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Clément Baude (Traducteur)
EAN : 9782253129431
736 pages
Le Livre de Poche (03/02/2010)
3.96/5   131 notes
Résumé :
" Enfant, Trudi Montag croyait que chaque être humain savait ce qui se passait dans la tête des autres. " Trudi Montag vit à Burgdorf près de Düsseldorf. Trudi est naine. Souvent seule, sujette à mille et une brimades, elle passe son temps à observer ceux qui ne la voient pas. Trudi raconte les autres, jour après jour, dans leurs secrets les plus sombres et les plus inavouables. Au fur et à mesure que s'accroît le pouvoir d'Hitler, elle nous dit ce que chacun choisi... >Voir plus
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Trudi est née petite, toute petite, et restera petite.

C'est une petite naine, habitante d'une petite ville catholique fictive d'Allemagne, qui observe ses contemporains entre 1915 et 1950, et vit avec eux le destin de son pays entre la défaite de 1918 et les années de l'après nazisme.

Désespérant de se voir grandir, la fillette est très tôt sujette aux brimades et quolibets. En dépit d'un père attentif et d'une éducation rigoureuse, l'avenir ne s'annonce pas facile et forge la personnalité de la jeune femme, au caractère affirmée, à l'intelligence brillante, à la loyauté sans faille pour les confidences et à la compassion naturelle envers les persécutés.
Et des persécutés, il y en a dans cette Allemagne aux accents nationalistes forts et aux bruits de bottes militaires. de quoi largement développer la part d'humanité d'une jeune personne elle-même discriminée.

Dans son rôle de bibliothécaire, Trudi archive les secrets, les confidences, les petites ambitions, les histoires de chacun, et l'Histoire en général. A travers ses yeux, la petite bourgade bourgeoise, aux préjugés catholiques et aux convenances perverses est à l'image du peuple allemand dans sa normalité et sa résignation.

Les personnages secondaires ouvrent à la compréhension de la montée du nazisme dans les mentalités, les bassesses, les acceptations et les compromissions. le quotidien est fait de peurs, de lâchetés, de dénonciations. Parler haut, s'opposer ferme, affirmer sa différence peut être catastrophique. Chacun courbe le dos et attend de voir… et en effet, le peuple allemand ne verra pas des champs de roses...

Ursula Hegi offre de nombreuses pistes pour analyser le pays de l'intérieur, comprendre comment il a pu accepter la barbarie ou se voiler la face en la voyant venir.

Roman ambitieux et précis, de lecture aisée et fluide, chronique romanesque attachante par le personnage d'héroïne atypique, essai sociologique sur l'identité d'un peuple: un livre passionnant que l'auteur complète dans « Brûlures d'enfance ».
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Le personnage principal, la Trudi du titre, est née en 1915 près de Dusseldorf. Son père revient boiteux de la grande guerre.
Sa mère, à sa naissance, comprend immédiatement que Trudi n'est pas un bébé comme les autres. La mère, déjà fragile psychologiquement, ne se remettra pas de la différence de sa fille et alternera pendant quatre ans séjour en hôpital psychiatrique et séjour chez elle. Puis un jour Trudi nous raconte l'enterrement de sa mère. Trudi a quatre ans.
J'ai eu un peu de mal avec le début de ce livre car les pensées de Trudi sont trop structurées pour une enfant de quatre ans. Par contre à partir du moment où elle devient adolescente (Trudi rencontre pour la première fois une autre naine à 13 ans), j'ai commencé à la trouver passionnante dans l'analyse de ses sentiments, de ceux des autres également.
En parallèle de cette enfance, à la fois privilégiée car Trudi est très soutenue par son père, et très malheureuse car les autres enfants lui font voir les pires traitements, Trudi jeune fille va nous raconter la montée du nazisme puis le début de la guerre. C'est une femme qui nous racontera la fin de celle-ci.
Après Seul dans Berlin c'est le deuxième livre que je lis sur la guerre vue par des populations civiles allemandes.
Effrayant ce qu'a pu donner l'indifférence face à l'ascension d'Hitler.
Au fur et à mesure du roman je me suis attachée à Trudi, qui est à la fois touchante et exaspérante ; mais il lui faut bien survivre : Trudi parfois sans compassion mais aussi prête à aider Eva, son amie juive, ainsi qu'à cacher des inconnus dans sa cave, Trudi amoureuse, Trudi malheureuse, un personnage marquant !
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Même si Trudi n'aime pas entendre ce mot dans la bouche des autres, c'est souvent la seule chose qu'ils voient d'elle : c'est une naine et du fait de sa petite taille, tout un chacun croit que ses rêves et ses désirs sont eux aussi plus petits, plus étroits.
C'est par les yeux de Trudi que nous assistons aux évènements de la première moitié du XXème siècle (de 1915 à 1952 exactement) dans un petit village fictif sur les bords du Rhin, Burgdorf dans les environs de Düsseldorf. Trente ou quarante années cruciales, et plutôt noires, de l'histoire allemande. Des années sur lesquelles nous n'avons pas fini de nous interroger, qui n'ont pas fini de nous interroger. Comment est-il possible d'en arriver là ? Qu'aurais-je fais dans une situation similaire ?...
Aucun livre, de fiction ou d'histoire, ne répondra de façon définitive à ces questions. Ursula Hegi, dans ce livre de plus de 700 pages, tente d'apporter sa contribution à cette réflexion, par le biais de ce personnage qui porte sa différence en bandoulière, comme un jour les Juifs ont commencé à porter la leur sur le revers de leur manteau.

