[...] Machiavel doit rompre avec cette politique, chercher ailleurs et, pour Ludovico, le second de ses fils, il songe à une autre vie, le lance pendant quelque temps dans la grande aventure de la marchandise. C'était trancher avec les habitudes de sa propre famille car, dans le passé de ces Machaviel de Sant' Andréa, ne se trouvait aucun grand marchand, aucun véritable engagement dans de lointains trafics. Bernardo, le père de Nicolas, vendait son vin, troquait son huile, faisait tisser des pièces de toile mais n'investissait pas son argent outre-mer. Dans ses comptes, l'apothicaire n'apparaît que pour les potions ou sirops lors de la grande épidémie. Pour les soieries et autres merveilles de l'Orient, on s'en tenait au strict minimum : c'était un luxe exceptionnel, une curiosité. En somme, une famille qui, sans ignorer quelques facilités de la ville, compte surtout sur les ressources de la terre. Leur vie se calque sur celle des paysans et les neveux ou cousins qui partent vers d'autres horizons font figure d'audacieux. [...]
La naissance du capitalisme au Moyen Age, Jacques Heers