité menaçante accrochés bas sur l'horizon. Leur activité paraissait cacher un secret, parce que chaque soir ils brisaient long silence morne du jour et lançaient de sourds grondements de tonnerre et d'étincelantes nappes d'éclairs dans le ciel vide. Ils ne promettaient pas la pluie. Ils étaient prisonniers, repoussés dans les enroulements traîtres d'une nuée en ébullition. » (p. 5)
Si elle n'avait été recueillie par Margaret Cadmore, une femme de missionnaire au caractère bien trempé qui lui a donné son nom, Margaret n'aurait pas eu le privilège de recevoir une éducation ni même de vivre d'ailleurs, abandonnée sur le bord de la route avec le cadavre de sa mère morte en couches. C'est qu'elle est une Masarwa, un peuple du Botswana considéré comme sous-humain, et réduit en esclavage. Naïve ou courageuse, Margaret la clame haut et fort, cette identité, malgré les ennuis, potentiellement graves, que cela pourrait lui attirer. Dès son arrivée à Dilepe où elle a obtenu un poste d'enseignante, elle croise le chemin de Moleka, un homme à femmes et ami de
Marou, le futur chef suprême du village, à qui elle fait grande impression, devenant dès lors un enjeu de la relation entre les deux hommes...
Bessie Head, avec cette oeuvre aux accents autobiographiques qu'elle a publiée en 1971, a confronté de front la société botswanaise à ses préjugés raciaux. Un roman qui m'a particulièrement marquée, tant par son écriture protéiforme qu'en raison de ses personnages singuliers, intenses voire inquiétants.