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EAN : 9782012594760
399 pages
Hachette Livre BNF (01/05/2012)
5/5   1 notes
Résumé :
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LA FLEUR DE LA PASSION

« Mon rêve s’encadrait dans des demi-ténèbres. Une nuit d’été. De pâles débris, restes mutilés d’une magnificence éteinte, des fragments d’architecture, ruines du temps de la Renaissance, reposent épars sous la flottante clarté de la lune.

» Çà et là, une colonne coiffée de son classique chapiteau d’ordre dorique surgit parmi les décombres. Audacieusement levée vers le ciel, elle semble défier ses foudres.

» Ailleurs, des débris de portiques, de toits pointus dont les angles, laborieusement fouillés, sont pourvus de sculptures représentant les créatures intermédiaires entre la bête et l’homme ; des gargouilles, des sphinx, des centaures, des satyres, des chimères ; bref, toutes les bizarreries du monde de la Fable, gisent dispersés sur le sol.

» Pareillement, plus d’une figure de femme taillée en pierre repose dans l’herbe, pâle nudité disparaissant à demi sous un réseau de végétations incultes. Le temps, cette syphilis incurable, a rongé le bout de leur noble nez, le nez classique des déesses et des nymphes.

» Cependant un sarcophage en marbre, seul monument intact parmi cet amoncellement de débris, domine les ruines, et dans ce sarcophage repose, préservé comme lui de l’atteinte de la destruction, un mort d’une physionomie douce et souffrante.

» Des cariatides au cou tendu soutiennent le monument, et les bas-reliefs du pourtour représentent un monde de figures sculptées.

» Ici, le regard s’arrête sur les magnificences de l’Olympe et sur les libertines déités païennes ; debout, près d’elles, les personnages d’Adam et d’Ève apparaissent pourvus du chaste tablier en feuilles de figuier.

» Ici, c’est la chute de Troie, Troie périssant dans les flammes, Pâris, Hélène, Hector. Des personnages bibliques, Aaron et Moïse, Judith et Holopherne, l’impie Aman lui-même font suite au cortège des héros grecs.

» Le même bas-relief contient l’image du dieu Amour, celle de Phébus Apollon, puis des groupes formés par Vulcain et dame Vénus, par Pluton et Proserpine, enfin par Mercure, par Bacchus accompagné de Priape et de Silène.

» Derrière eux se tient l’âne de Balaam (l’âne frappant de ressemblance) ; on voit aussi le sacrifice d’Abraham, et Loth, qui se soûla avec ses filles.

» Ici danse Hérodiade : sur un plat, on apporte le chef décollé du Précurseur ; plus loin, c’est l’enfer avec Satan, et saint Pierre chargé de la clef gigantesque qui ouvre les portes du Ciel.

» Plus loin encore, un tableau lascif : les ardeurs et les méfaits de Jupiter, comment il séduisit Léda sous la forme d’un cygne et Danaé par une pluie de pièces d’or.

» Ici passe, avec la rapidité d’une flèche, Diane suivie de son cortège, — nymphes à la tunique retroussée, meutes lancées et haletantes ; — tout près de là, file Hercule, la quenouille au bras, travesti en femme.

» Là, paraît le Sinaï ; au pied de la montagne, Israël adore le Veau d’or ; on aperçoit aussi le Seigneur, qui discute, encore enfant, avec les orthodoxes assemblés dans le Temple.

» Ici, les contrastes sont hardiment accusés. Les voluptés de la Grèce païenne et la divine personnification de la pensée judaïque ! Le lierre, se tordant à travers ces images, les enlace de ses sombres étreintes.

» Bizarrerie des songes ! Tandis que mon regard se posait en rêve sur ces sculptures, il me vint soudain à l’esprit que j’étais moi-même l’homme mort qui occupait cette tombe magnifique.

» Une fleur s’épanouissait au chevet de ma couche, fleur d’aspect énigmatique. Les pétales de cette fleur étaient violets et jaune de soufre, et d’elle tout entière se dégageait un sauvage charme d’amour.

» Le peuple la nomme « la fleur de la Passion » ; il la dit éclose sur le sol du Calvaire, à l’heure où le divin Crucifié y répandit son sang rédempteur.

» Selon la légende, cette fleur porte un témoignage de sang, et son calice renferme l’image de tous les instruments du martyre.

» Clous et marteau, courroies et calice, croix et couronne d’épines, on y retrouve tous les attributs de la Passion, tout le sanglant attirail de la torture.

» Une telle fleur était auprès de ma tombe, et, penchée sur mon cadavre comme une femme en deuil, dans une désolation muette me baisait le front, les yeux, la main.

