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EAN : 9782070736171
420 pages
Gallimard (25/01/1994)
3.75/5   4 notes
Résumé :

Rapprocher les peuples, en finir avec les ressentiments nationaux et promouvoir l'esprit européen, tel est le défi que Henri Heine va relever à partir de 1831, date de son installation définitive à Paris. L'écrivain, poète et journaliste, qui a rompu avec la tradition classique, comme avec le romantisme dominant, écrira ainsi à l'intention du public allemand trois séries de chroniques, afin de lui dresser ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Objet d'un culte fervent en France, le poète et essayiste allemand Heinrich Heine (publié ici sous le prénom francisé de Henri Heine), d'origine juive mais converti au protestantisme, rencontra dans son pays natal une très forte opposition, à partir du moment où, ne pouvant vivre tout à fait de sa poésie, il se fit journaliste, avec une verve critique à laquelle l'Empire allemand n'était guère habitué. Résolument hostile au pangermanisme et au nationalisme exacerbé qui régnaient alors en maîtres dans toute la Prusse, il fut la bête noire des censeurs et finit peu à peu par s'attirer tant d'ennemis qu'il redouta pour sa vie, et quitta son pays natal pour s'installer en France, plus précisément à Paris, où il savait avoir des amis sûrs. Parfaitement bilingue, Heine savait écrire dans chacune des deux langues, et traduisit ses oeuvres françaises en allemand et vice-versa. Durant les 26 années qu'il passa en France, Heine publia simultanément la plupart de ses oeuvres en France comme en Prusse Cette production régulière lui permit de n'être oublié de personne, et surtout pas de ses ennemis.
Le hasard des évènements le fait arriver à Paris en 1830, en pleine révolution de Juillet, et il assiste à cet étrange changement de régime, où l'on remplace un roi par un autre. Comme l'Histoire défile devant lui, il commence à écrire sur ce sujet, et invente le reportage en immersion. Ses nombreux articles qui couvrent les années 1830-1833 sont un témoignage précieux de cette époque cruciale. Une partie d'entre eux compose ce recueil, qui sortit dans une forme primitive et publiée sous le manteau dès 1833, puis fit l'objet d'une première réédition posthume en 1857, sous la direction de son ami l'écrivain régionaliste Henri Julia. Mais une partie des textes ajoutés, concernant notamment les premières années de l'Empire, sont censurés. Enfin, une édition à peu près complète sort en 1873, mais expurgée encore de certains passages concernant cete fois-ci des figures de la République. Il faudra attendre 1994, soit presque 140 ans après la mort de Heine, pour qu'une édition véritablement complète de ce recueil, non censurée et définitive, voie enfin le jour chez Gallimard.
Car de par son instabilité idéologique, Heinrich Heine fut un homme qui a autant déconcerté qu'il a fasciné. Homme de lettres érudit, il n'était pourtant pas le penseur qu'on a voulu voir en lui. L'essentiel de son oeuvre repose principalement sur une notion très intellectuelle du journalisme, dont témoignent les abondantes correspondances qu'il a laissés à ses proches. Commentant tantôt l'actualité, tantôt les arts, c'est avant tout quelqu'un qui se forge une opinion, parfois à la lumière de faits précis mais aussi suivant un instinct intérieur ou des partis-pris tout à fait arbitraires. En ce sens, il est bien l'un des derniers enfants du romantisme allemand; on ne trouvera pas en lui la rigueur d'un philosophe ou d'un politique. Pour autant, son oeuvre n'a rien de farfelue, elle repose sur une intelligence brillante qui se fait aisément une idée globale à partir d'un évènement isolé mais significatif.
Néanmoins, cet anti-conformiste au verbe incisif, partisan d'un franc-parler qui lui valut bien des ennuis, était un conservateur particulièrement rétrograde. Les deux tiers de ce recueil d'articles sont des attaques à charge contre le roi Louis-Philippe, non pas parce qu'il s'oppose à la monarchie, mais parce qu'il dénonce à la fois un usurpateur et une aberration souverainiste. Louis-Philippe, en effet, négocia son accession au trône avec la promesse d'une monarchie constitutionnelle, liant le Roi et l'Assemblée Nationale dans les décisions d'état. Pour Heine, il s'agit d'une déchéance abjecte de la monarchie, au point même qu'il pardonnait aux républicains et aux bonapartistes leurs convictions politiques, alors que Louis-Philippe, roi conciliant, préférant maintenir la monarchie avec un pouvoir amoindri plutôt que de la voir disparaître, lui apparaissait comme un sinistre magouilleur.
