Par l'art seulement, nous pouvons sortir de nous, savoir ce que voit un autre de cet univers qui n'est pas le nôtre... Grâce à l'art, au lieu de voir un seul monde, le nôtre, nous le voyons se multiplier, et autant qu'il y a d'artistes originaux, autant nous avons de mondes à notre disposition... (Marcel Proust)
Et Proust a bien raison de prétendre que 'est seulement passé un certain âge que nous pouvons réentendre ces rumeurs de l'enfance « comme ces cloches de couvent que couvrent si bien les bruits de la ville pendant le jour qu'on les croirait arrêtées mais qui se remettent à sonner dans le silence du soir ».
En principe, un fossé infranchissable me sépare de cet écrivain maniéré, fils de médecin, élevé dans la ouate dans le pays lointain où Rimbaud est né. Pourtant, je me reconnais dans son enfance. Je me reconnais dans sa découverte de la nature, son affection pour une rivière à têtards, son éblouissement devant la pluie transversale à midi et son amour éperdu pour un buisson fleuri.
Grand amateur d'albums souvenirs, Proust convenait en effet que, devant les photographies d'un être, « on se le rappelle moins bien qu'en se contentant de penser à lui ».
(...) il est important d'explorer un univers qui n'est pas le nôtre et dont les paysages nous seraient restés, sans cet effort, aussi inconnus que ceux qu'il y a dans la lune. Or, la littérature s'avère un excellent instrument pour sortir de soi.