Au premier abord, Trudi n'est pas un personnage très attachant. Les humiliations quotidiennes qu'elle a subies du fait de son apparence physique ont aigri son caractère et l'ont presque rendue méchante, pensant avant tout à meurtrir et à humilier à son tour. Mais elle a, notamment grâce à son père, le très doux et charismatique Leo Montag, un sens très net de ce qui est juste et elle saura faire les choix nécessaires pour ressortir la tête haute. de façon intéressante, elle semble d'ailleurs plus encline à aider de parfaits inconnus plutôt que les gens de son village (à quelques exceptions près), comme s'il était plus facile d'aider un inconnu (qui incarne une figure humaine) qu'une personne que l'on connaît et donc on connaît donc les turpitudes ou les bassesses.
Mais Trudi s'adoucira, en sens inverse de son pays qui devient de plus en plus inhumain, qui, de plus en plus rejette la différence. Pas d'action d'éclat dans ce livre, pas de grand réseau de résistance faisant preuve d'un courage hors du commun, pas non plus de monstre sanguinaire, juste des gens qui font en silence ce qu'ils considèrent comme leur devoir, d'autres qui se coulent dans le moule et savent en profiter, et beaucoup qui demeurent silencieux et font le dos rond. Probablement une bonne représentation de ceux qu'ont été les Allemands pendant cette période.

La thèse d'Ursula Hegi est que cette situation a pu se développer grâce à la culture du qu'en-dira-t-on et des arrangements avec la vérité qui prévalait dans l'Allemagne du début du siècle. Une culture qui ne laissait pas non plus place au questionnement ou au doute. Comme il sera assené à Trudi plusieurs fois au cours de son éducation (catholique), questionner, c'est déjà ne pas avoir la foi, c'est donc pécher. Pour développer cet argument, Ursula Hegi consacre les quelques 150 ou 200 premières pages de son livre à faire évoluer ses personnages dans l'atmosphère étouffante de la petite bourgade de Burgdorf dans les années qui suivent la fin de la première guerre mondiale. Cela rend le roman lent dans ce premier tiers, mais les arguments développés sans en avoir l'air prennent leur sens dans la suite du livre, et j'ai alors pardonné ce qui m'était apparu au premier abord comme des longueurs. La fin est peut-être aussi un peu trop sirupeuse et pleine d'une introspection de façade sur ce que le fait de se souvenir (de façon sélective) et de raconter (selon un autre processus de sélection) révèle d'une personne ou d'une société.
Mais, entre un début un peu lent et une fin pas tout à fait dans la ligne du reste du roman, il y a des pages véritablement prenantes. L'écriture est simple et directe, et elle aborde de front des questions récurrentes mais aussi des questions plus subtiles sur le comportement des civils allemands pendant la montée du nazisme et la guerre.
La question du silence bien sûr, et à partir de quand le silence devient-il complicité, puis même responsabilité ? Mais il y a aussi des réflexions plus dérangeantes, faites par certains personnages, des aspects de la question auxquels je n'avais personnellement jamais pensés, et c'est cela que j'ai aimé dans ce livre, cette capacité à éclairer les dilemmes moraux d'un éclairage cru et nouveau. Comme penser à ces Allemands qui ont souhaité la défaite de leur pays, qui savait que l'Allemagne se relèverait mieux d'une défaite que d'une victoire. Peut-être cela paraît-il évident à certains d'entre vous, mais je n'avais jamais envisagé que la guerre ait été pensée dans ces termes.
Le livre, à plusieurs reprises, revient sur la barrière entre persécutés et persécuteurs, avec notamment un regard plein d'un mélange de rejet et de compassion pour les persécuteurs. Sans les absoudre ni même réellement chercher les causes de leur engagement, Ursula Hegi, d'une certaine façon, les plaint, plaint leur manque d'humanité. Comme un des personnages, Mme Blau qui se fait cette réflexion : « oui, si elle avait le choix, elle préférait être une persécutée plutôt que d'être une persécutrice. Dans les deux cas, le prix à payer était terrible ; mais elle préférait encore subir l'humiliation et la peur plutôt que de devenir totalement insensible à ce qui faisait l'humain. » (Chapitre 11, “1938”, p. 369).
Mais à un autre moment, constater que de toute façon le persécuté perd toujours. On lui prend d'abord ce qu'il pense avoir gagné à la sueur de son front, avoir mérité : ses richesses, ses meubles, ses souvenirs. Puis quand il n'a plus rien de personnel, on s'attache à le dépouiller de ce que l'on croyait acquis pour tous : sa famille, être à l'abri du froid et de la faim. Alors soit il meurt, soit il s'accroche et tente de survivre, donnant alors raison à ses bourreaux pour qui il est moins qu'un homme, tout juste un animal.