» Magie du rêve ! Voilà que, par une transformation étrange, la fleur de la Passion, la fleur couleur de soufre devient effectivement une femme, et cette femme, c’est elle, la bien-aimée.

» Oui, c’était toi, la fleur, ô mon enfant ! Je devais te reconnaître à tes baisers ! Des lèvres de fleur sont moins tendres ; des larmes de fleur, moins brûlantes.

» Ma paupière était close, mais mon âme n’a pas cessé de contempler ta face. Tu me regardais, comme en extase, pâle sous les rayons de la lune qui te caressait de lueurs fantastiques.

» Nous ne parlions point. Toutefois mon cœur entendait ce qui se passait dans le tien ; le mot prononcé hautement est sans pudeur, la chaste fleur de l’amour est le silence.

» Et combien éloquent est ce silence ! On se dit tout sans métaphores, l’âme ne se croit point obligée d’arborer l’hypocrite feuille de vigne ; on se sait compris sans avoir à se préoccuper de la richesse de la rime, de l’harmonie de la phrase.

» Face à face l’un de l’autre, les mots, dépourvus de leurs voiles, prennent un aspect impudique. La chair est soumise aux conditions du temps et du lieu, mais les pensées ne connaissent point d’entraves.

» D’un calme regard, elles affirment leur accord. Parfois, mues d’un désir étrange, elles se précipitent dans le sein de la folie ; puis, soudain, reparaissent blanches et immaculées comme de nobles cygnes.

» Entretien muet ! On ne croirait guère comme le temps fuit pendant la silencieuse causerie, dans le rêve charmant de la nuit d’été, ce rêve tissé de voluptés et de frissons !

» Ce que nous nous sommes dit, ne le demande jamais. Demande le secret de ses clartés au ver luisant ; à l’onde, l’explication de son murmure ; au vent d’ouest, demande le mot de son gémissement et de sa plainte.

» Demande ce que signifient les feux de l’escarboucle, ce que veulent dire les parfums de l’hespéris et de la rose ; mais jamais, entends-tu, jamais ne demande de quoi, sous les rayons de la lune, dans le jardin funèbre, l’homme mort et la fleur du martyre s’entretenaient ensemble.

» J’ignore combien de temps, dans ma fraîche cellule de marbre, je goûtai le beau rêve pacifique. Ah ! mon repos ne tarda guère à s’évanouir.

» Toi seule, ô mort ! toi seule avec ton silence sépulcral, toi seule, peux nous donner la volupté suprême. Les convulsions de la passion, c’est-à-dire le plaisir tourmentê et inquiet, l’agitation sans trêve, voilà ce que la vie brutale et absurde nous donne pour du bonheur.

» Hélas ! d’abominables clameurs, venues du dehors, mirent un terme à ma béatitude. Ma fleur avait fui au bruit populacier d’une dispute vulgaire.

» Oui, on entendait des sons de voix querelleuses, des trépignements de colère. Certains accents me frappèrent ; je crus reconnaître les voix des personnages sculptés sur les bas-reliefs de ma tombe.

» Quoi ! le spectre suranné de la foi vient-il hanter la pierre ? Et la division se glisse-t-elle dans les figures marmoréennes ? Voici le cri d’alarme de Pan, du sauvage dieu des forêts, qui semble vouloir rivaliser de puissance avec les emportements de Moïse.

» Non, jamais ne finira cette querelle, toujours on verra subsister l’éternel démêlé entre le vrai et le beau, toujours l’armée humaine demeurera partagée en deux camps : celui des Barbares et celui des Hellènes.

» S’injuriaient-ils ! se disaient-ils assez de sottises ! Ils n’en finissaient point avec l’insipide controverse ! Il y avait là surtout un certain âne, l’âne de Balaam, qui criait plus fort à lui seul que dieux et saints réunis.

» Avec son y-a-y-a, sa façon de braire ridicule et stupide, la sotte bête m’exaspéra. Moi-même, finalement, je poussai un cri et m’éveillai. »
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XXXI.
Enivrées du clair de lune, les fleurs du tilleul épanchent leurs parfums, et les bois et les airs retentissent des chants du rossignol.

« Il est doux, ô bien-aimé, de s’asseoir sous ce tilleul, quand les rayons d’or de la lune brillent à travers son feuillage protecteur.

« Regarde cette feuille, tu verras qu’elle a la forme d’un cœur; c’est pour cela qu’entre tous les arbres les amoureux choisissent de préférence le tilleul et aiment à deviser sous son ombre. « Mais tu souris, comme perdu en des songes lointains. Parle, ô mon bien-aimé, quels sont les désirs qui germent dans ton cœur?