Cette opinion tranchée fit sa gloire auprès des monarchistes français légitimistes, principalement les frères Goncourt qui firent beaucoup pour faire connaître l'oeuvre d'Heinrich Heine. Cependant, c'est aujourd'hui le point le moins intéressant de son travail, ou du moins celui qui semble le plus difficile à partager. Cependant, sa qualité de témoin direct et résolument objectif, du moins en ce qui concerne les éléments factuels, nous permet de revivre une partie de ces premières années de la Monarchie de Juillet, ainsi que d'autres évènements moins politiques, comme l'épidémie de choléra qui fit des ravages dans la population parisienne en 1833. D'ailleurs, les troublantes correspondances avec l'épidémie de Covid 19 qui frappe la planète entière près de deux siècles plus tard, sont tout à fait édifiantes. On y apprend entre autres que déjà, en ces temps reculés, une partie incrédule de la population refusait de reconnaître la réalité de l'épidémie de choléra et soutenait qu'il s'agissait d'un mensonge du pouvoir royal pour éradiquer les classes sociales les plus modestes.
Si cette série d'articles vaut largement le détour, les textes supplémentaires ajouté à cette nouvelle édition sont encore plus intéressants. « Fragments » (1832) rassemble des courriers au sein desquels Heine s'exprime sans filtre sur certains sujets qui lui tiennent à coeur. La dernière partie, « Salon de 1831 » est un merveilleux exemple de critique d'art qui témoigne, bien plus que le reste de l'ouvrage, des hautes qualités littérares d'Heinrich Heine : quel exercice le plus périlleux que de décrire et de critiquer un tableau à destination de lecteurs qui ne peuvent même pas en voir une image ? À présent que l'on peut en quelques clics afficher une reproduction sur n'importe lequel de nos écrans, on peut également en admirer la justesse : Heine était un immense critique, et son travail fait encore sens aujourd'hui, non seulement par sa qualité, sa fidéluté à l'oeuvre mais aussi par son éclectisme, car Heine ne se contente pas de décrire les tableaux prisés du salon, ils va aussi chercher des peintres obscurs, quelques uns qu'il pense - faussement - être promis à une grande postérité, d'autres sur lesquels il ne se fait guère d'illusion mais dont il tient néanmoins à reconnaître les indéniables qualités. Enfin, on lui doit l'une des premières critiques - si ce n'est la toute première - du tableau « La Liberté Guidant le Peuple » d'Eugène Delacroix, et il en parle d'autant plus longuement et avec beaucoup d'émotion qu'il a vécu lui-même ces journées d'insurrection (En effet, même si la République a fait de ce tableau l'un de ses symboles les pluis vibrants, il ne dépeint pas les combats révolutionnaires de 1789, mais ceux de 1830, qui débouchèrent sur une nouvelle monarchie. Mais il est probable que beaucoup des révolutionnaires qui se battirent dans les rues croyaient sincèrement en un retour de la République).
« de la France », dans cette édition à peu près complète, à défaut d'être intégrale, condense donc sur un mode anthologique la plupart des talents d'Heinrich Heine, et ce volume représente une bonne introduction au plus francophile des poètes teutons. Toutefois, c'est un livre au titre trompeur qui témoigne moins de la France au XIXème siècle que des opinions très personnelles - mais fort intéressantes - d'un exilé qui observe une culture nouvelle à ses yeux. Son statut d'étranger et de réfugié lui offre un regard à la fois lucide et détâché qui, jusqu'à un certain point, comprend assez bien l'âme française - mais ce qu'il n'en comprend guère est aussi, à sa manière, très instructif. Pour autant, il ne faut pas attendre de Heine une révélation, mystique ou politique. C'est seulement un envoyé spécial du XIXème siècle qui nous ramène, deux siècles plus tard, des images fort émouvantes d'une France révolue, mais dont l'image demeure tout de même un peu floue et assez mal cadrée. « de la France » est un document historique un peu léger, mais littérairement précieux, sur un pan de l'histoire de notre pays qui ne nous intéresse hélas plus beaucoup aujourd'hui. Cependant, les étudiants en Histoire et en Histoire de l'Art devraient très agréablement y trouver leur compte...