Des pensées dures, des moments sombres, ce livre est une contribution à un certain devoir de mémoire, celui qui cherche à décortiquer les évènements et à ne pas les édulcorer, pointant du doigt ce que nos petits accommodements peuvent avoir de monstrueux et nous obligeant à réfléchir à notre responsabilité dans les grands évènements, aux extrêmes auxquels peuvent conduire nos petites lâchetés et notre refus de regarder.
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Trudi la naine, c'est l'histoire de Trudi Montag (naine, donc) de sa naissance, en 1915, à la mort de son père, Leo, en 1952. A Burgdorf, près de Düsseldorf, en Allemagne.

Forcément, la petite histoire, celle de la vie quotidienne de Trudi et de sa communauté, rejoint la grande, avec l'ascension d'Adolf Hitler, la guerre, l'arrivée des Américains...

C'est la première fois que je lis un livre sur cette période écrit du point de vue allemand. Parce que tous les Allemands n'étaient pas des nazis, certains aussi, cachaient des Juifs, et les aidaient à s'enfuir, en Suède, en Suisse ou en Amérique latine...

Les chapitres du roman correspondent à des périodes ou à des années, et Ursula Hegi nous raconte les événements dans l'ordre où ils arrivent : la naissance de Trudi, et la folie de sa mère, Gertrud, le dévouement de son père, Leo, revenu avec un genou en acier de la première guerre mondiale. La solidarité avec les voisins et les voisines : les Abramovitz, le Dr Rosen, Hedwig, l'épicière, qui habille son fils Georg en fille et lui laisse les cheveux longs... Trudi a beau être naine et détester les regards qui se posent sur elle, elle fait pleinement partie de la ville. Son père est bibliothécaire, et très tôt, elle l'aide dans ses fonctions. Les gens viennent à elle, et elle devine, à travers ce qu'ils disent, tout ce qu'ils ne disent pas. C'est une sorte de don, que dans un premier temps elle va utiliser pour se venger.

Tout est passionnant dans ce roman : le vie de Trudi, celle de son père, celle de la ville. On voit bien l'arrivée du nazisme, presque en douceur, avec les bienfaits du début (plus de chômage, de l'espoir...) et la lente descente aux enfers à mesure que monte le fanatisme. le bienfaiteur anonyme et ses nombreux cadeaux sans que jamais il ne dévoile son identité...

Impossible de déterminer, quand on découvre tous ces personnages, qui va vivre, qui va mourir, qui va sauver, qui va trahir, ni comment les différends pourraient se résoudre.

J'ignore la part du réel et de l'imaginaire dans cette oeuvre, mais en tout cas, aucun défaut de crédibilité. Et pas de pathos. Juste des choses qui arrivent, et des gens, qui réagissent.