« — Ah volontiers, ma mignonne, je t’en ferai l’aveu. Je voudrais qu’une froide bise, venant du nord, soudain nous envoyât une blanche tombée de neige,

« Et que nous, des traîneaux peints de couleurs bariolées, au bruit des grelots sonores, aux claquemens des fouets, nous emportassent, bien enveloppés de fourrures, à travers les plaines et les rivières gelées ! »

XXXII.
Dans la forêt, au clair de lune, la nuit dernière, je vis passer les elfes. J’entendais retentir leurs cors, j’entendais sonner leurs clochettes.

Ils chevauchaient sur de petits coursiers blancs qui portaient des ramures d’or, et ils fendaient les airs aussi rapidement qu’une troupe effarouchée de cygnes sauvages.

La reine, en passant au galop, me fit un signe de tête et me lança un sourire. Souriait-elle de me voir encore une fois amoureux ? ou bien son sourire était-il un présage de mort?

XXXIII.
Le matin je t’envoie les violettes que j’ai trouvées dès l’aube dans la forêt, et le soir je t’apporte les roses que j’ai cueillies à l’heure du crépuscule.

Sais-tu ce que pourraient te dire ces belles fleurs dans leur langage symbolique? Sois-moi fidèle dès le matin, et aime-moi pendant toutes les nuits.

XXXIV.
La lettre que tu m’as écrite ne m’inquiète pas du tout. Tu ne veux plus m’aimer, mais ta lettre est bien longue.

Douze pages d’une écriture serrée et charmante! un petit manuscrit! On n’écrit pas avec tant de soin pour donner congé.

XXXV
Ne crains pas que je trahisse mon amour devant le monde, lorsque mes lèvres, au sujet de ta beauté, débordent en métaphores.

Sous une forêt de fleurs, il est profondément et soigneusement caché, ce secret brûlant, ce feu profond et discret.

Si parfois des étincelles suspectes jaillissent du milieu des roses, — ne crains rien ! le monde de nos jours ne croit pas aux flammes véritables, et il prendra tout cela pour de la poésie.

XXXVI
Les bruits dont le printemps remplit le jour, il en remplit aussi mes nuits; ses échos et ses reflets se glissent jusque dans mes songes.

Seulement, comme en un pays de fées, les oiseaux alors chantent des mélodies plus gracieuses, les airs sont plus suaves, le parfum des violettes monte plus ardent, plus voluptueux.

Les roses aussi brillent d’un éclat plus vif; elles portent des gloires d’or, comme les petites têtes d’anges dans les tableaux d’église.

Moi-même il me semble alors que je suis un rossignol et que je chante mou amour à ces roses entourées d’auréoles. Je chante en rêvant de merveilleuses mélodies.

Et tout cela dure jusqu’au moment où je suis réveillé par les rayons de soleil ou par le tapage charmant de ces autres rossignols qui bourdonnent en face de ma fenêtre.

XXXVII.
A la voûte du ciel, les étoiles avec leurs petits pieds d’or cheminent tout doucement, tout doucement; elles craignent d’éveiller la terre, qui dort tranquille au sein de la nuit.

Les forêts silencieuses sont là qui écoutent : chaque feuille est une oreille verte ! et la montagne, en rêvant, étend son long bras d’ombre.

Mais qui appelle? L’écho de ces accens a retenti dans mon cœur. Était-ce la voix de ma bien-aimée? ou était-ce seulement le rossignol?

XXXVIII.
Le printemps est sérieux, ses rêves sont tristes, chaque fleur semble pénétrée de douleur; il y a une mélancolie secrète dans le chant du rossignol.

Oh! ne souris pas, chère belle, ne souris pas si gaiement, si joyeusement! Oh! pleure plutôt; je voudrais avec un baiser essuyer une larme sur ta joue.

XXXIX.
Déjà je dois m’arracher du cœur que j’aime si tendrement, déjà je dois m’en arracher. Si tu savais combien il m’en coûte de partir!

La voiture roule sur le pont qui craque, le fleuve sous le pont coule morne et triste. Encore une fois, je dis adieu à mon bonheur, je dis adieu au cœur que j’aime tendrement.

Les étoiles filent au ciel comme si elles fuyaient devant ma douleur. Adieu, à bien-aimée! dans les pays lointains, partout où je serai, ton image sera dans mon âme.
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VIII.
Tous les arbres retentissent, tous les nids chantent ; quel est le maître de chapelle du vert orchestre des bois ?

