Jusqu'à Raqqa : Un combattant français avec les Kurdes contre Daech (BD)

Leur priorité est de ne pas s'abaisser au même niveau de barbarie que leurs ennemis.

« Ce qui est important, c’est le nombre de villes que nous libérons, pas le nombre d’ennemis que nous tuons. [..] Les civils sont notre priorité. N’oublie pas le sens YPG, unités de protection du peuple. » (p. 46)

Je remarque alors un groupe de femmes, dont certaines portent encore le voile intégral, regarder à bonne distance une de nos camarades. Celle-ci semble ne pas remarquer l’attention dont elle fait l’objet. La fascination qu’elle exerce sur ces femmes qui, une heure auparavant, vivaient encore sous le joug de Daech, a été pour moi la plus frappante illustration de la puissance émancipatrice des combattantes kurdes.

Il y a moins de vingt-quatre heures, je me réveillais dans mon lit à Paris, et je me retrouve maintenant en train de traverser clandestinement l'Irak, sous les bombardements d'une armée de l'OTAN.

Ce qui est important, c’est le nombre de villes que nous libérons, pas le nombre d’ennemis que nous tuons. Les combats dans la ville auraient aussi conduit à la mort de ces familles. Les civils sont notre priorité. N’oublie pas le sens de « YPG »: « unité de protection du peuple ».

En m'intéressant de plus près aux Kurdes, j'ai pris conscience qu'ils ne se battaient pas simplement pour leur terre ou contre Daech. Ils combattaient avant tout au nom d'un modèle révolutionnaire basé sur la démocratie directe, le socialisme, le féminisme, la laïcité et l'écologie. Autant de principes qui étaient au coeur de mon propre engagement politique.

Lors de ces courtes pauses hors du front, je me rends compte qu'après avoir échappé quotidiennement à la mort, on se sent heureux de vivre à un point que ceux qui n'ont jamais combattu ne peuvent pas imaginer.

La volonté des Kurdes de mener cette guerre tout en restant humains, en respectant la vie des civils, de leurs combattants, et même celle des djihadistes, est la chose qui m'a le plus impressionné au Rojava. Alors qu'ils auraient toutes les raisons de vouloir se venger, leur priorité est de ne pas s'abaisser au même niveau de barbarie que leurs ennemis.

En rejoignant le front nous allons nous engager dans un rapport durable et intime avec la mort : celle de nos ennemis, de nos camarades, des civils pris entre deux feux et peut-être même la nôtre. La video, le testament, l'omniprésence. des photos des martyrs, tout est mis en oeuvre pour nous faire accepter cette réalité avant de partir au combat.

Quant à moi, j'avais fait cinq ans d'études pour me retrouver dans un centre d'appel.
"Votre nombre d'appels traités est trop bas, vous mettez le turbo ou je vais devoir me séparer de vous !"
J'en avais assez de me dire révolutionnaire et d'accepter de me faire sermonner par une ordure dans son genre.