Contrairement à ce que l'on pourrait penser de prime abord, cette saga de Shikanoko se déroulant dans un Japon médiéval imaginaire n'a pas été écrite par un auteur japonais, mais par une autrice tout ce qu'il y a de plus anglaise, ou en tous cas britannique, vivant maintenant en Australie. Mais, férue de langue, de culture et de civilisation japonaises, elle nous livre des sagas situées dans Japon moyenâgeux réinventé dans sa géographie, mais imprégné d'un imaginaire bien japonais, avec une dose de magie et de sorcellerie (mais pas plus qu'il n'en faut, ce qui enlèverait de la crédibilité au récit).
Lian Hearn cultive avec bonheur l'art de raconter des histoires et de tenir le lecteur en haleine, et ce dans le meilleur sens du terme. Beaucoup d'imagination, une belle ingénierie du récit : le lecteur ne s'ennuie pas un instant et a même tendance à dévorer... Même un lecteur a priori peu attiré par le genre "heroic fantasy" ne peut qu'être séduit par
Lian Hearn, et même enthousiasmé s'il est par ailleurs amateur de civilisation japonaise. Nous avons de surcroît, tout au long du récit, une sensibilité à la nature si chère à l'esprit japonais, exprimée d'une façon souvent poétique.
Dans cette saga en 4 tomes parus en 2016 et traduits par
Philippe Giraudon, nous avons successivement :
- "L'enfant du cerf", où le héros Shikanoko, après avoir subi une tentative d'assassinat, trouve refuge chez un sorcier ;
- "La princesse de l'automne", où le destin du héros s'assombrit après la destruction de son masque ;
- "L'empereur invisible", où le véritable empereur vit sous une fausse identité, caché, ainsi que Shikanoko de son côté, aux yeux de l'imposteur ;
- "L'héritier de l'arc-en-ciel", où Shikanoko finit par sortir de sa retraite pour rétablir le véritable empereur et le convaincre d'assumer ce destin.
Cette quadrilogie de Shikanoko vient en fait en préquel de la saga "
Le clan des Otori", que tout lecteur de Shikanoko sera impatient de découvrir. À nous français elle peut faire penser à la saga des Pibrac, de
Michel Folco (
Un loup est un loup etc.).
Lian Hearn est un nom de plume à partir du prénom de l'autrice (Gillian) et du nom de
Lafcadio Hearn, auquel elle a voulu rendre hommage, irlandais décédé à 54 ans à Tokyo en 1904, qui a eu une vie très internationale avant de se fixer au Japon, dont il a pris la nationalité sous le nom de Yakuno Koizumi après avoir épousé la fille d'un samouraï. Dès lors cet admirateur de
Pierre Loti a beaucoup voyagé au Japon en étudiant les mythes, légendes et fantômes japonais et en écrivant des ouvrages faisant encore référence sur ces sujets. Plusieurs lieux, au Japon et en Irlande, portent d'ailleurs son nom.
Tout cela conduit à recommander chaleureusement Shikanoko à tout amateur de bonne littérature.