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Je parle du choléra qui règne actuellement ici, mais en maître absolu, et qui, sans égard pour le rang et pour l'opinion, abat par milliers ses victimes.
On s'était préparé avec d'autant moins de soin contre ce fléau, qu'on avait reçu de Londres la nouvelle qu'il n'avait enlevé que peu d'individus proportionnellement. On parut même d'abord avoir pris le parti de s'en moquer, et l'on pensa que le choléra, ainsi que toutes les autres grandes réputations, se réduirait ici à peu de chose. Il ne faut donc pas trop en vouloir à cet honnête choléra, si dans la crainte du ridicule, il eût recours à un moyen que Robespierre et Napoléon avaient trouvé efficace, et si, pour se faire respecter, il décima le peuple. Par la grande misère qui règne ici, par l'immense malpropreté qu'on y trouve ailleurs encore que dans les classes les plus pauvres, par l'irritabilité du peuple surtout, par sa légèreté sans bornes, par le manque total de dispositions et de mesures de prévoyances, le choléra devait s'étendre avec plus de promptitude et d'horreur qu'en aucun autre lieu. Son arrivée fut officiellement notifiée le 29 mars, et comme c'était le jour de la mi-carême, qu'il faisait beau soleil et un temps charmant, les Parisiens se trémoussèrent avec d'autant plus de jovialité sur les boulevards, où l'on aperçut même des masques qui, parodiant la couleur maladive et la figure défaite, raillaient la crainte du choléra et la maladie elle-même. Le soir du même jour, les bals publics furent plus fréquentés que jamais; les rires les plus présomptueux couvraient presque la musique éclatante; on s'échauffait beaucoup au chahut, danse peu équivoque; on engloutissait à cette occasion toutes sortes de glaces et de boissons froides,quand tout à coup le plus sémillant des arlequins sentit trop de fraîcheur dans ses jambes, ôta son masque et découvrit à l'étonnement de tout ce monde un visage d'un bleu violet. On s'aperçut tout d'abord que ce n'était pas une plaisanterie, et les rires se turent, et l'on conduisit bientôt plusieurs voitures de masques du bal immédiatement à l'Hôtel-Dieu, hôpital central où, en arrivant sous leurs burlesques déguisements, le plus grand nombre moururent. Comme dans le premier mouvement d'épouvante, on croyait à la contagion et que les anciens hôtes de l'hôpital avaient élevé d'affreux cris d'effroi, on prétend que ces morts furent enterrés si vite qu'on ne prit pas le temps de les dépouiller des livrées bariolées de la folie et qu'ils reposent dans la tombe gaiement comme ils ont vécu.
Rien ne ressemble au trouble et à la confusion avec lesquels tous les établissements de santé furent organisés. Il se forma une commission sanitaire; on institua de toutes parts des bureaux de secours, et l'ordonnance relative à une salubrité publique fut mise promptement en vigueur. Ce fut alors qu'on se heurta d'abord contre les intérêts de quelques milliers d'hommes qui regardent comme leur propriété la saleté publique. Ce sont les chiffonniers, qui cherchent toute la journée leur vie dans les ordures qu'on jette en tas au coin des bornes des maisons. Munis de grands paniers pointus sur le dos, un bâton crochu à la main, ces hommes à figures pâles et malpropres errent dans les rues et savent découvrir dans ces ordures et revendre beaucoup de choses qu'on peut encore utiliser. Mais quand la police, ne voulant plus que la boue s'amassât dans les rues, en eût donné le nettoiement à l'entreprise, et que les ordures chargées dans des charrettes durent être emportées immédiatement hors de la ville et déposées en pleine campagne, où il était libre aux chiffonniers d'y pêcher tout à leur aise, ceux-ci se plaignirent, non pas tout à fait de ce qu'on leur enelevait leur pain, mais de ce qu'on paralysait leur industrie; que cette industrie était un droit sanctionné par la prescription, et comme une propriété qu'on ne pouvait leur ravir arbitrairement. Il est curieux que les preuves qu'ils produisaient en cette occasion soient absolument les mêmes dont nos gentillâtres, syndics de corporations, maîtres de guildes, prédicateurs à dîmes, commensaux des facultés et autres semblables docteurs en privilèges, arguent toutes les fois où il est question de balayer enfin les vieux abus dont ils tirent profit, et d'enlever ce fumier du Moyen-Âge pour que le moisi séculaire et les miasmes méphitiques n'empoisonnent pas notre vie d'aujourd'hui.
