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EAN : 9782841090556
94 pages
Le Temps des Cerises (01/03/1996)
4.67/5   3 notes
Résumé :
Seamus Heaney est le poète de l’Ulster. Il a su, dans une œuvre, à la fois savante et accessible où résonne l’écho du destin de l’île, faire de son univers personnel un élément de la mythologie nationale des Irlandais. Ce livre en porte témoignage.
En 1995 a été décerné le prix Nobel de littérature.
Poèmes traduits de l’anglais par Gérard Cartier.
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Le genre de chose que je ne manie qu'avec précaution: l'éditeur présente Seamus Heaney (ça ne se prononce pas Simusse mais Cheïmeuss (sic), c'est la même racine que "James") comme le poète de l'Ulster. J'ai des réflexes un peu datés sans doute, mais pour moi il n'y a pas d'Ulster, mais une Irlande qu'on appelle Irlande et pas Eire (sauf si vous parlez gaélique d'Irlande) et je me souviens encore de m'être fait ruer dans les brancards pour avoir parlé de "Londonderry" comme c'était marqué dans mon encyclopédie française.
Pour Heaney, il me fait un peu penser à John Millington Synge, pour manier les mythes avec adresse. Pour ce recueil, je n'insisterai guère là-dessus : le propos se fait politique, les drames personnels comme la mort de sa mère, deviennent universels (le terme « clearances » renvoie à des déplacements de population, en particulier aux Highlands). Ne pas oublier qu'avant le Nobel et tout ça, Heaney était controversé et certains l'accusaient d'apologie de la violence. Dans ce recueil, il chante tout de même les balles traçantes. Dans un contexte d'unanimité et de commémoration post-mortem, dans une actualité islamiste, on aurait tendance à oublier que Seamus Heaney n'était pas tiède (il a toujours refusé de figurer dans des anthologies de poésie anglaise) et les « troubles » en Irlande non plus. Un livre à lire au whiskey.
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Accrochez-vous, il le mérite.
Le titre bucolique et l'origine de l'auteur me laissaient espérer une poésie pleine de belles images gaéliques à la Yeats.
Alors non, Heaney est d'une autre école et d'une autre génération : des avions passent dans le ciel irlandais, le bruit de l'imprimante couvre ici le son de la musique celtique.
Pourtant c'est très, très irlandais. Mais Heaney est aussi le poète d'un autre territoire : il vient d'Ulster, d'une famille catholique discriminée pour sa religion.
"Un pavé lancé il y a un siècle
Continue de me parvenir, première pierre
Jetée au front d'une arrière-grand-mère renégate."
Ses poèmes parlent donc d'une autre Histoire.
J'ai été déroutée, au début. J'ai besoin de comprendre ce que je lis, et au moins d'apprécier la musique des vers, et ce n'était pas le cas : les premiers poèmes m'étaient bien trop obscurs (encore que la préface et les notes du traducteur Gérard Cartier soient éclairantes).
Et puis je suis arrivée aux sonnets dédiés à sa mère. Et à partir de là, le charme a opéré : j'ai vu briller les robinets de cuivre, entendu tomber les pommes de terre épluchées dans le baquet d'eau claire, j'ai secoué et tiré moi aussi les draps de lin "d'abord sur l'ourlet puis en diagonale", senti aussi le vide de l'absence. "Sa force et sa paix deviennent un lumineux néant."
J'ai regretté la mort de L'Arbre aux souhaits, j'ai senti la boue "quand la paume cachée de l'eau trouva ma paume", j'ai passé mes doigts sur une gravure de déesse romaine et salué "ceux qui gardent la langue du pays".
Donc ne vous découragez pas aux premiers poèmes.
Accrochez-vous.
Il le mérite.

Challenge Nobel
Challenge Poévie
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
À Wicklow aussi un chien a pleuré cette nuit
en souvenir de Donatus Nwoga

Quand les humains eurent compris ce qu’était la mort
Ils envoyèrent à Chukwu un chien porteur de ce message :
La maison de la vie devait leur être ouverte.
Ils ne voulaient pas finir à jamais perdus
Comme le bois brûlé disparaît en fumée
Et cendres dispersées au vent. Non : leurs âmes
Étaient comme une troupe d’oiseaux croassants
Au crépuscule, revenant aux mêmes perchoirs,
Aux mêmes purs climats, aux ailes étirées du matin.
La mort serait comme une nuit passée dans la forêt :
À l’aube, chacun serait rentré dans la maison de la vie.
(Voilà ce que le chien devait dire à Chukwu.)