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Trudi naît en 1915 à Burgdorf, près de Düsseldorf en Allemagne. La naissance de la petite fille trouble la santé mentale de sa mère Gertrud, qui refuse d'abord de toucher son bébé, puis finit par l'accepter sans pour autant retrouver la raison. Gertrud décède à l'hôpital psychiatrique lorsque Trudi a quatre ans. La fillette continue à être bien entourée de ses voisins particulièrement attentionnés avec elle, et surtout d'un père formidablement doux et aimant. En revanche, Trudi côtoie peu les enfants de son âge qui la fuient parce qu'elle est naine. A mesure qu'elle grandit, elle apprend à subir la cruauté, le rejet dûs à sa différence. Elle se forge une carapace en se repaissant des petits secrets honteux ou amusants des autres. Elle puise sa force dans l'amour que lui voue son père, un bibliothécaire passionné de livres... En arrière-plan, inévitablement, on assiste à l'avènement du nazisme après la défaite de l'Allemagne en 1918, à la montée en puissance de l'antisémitisme, puis, de plus en plus intimement mêlée au destin de Trudi, la guerre apparaît dans toute son horreur.
Ce roman nous offre le portrait magnifique d'une femme différente, intelligente et extrêmement sensible, et de ce fait très attachante. Beaucoup de personnages émouvants gravitent autour d'elle et savent lui répondre - son père, en premier lieu. La détresse de Trudi enfant est lancinante, douleur de la différence d'abord, douleur du rejet qui en découle, ensuite. Son handicap et l'amour de ses proches feront d'elle une femme forte, fière, mais bonne et juste, toujours animée néanmoins par sa colère et sa haine envers ceux qui la blessent.
La peinture de la petite ville allemande de Burgdorf et de ses habitants entre 1915 et 1952, à travers le regard acéré et sans complaisance de Trudi, est particulièrement intéressante : crise économique consécutive à la guerre 1914-1918, rôle de la femme et place de la famille, horreur de la guerre pour les populations, arrivée des soldats américains et épuration, "retour au calme"... et bien sûr, omniprésente, l'évolution de l'antisémitisme jusqu'à son point culminant.
C'est l'occasion d'explorer la palette des réactions humaines des plus viles aux plus nobles dans les situations extrêmes... On s'émeut, on reçoit parfois de grands chocs, on se régale aussi car cet ouvrage est riche de jolies phrases, d'idées percutantes, de beaux dialogues qui ponctuent la densité du récit. Mais, hélas, on est aussi submergés de détails, de personnages et c'est dommage car j'ai plus d'une fois repris cet ouvrage fastidieux à contrecoeur. Je ne devrais pas le dire car malgré tout, je conseille vivement de faire connaissance avec Trudi !

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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
oui, si elle avait le choix, elle préférait être une persécutée plutôt que d’être une persécutrice. Dans les deux cas, le prix à payer était terrible ; mais elle préférait encore subir l’humiliation et la peur plutôt que de devenir totalement insensible à ce qui faisait l’humain. (Chapitre 11, “1938”, p. 369).
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Non, on ne peut pas faire ça, on ne peut pas comparer les souffrances. Ca ne fait que minimiser et déformer ce qui nous arrive. Il faut pouvoir dire : "Oui voilà ce qui m'est arrivé, et voilà comment je vais vivre avec."
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Vieille dame, elle verrait un jour, dans une revue, un article sur une grotte, avec des photos et un schéma montrant les nombreuses veines qui débouchaient dans cette grotte. Les unes menaient à d'autres veines, les autres se terminaient en cul-de-sac, d'autres enfin donnaient naissance à un nouveau réseau de chemins. Il en allait de même avec les histoires des personnes qu'elle avait connues depuis l'enfance : si tel ou tel incident de leur vie ne menait peut-être nulle part, d'autres en revanche menaient à de nouvelles veines, et le plus fascinant consistait à avoir une vue d'ensemble, à discerner la structure, la manière d'être, qui avait donné forme à tous les passages.
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il fallait bien du courage aux rares personnes soucieuses de préserver le tissu de la vérité pour empêcher ses fibres de moisir sous la chape du silence et de la complicité que les gens, souvent avec les meilleures intentions du monde, posaient pour se protéger les uns des autres. (Chapitre 1, “1915-1918”, p. 36).
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Refuser son aide à quelqu'un qui vous la demande, découvrit M. Blau, était une chose bien plus terrible que de craindre pour sa propre vie
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