Comme leurs protestations ne servirent à rien, les chiffonniers cherchèrent à faire tomber par la violence la réforme du nettoiement. Ils tentèrent une petite contre-révolution, soutenus par leurs alliées les revendeuses, vieilles femmes qui étalent et brocantent le long des quais les puantes guenilles qu'elles achètent aux chiffonniers. (...)
Quand l'émeute des chiffonniers eut été comprimée par la force, et comme le choléra ne sévissait pas encore avec autant de fureur que le désiraient certaines gens qui, à chaque détresse du peuple, à chaque soulèvement populaire, espèrent sinon le triomphe de leur cause, du moins la ruine du gouvernement actuel, on entendit tout à coup le bruit que cette foule d'hommes qu'on enterrait si vite ne mouraient pas de maladie, mais bien du poison. On avait, disait-on, eu l'art de répandre du poison dans tous les comestibles, aux marchés de légumes, chez les boulangers, chez les bouchers, chez les marchands de vins. Plus ces contes étaient étranges, plus ils étaient avidement accueillis par le peuple, et les incrédules eux-mêmes qui secouaient la tête furent obligés de croire, quand parut l'ordonnance du préfet de Paris. La police qui, dans tous les pays, semble avoir moins à coeur d'empêcher les crimes que d'en être instruite, voulut, ou faire parade de sa science parfaite, où à l'occasion de ces bruits d'empoisonnements vrais ou faux, mettre le gouvernement à l'abri de tout soupçon. Il suffit enfin que, par sa malheureuse proclamation dans laquelle elle disait expressément qu'elle était sur la trace des empoisonneurs, les affreuses rumeurs furent officiellement constatées et que tout Paris tomba dans la plus horrible angoisse de mort.
C'est une chose inouïe, disaient les gens plus âgés, qui, aux époques furibondes de la révolution, n'avaient pas entendu de pareils crimes. Français ! Nous sommes déshonorés, disaient les hommes, et ils se frappaient le front. Les femmes, avec leurs petits enfants qu'elles serraient, pleines d'effroi, contre leur sein, pleuraient amèrement et se lamentaient sur ce que ces pauvres créatures allaient mourir dans leurs bras. Ces malheureuses n'osaient ni manger, ni boire et se tordaient les mains de douleur et de rage. On croyait voir venir la fin du monde. C'était surtout au coin des rues où se trouvent les cabarets peints en rouge que se rassemblaient et délibéraient les groupes, et c'était presque toujours là qu'on fouillait les hommes qui avaient l'air suspect, et malheur à eux si on trouvait dans leurs poches quelque chose d'équivoque. Le peuple se précipitait sur eux comme un animal sauvage, comme une troupe d'enragés. Beaucoup se sauvèrent par leur présence d'esprit, beaucoup furent arrachés au danger par l'intrépidité de la garde nationale qui patrouillait ce jour-là; d'autres reçurent des blessures et des contusions dangereuses, six hommes furent impitoyabelemnt massacrés. Nul aspect n'est plus horrible que cette colère du peuple, quand il a soif de sang et qu'il égorge ses victimes désarmées. Alors roule dans les rues une mer d'hommes aux flots noirs, au milieu desquels écument ça et là les ouvriers en chemise comme les blanches vagues qui s'entrechoquent, et tout cela gronde et hurle sans parole de merci, comme des damnés, comme des démons. J'entendis dans la rue Saint-Denis ce fameux cri : "À la lanterne !". Et quelques voix, tremblantes de rage, m'apprirent qu'on pendait un empoisonneur. (...)
Dans la rue de Vaugirard, où l'on massacra deux hommes qui étaient porteurs d'une poudre blanche, je vis un de ces infortunés au moment où il râlait encore et où les vieilles femmes tirèrent leurs sabots de leurs pieds pour l'en frapper sur la tête jusqu'à ce qu'il mourût. Il était entièrement nu et couvert de sang et de meurtrissures; on lui déchira non seulement ses habits, mais les cheveux, les lèvres et le nez, puis vint un homme dégoûtant qui lia une corde autour des pieds du cadavre et le traîna par les rues en criant sans relâche : "Voilà le choléra-morbus !". Une femme, admirablement belle, le sein découvert et les mains ensanglantées, se trouvait là : elle donna un dernier coup de pied au cadavre quand il passa devant elle.