Est-ce le vanneau au gris plumage qui sur sa branche cligne les yeux d’un air important ? est-ce le pédant qui se balance avec satisfaction en glapissant son éternel coucou ?

Est-ce la cigogne, ce grave animal, qui fait cliqueter sa longue patte, comme si elle dirigeait toute la bande des musiciens ?

Non, c’est dans mon cœur qu’il siège, le maître de chapelle de la forêt ; je sens comme il y bat la mesure, et je crois qu’il s’appelle Amour.

IX.
« Au commencement était le rossignol, et il chanta le verbe : Tsukut ! tsukut ! Et pendant qu’il chantait, partout s’épanouissaient et le gazon, et la violette, et la marguerite.

« Il se donna un coup de bec dans la poitrine, le sang rouge coula, et du sang sortit un beau rosier : c’est à ce rosier qu’il chante son amour.

« Nous autres, oiseaux de cette forêt, le sang qui jaillit de la blessure du chantre de la rose nous a tous rachetés et réconciliés ; mais lorsqu’un jour le rossignol rédempteur cessera de chanter son amour à la rose, c’en sera fait de nous et de la forêt entière. »

Ainsi parle à son moinilleau le vieux moineau niché sur un chêne. La femelle du moineau jette çà et là ses pieu pieu à travers le récit ; elle est là, bien installée à la place d’honneur.

C’est une bonne femme, une parfaite ménagère ; elle couve bravement ses œufs et ne boude jamais. Le vieux, pour utiliser ses loisirs, distribue l’instruction religieuse aux enfans.

X.
La chaude nuit de printemps a fait épanouir toutes les fleurs, et si mon cœur n’y prend garde, il va redevenir amoureux.

Mais laquelle de toutes ces fleurs méprendra dans ses filets ? Les rossignols en leurs chansons me conseillent de me défier des violettes, si timides, si modestes.

XI.
Le mal presse, les cloches sonnent ; hélas ! j’ai perdu la tête. Le printemps et deux beaux yeux ont conspiré de nouveau contre mon cœur. Le printemps et deux beaux yeux entraînent mon cœur dans une nouvelle folie. Je crois que les roses et les rossignols sont profondément impliqués dans cette conspiration.

XII.
Ah ! je voudrais pleurer, pleurer des larmes d’amour, des larmes pleines d’amertume et de délices, et je crains qu’à la fin mon désir ne soit exaucé.

Ah ! la douce misère de l’amour, et la volupté amère de l’amour, je les sens qui se glissent, ô torture joyeuse! dans mon âme à peine guérie.

XIII.
Les yeux bleus du printemps regardent du milieu de l’herbe : ce sont les chères violettes que j’ai cueillies pour en faire un bouquet.

Je les cueille, et je pense, et toutes les pensées qui soupirent dans le fond de mon cœur, le rossignol les chante tout haut.

Oui, ce que je pense, il le dit dans ses chants et avec des notes sonores qui retentissent au loin. Mon tendre secret, la forêt tout entière le sait déjà.

XIV.
Quand tu passes auprès de moi, quand ta robe m’effleure seulement, mon cœur bondit de joie et se précipite sur tes belles traces.

Alors tu te retournes, tu me regardes avec de grands yeux, et mon cœur est si effrayé, qu’il peut à peine te suivre.
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NOUVEAU PRINTEMPS

Dans les galeries de tableaux du temps de la Pompadour, on voit souvent l’image d’un chevalier qui se dispose à partir pour le combat, armé de pied en cap, la lance à la main, le bouclier au bras.

Or de petits amours lutins le provoquent, lui dérobent son bouclier et sa lance, et l’enlacent avec des chaînes de fleurs, malgré sa résistance et ses murmures.

Ainsi en de charmantes entraves je me débats, avec un mélange de joie et de peine, tandis que d’autres sont obligés de se battre dans la grande bataille de la liberté.


I.
Assis sous un arbre blanc de givre, tu entends au loin le vent siffler; tu vois là-haut les nuages muets s’envelopper d’un voile de brouillards.

Tu vois comme la forêt et la prairie sont mortes, comme elles sont rasées et chauves. L’hiver est autour de toi, en toi aussi est l’hiver, et ton cœur est glacé.

Tout à coup tombent sur toi de blancs flocons, et déjà tu te figures avec dépit que l’arbre a secoué sur ton front sa poussière de neige.

Mais ce n’est point de la poussière de neige, tu t’en aperçois bientôt avec un joyeux saisissement : ce sont les fleurs embaumées du printemps qui t’enveloppent et te lutinent.