Mais le chien oublia la mort et les humains, préférant
Quitter le sentier en trottinant pour aboyer
Car un autre chien, en plein soleil, lui aussi aboyait
Depuis l’autre rive d’une large rivière.

Et c’est ainsi que le crapaud parvint avant lui chez Chukwu,
Le crapaud qui avait entendu les premiers mots
Du message du chien. « Les humains », dit-il
(Et sur ce point le crapaud sut convaincre),
Le humains veulent que la mort dure toujours. »

Alors Chukwu conçut leurs âmes comme des oiseaux
Volant à sa rencontre, taches noires sur le crépuscule,
Vers un lieu sans arbres ni perchoirs
Ni aucun retour vers la maison de la vie .
Et son esprit s’emplit de rouge et de noir tout ensemble
Et, de ce que le chien lui apprit par la suite, rien ne put
Modifier cette vision. Grands chefs, grandes amours
Dans la lumière effacée, le crapaud dans la boue,
Le chien pleurant toute la nuit derrière la maison des morts.
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A dog was crying tonight in Wicklow also
in memory of Donatus Nwoga

When human beings found out about death
They sent the dog to Chukwu with a message :
They wanted to be let back to the house of life.
They didn’t want to end up lost forever
Like burnt wood disappearing into smoke
Or ashes that get blown away to nothing.
Instead, they saw their souls in a flock at twilight
Cawing and headed back for the same old roosts
And the same bright airs and wing-stretchings each morning.
Death would be like a night spent in the wood :
At first light they’d be back in the house of life.
‘The dog was meant to tell all this to Chukwu).

But death and human beings too second place
When he trotted off the path and started barking
At another dog in broad daylight just barking
Back at him from the far bank of a river.

And that is how the toad reached Chukwu first,
The toad who’d overheard in the beginning
What the dog was meant to tell. ‘Human beings’, he said
(And here the toad was trusted absolutely),
‘Human beings wants death to last forever’.

Then Chukwu saw the people’s souls in birds
Coming towards him like black spots off the sunset
To a place where there would be neither roosts nor trees
Nor any way back to the house of life.
And his mind reddened and darkened all at once
And nothing that the dog would tell him later
Could change that vision. Great chiefs and great loves
In obliterated light, the toad in mud,
The dog crying out all night behind the corpse house.
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Quand tous étaient partis à la Messe
J'étais tout à elle. Nous pelions des pommes de terre.
Elles brisaient le silence, lâchées une à une
Comme la soudure pleurant sous le fer à souder :
Maigres douceurs entre nous qui étaient notre partage,
Et étincelaient dans un baquet d'eau claire.
Puis à nouveau le plaisir d'éclaboussures légères
Qui touchaient l'autre et nous rendaient à nous.
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Voir les choses

Inishbofin un dimanche matin.
Soleil, fumée de tourbe, mouettes, embarcadère, diesel.
Un par un on nous aide à descendre dans un bateau
qui chaque fois plonge et se tortille
Effroyablement. Nerveux, nous sommes assis serrés
À deux ou trois sur des bancs de traverse,
Dociles, étrangers soudain proches, personne ne dit rien
Sauf les marins quand les plats-bords s’enfoncent,
Prêts, dirait-on, à prendre eau à tout instant.
La mer était fort calme, mais néanmoins,
Lorsqu’à la ruade du moteur notre passeur
Prenant le gouvernail perdit presque l’équilibre,
Je m’effrayai des dérobades balourdes
De notre embarcation. Ce qui faisait notre sûreté –
Rapidité de réponse, élasticité, élan –
J’en étais mort de peur. Et tout le temps
D’une traversée calme et sans accroc
Sur une eau immobile, profonde et transparente,
Il m’a semblé que c’était d’un autre bateau,
Voguant haut dans les airs, que j’observais
Combien précaire était notre avancée dans le matin,
Et impuissant j’aimais nos têtes nues, courbées, dénombrées.
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Le brouillard est ici un présage redouté mais l'éclair
épelle la bonté universelle et durant les orages
les parents suspendent aux arbres leurs enfants emmaillotés.
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Video de Seamus Heaney (1) Voir plusAjouter une vidéo

Prix Nobel /Décoration
LITTERATURE, le ministre de la Culture, PHILIPPE DOUSTE-BLAZY a remis les insignes des Arts et Lettres (?) au prix Nobel de Litterature, l'Irlandais SEAMUS HEANEY .
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