A l'intersection de l'histoire, de la sociologie et des relations internationales, l'importation en France du conflit israélo-palestinien est le sujet de la thèse en science politique soutenue en 2010 par
Marc Hecker à l'université Paris-I. le jeune chercheur a interrogé les militants pro-israéliens et pro-palestiniens. Il a lu leurs tracts et leurs blogs. Il a suivi leurs manifestations dont la description pittoresque offre les pages les plus vivantes du livre. Cette connaissance accumulée lui permet de dresser une radioscopie détaillée des associations pro-israéliennes et pro-palestiniennes. La diversité de leurs programmes et de leurs registres d'action invalide les analyses communautaristes et religieuses qui opposent un lobby à un autre.
En historien,
Marc Hecker rappelle les grandes séquences de la politique française au Proche-Orient et l'émergence à partir de la guerre des Six Jours de militantismes pro-israélien et pro-palestinien auxquels la 2ème Intifada a donné une nouvelle vitalité. En sociologue il se penche sur les motifs qui conduisent des Français à s'engager pour un conflit qui se déroule à des milliers de kilomètres. En spécialiste des questions internationales, il s'interroge sur le rôle des Etats, notamment des collectivités territoriales, avec lesquels les militants entretiennent des relations oscillant entre coopération et méfiance.
Marc Hecker a le scrupule de souligner que l'importation du conflit israélo-palestinien est un raccourci trompeur et dangereux. Trompeur : le degré de violence en France n'a rien à voir avec celui en Israël. le passage à l'acte d'une minorité d'extrémistes ne doit pas occulter le pacifisme de l'immense majorité des militants français. Dangereux : l'importation des tensions israélo-palestiniennes fait peur. le spectre d'une guerre civile sur fond de montée de communautaristes est agité ici et là. Sans méconnaître l'inquiétante augmentation des actes antisémites et la banalisation d'un discours islamophobe, il faut souligner avec
Marc Hecker que la violence a reculé. Aux attentats sanglants des années 80 perpétrés par des organisations terroristes internationales ont succédé des actes délictueux certes plus nombreux mais moins meurtriers, commis par des petits délinquants plus accoutumés à manier la barre de fer que le pain de plastic.
Faut-il pour autant s'en satisfaire ? Non. Ces deux mouvances restent imperméables l'une à l'autre alors même que les positions modérées des pro-israéliens rejoignent les positions modérées des pro-palestiniens. Ce fossé n'est pas près de se combler car il constitue un puissant ferment de cohésion. A supposer même que le conflit au Proche-Orient se résolve un jour, cette fracture qui traverse la société française ne disparaîtra pas de sitôt.