En me voyant, elle sourit, et me demanda de payer tribut à sa douce industrie, pour qu'elle put acheter une robe de deuil, parce que sa mère venait de mourir il y avait peu d'heures, du poison bien entendu.
Le lendemain, on apprit par les feuilles publiques que les malheureux qu'on avait si cruellement assassinés étaient tout à fait innocents; et les poudres suspectes trouvées entre leurs mains, des chlorures ou du camphre, ou quelque autre sorte de préservatif contre le choléra, et que les soi-disant empoisonnés étaient morts fort naturellement de l'épidémie régnante. Le peuple d'ici, ainsi que le peuple de tous les pays, prompt à se passionner, et facile à se porter à de sanglants attentats, revient presque aussi promptement à la douceur et déplore avec un touchant chagrin ses méfaits, quand il entend la voix de la raison. C'est avec cette voix que les journaux réussirent dès le lendemain à adoucir et à calmer le peuple, et l'on doit signaler comme un triomphe de la presse qu'il lui a été possible d'arrêter si promptement le mal dont la police avait été la cause.
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Le royalisme d'un peuple consiste, au fond, en ce qu'il respecte les autorités, croit aux personnes qui représentent ces autorités et, dans cette persuasion, s'attache aussi à la personne. Le républicanisme d'un peuple gît, au fond, en ce que le républicain ne croit à aucune autorité, ne respecte que les lois, demande incessamment compte aux représentants de ces lois, les observe avec défiance, les contrôle, ne s'attache jamais aux personnes, et, bien plus, quand celles-ci s'élèvent au-dessus du peuple, s'appliquent sans relâche à les rabaisser par la contradiction, le soupçon, le sarcasme et la persécution.
L'ostracisme était, sous ce rapport, l'institution la plus républicaine, et cet Athénien qui votait pour le banissement d'Aristide, parce qu'on le nommait toujours le Juste, était le républicain par excellence. Il ne voulait pas que la vertu fut représentée par une personne, que la personne vînt à la fin à être plus considérée que la loi; il craignait l'autorité d'un nom...
Cet homme était le plus grand citoyen d'Athènes, et le silence que l'Histoire garde sur son nom est ce qui le caractérise le plus. Oui, depuis que j'étudie les républicains français dans leurs écrits et dans leur histoire, je reconnais partout comme signes caractéristiques cette défiance à l'égard de la personne, cette haine contre l'autorité d'un nom. Ce n'est pas un mesquin amour d'égalité qui fait que ces hommes haïssent les grands noms : nullement; ils craignent que les citoyens porteurs de ces noms n'en abusent contre la liberté, ou, par faiblesse et par condescendance, ne laissent d'autres en abuser. C'est pourquoi tant de héros populaires de la liberté furent exécutés pendant la révolution, parce qu'on redoutait, au moment du péril, une fâcheuse influence de leur autorité. C'est pourquoi j'entends encore aujourd'hui plus d'une bouche professer la maxime républicaine : qu'il faut ruiner toutes les réputations libérales, parce qu'elles pourraient exercer, au moment le plus décisif, l'influence la plus préjudiciable.
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Chaque jour, on fait à l’évidence des pas en arrière, et de même qu’on replace aujourd’hui tranquillement, pour qu’il ne reste plus de traces visibles de la révolution, les pavés qu’on avait employés comme armes en juillet et qui, à certains endroits, étaient restés entassés, de même l’on remet à présent le peuple à son ancienne place, comme des pavés, et on le foule aux pieds après comme avant.
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À vrai dire, mon cher Lewald, j'ignore s'il est prouvé en histoire naturelle que les chats retombent toujours sur leurs quatre pattes sans se faire mal, comme je l'ai entendu dire dans mon enfance. Je voulus alors faire moi-même l'expérience, et grimpai sur le toit avec notre chat, que je précipitai de cette hauteur dans la rue. Par malheur, un cosaque passait en ce moment devant la maison; le pauvre chat tomba justement sur le fer de sa lance, et le cosaque trotta gaiement avec un chat embroché.
S'il est donc vrai que les chats retombent toujours sans dommage sur leurs pattes, il faut au moins qu'en pareil cas, ils prennent garde aux lances des cosaques.
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