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Critique de Emiliec28


C'était intéressant de lire ce livre juste après avoir lu celui de Martin Winckler. Passer du point de vue d'un médecin généraliste à celui d'un psychiatre. Les dissensions sont rapides à apparaître. Ne serait-ce que sur l'assignation du genre qui parait compliqué au premier, évident pour l'autre. Il finit cependant par nuancer cette évidence plus loin dans l'ouvrage (p.100) où il détaille à son dire les différents cas de figure chromosomiques) Il déplorera alors les décisions hâtives, basées sur des critères trop subjectifs et notamment la "vraisemblance physique et la fonctionnalité hétérosexuelle des organes". Il considère qu'il s'agit avant tout du "bon vouloir" des chirurgiens.
Note à tous : la citation "on ne nait pas femme, on le devient" il va falloir arrêter, on la retrouve partout, tous les auteurs se l'approprient. L'auteur en profite pour confronter Freud à Beauvoir et, si j'ai bien compris il a l'air de sous-entendre que Freud aurait été plus féministe que Beauvoir. Je me demande encore si c'était une blague. Globalement il parlera beaucoup de Freud, sans aucun doute que c'est une partie intégrante de la formation en psychanalyse et en psychiatrie. Sachant qu'on est encore un des derniers pays à la prendre réellement au sérieux... mais bon c'était le gros point noir de l'ouvrage, pour le reste les propos sont très ouverts et intéressants, c'est un professionnel qui va dans le bon sens, sans jugement.
Grâce à lui j'ai notamment enfin compris la différence entre transsexuel (passer d'un sexe à l'autre) et transgenre (chercher sa place dans le "genre", le sexe est mis de côté) et j'ai compris - tout court - ce que signifiait "Queer" (être et s'affirmer différent, sans besoin de définir cette différence, le mouvement queer remet en cause l'existence des catégories)

Comme d'habitude, j'ai pris des notes au fur et à mesure de ma lecture pour la suite :

Paul B. Preciado a fait remarquer comme c'était intéressant de constater que pour tout chirurgie esthétique nous étions libre mais dès lors qu'on touchait au changement de genre, la société se sentait le droit de s'en mêler (il lui a fallu une certification d'un psychiatre pour se faire retirer les seins)

(p.33) "Remarquons au passage , en guise de clin d'oeil, que plus on avance dans l'égalité hommes/femmes, plus les femmes dépensent en produits de beauté et en maquillage. Autrement dit : si on ne joue pas à la fille, qu'est-ce qu'être une fille ?"
Ce passage m'a un peu interpelé, c'est une affirmation a priori sans fondement, quid des chiffres ? Un contexte éventuellement ? Quid des hommes ? Il me semble qu'ils sont eux aussi de plus en plus nombreux à utiliser des produits de beauté. On ne retient pas que ce qui nous arrange ou au moins il faut développer...

1955 (!!!) les travaux de John Money (psychologue) " (...) démontrent que le genre n'est pas inné. Au contraire, ce serait une empreinte psychologique acquise par l'apprentissage et l'expérience pouvant surpasser le sexe biologique quant au sentiment d'appartenance de l'individu à un sexe."

La France ne reconnaît toujours pas le sexe "neutre" elle a toujours ce besoin de binarité. La cour de cassation avait reconnu en 2016 que ça demanderait trop de travail juridique...

Weinstein, #metoo et tout ce qui s'en est suivi, veut mettre fin à la domination masculine considérée comme "naturelle", il y a une remise en question de l'asymétrie des relations masculins/féminins. Mais cette remise en question pose aussi la questions inévitable du jeu de séduction, en réponse : la tribune de Deneuve "Liberté d'importuner" en 2018 qui, précise-t-il, n'a été signé que par des femmes de pouvoir qui peuvent se permettre de l'abandonner (leur pouvoir) et de le reprendre aux hommes comme elles le souhaitent. Cette tribune soulève d'ailleurs une autre question, celle de la zone grise (lire le poignant témoignage de Loulou Robert paru cette année sur la question) il cite alors Michelle Perrot "Le féminisme français est tempéré, voire engluée par une tradition de courtoisie et de galanterie qui demande à être déconstruite tant elle dissimule l'inégalité sous les fleurs"

Ce mouvement #MeToo a soulevé, en fait de nombreuses questions dont celle de l'universalité des hommes ou quand "L'homme était l'Homme" pour citer Elisabeth Badinter. le mâle était la référence absolue. Aujourd'hui, les femmes aussi sont des êtres complets, universels. Être une femme ne les résume plus ni ne décide de leur destin. Être femme ne nous réduit plus à des clichés comme peuvent encore l'être de nombreuses étiquettes minoritaires (noirs, arabes, homosexuels..) (Sur ce point de vue je pense que le chemin est encore long avant que les femmes ne soient réellement libres de toute idée préconçue et de tous les carcans mais bon, il choisit de voir le positif, pourquoi pas pour une fois)

Il reste encore trop d'éducation dans ce sens, il le reconnait lui-même : biberon à la demande pour les garçons, à heure fixe pour les filles (études), d'un côté le garçon réclame et s'attend à être satisfait, de l'autre la fille subit, se plie, se soumet.
De même, expérience sur une même photo "pourquoi pleure-t-elle ?" -> Parce qu'elle a du chagrin / "Pourquoi pleure-t-il ?" -> parce qu'il est en colère, a besoin de s'exprimer. Les adultes projettent leur propre vision sur les enfants !
On s'adresse différemment à une petite fille ou à un petit garçon. Ex : les pères encouragent leur fille à montrer de l'affection et s'opposent à ce que leur fils jouent à la poupée ; on ne leur lit pas les mêmes histoires, les mères poussent leur fille à aider ; on parle en émotionnel et on sourit plus aux petites filles qu'aux petits garçons ; toutes ces attitudes façonnent, c'est un langage précoce qui s'imprègne.

Il pose alors LA question : les hommes auraient-ils peur des femmes ? Peur de leur désir (impuissance), peur de leur jouissance qui est plus forte (excision, voile..), appropriation de la fécondité et peur d'être trompé sur sa descendance (ceinture de chasteté, mythe de la virginité) peur de l'abandon...

Il évoque les difficiles transitions à tous les niveaux : dans le couple, dans la parentalité. Il déconstruit des clichés de longue date et la "Manif pour tous" en prend pour son grade pour son conservatisme dépassé et qui n'a plus grand sens. La fin de l'ouvrage se concentre sur la parentalité en évoquant la PMA, l'utilisation de la médecine à tout va.
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