Enchantement aux doux frissons! l’hiver se transforme en mois de mai, la neige se change en fleurs printanières, et ton cœur aime de nouveau.

II.
Dans la forêt, tout bourgeonne, tout verdit, comme oppressé d’une émotion de joie virginale. Le soleil dit en souriant du haut des cieux : Jeune printemps, sois le bien-venu !

rossignol ! toi aussi, déjà je t’entends filer de longs accens aux sanglots délicieusement tristes, et toute ta chanson n’est qu’amour.

III.
Les beaux yeux de la nuit printanière, comme ils laissent tomber des regards consolateurs ! Si l’amour t’a bien abattu, l’amour va te relever.

Sur le vert tilleul se pose et chante le doux rossignol. A mesure que son chant pénètre dans mon âme, je sens toute mon âme qui se dilate.

IV.
J’aime une fleur, mais je ne sais pas laquelle; c’est de là que vient ma peine. Je regarde dans tous les calices, et j’y cherche un cœur.

Les fleurs exhalent leurs parfums dans le crépuscule du soir, le rossignol chante; je cherche un cœur aussi beau que le mien, aussi tendrement ému.

Le rossignol fait éclater son chant, et je comprends la douce mélodie. Tous les deux, nous sommes si oppressés et si inquiets, ah ! si inquiets et si oppressés tous les deux !

V.
Mai est venu, les plantes et les arbres fleurissent, et dans les bleus espaces du ciel on voit passer les nuages roses.

Les rossignols chantent du haut de la feuillée, les blancs agneaux bondissent au milieu des vertes et tendres tiges de trèfle.

Moi, je ne puis ni chanter ni bondir; je suis couché malade dans l’herbe. J’écoute une sonnerie de clochettes lointaines, et je rêve... je ne sais à quoi.
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XV.
La svelte fleur des eaux se balance rêveuse au milieu du lac ; l’astre des nuits la salue tout tremblant de langueur et de désir.

Confuse, elle incline sa tête vers les ondes; soudain elle y voit à ses pieds son pauvre amoureux à la face blême.

XVI.
Si tu as de bons yeux, et que tu regardes dans mes chansons, tu y verras une jeune belle qui s’y promène de çà, de là.

Si tu as l’oreille fine, tu peux même entendre sa voix, et ses soupirs, son rire, son chant, affoleront ton pauvre cœur.

Avec les lueurs de son regard, avec le timbre de sa voix, elle te troublera comme moi-même, et, rêveur amoureux, tu t’en iras errant par la forêt printanière.

XVII.
Qui te fait errer ainsi dans les nuits de printemps? Tu as rendu les fleurs folles. Les marguerites sont effarées, les roses sont rouges de honte, les lis sont pâles comme la mort; elles se lamentent, elles sont toutes troublées, toutes confuses.

— O chère lune, quelle bégueule engeance que ces fleurs! elles ont raison, j’ai commis une faute grave; mais pouvais-je savoir qu’elles étaient là aux écoutes, lorsqu’enivré d’un amour brûlant, je causais avec les étoiles?

XVIII.
Avec tes yeux bleus tu me regardes doucement, et moi je deviens si rêveur que je ne puis parler.

C’est à tes yeux bleus que je pense toujours; un océan de pensées bleues inonde mon cœur.

XIX.
Encore une fois sous le joug est mon cœur récalcitrant, et toute sa vieille rancune s’est évanouie; encore une fois, avec la brise de mai, de tendres sentimens se sont glissés dans mon cœur.

Soir et matin, je me promène encore par les allées les plus fréquentées, et sous chaque chapeau de paille je cherche à apercevoir ma belle bien-aimée.

Encore une fois au bord des vertes ondes, encore une fois sur le pont, je m’arrête….. Ah! peut-être que sa voiture passera ici, et les regards bien-aimés rencontreront les miens.

Encore une fois, dans le murmure de la cascade, j’entends des avis salutaires, et mon cœur comprend ce que disent les blanches ondes.

Encore une fois, dans des sentiers qui s’entrelacent, je me suis perdu en rêvant, et les oiseaux dans les buissons se moquent du fol amoureux.

XX.
La rose embaume, — mais si elle sent les parfums qu’elle exhale, si le rossignol lui-même éprouve ce qui agite notre âme aux doux sanglots de son chant.

Je ne le sais pas. Mais la vérité nous attriste souvent, et lors même que la rose et le rossignol exprimeraient des sentimens qu’ils n’éprouvent point, un tel mensonge serait profitable, comme dans bien des cas.
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