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Critique de Isidoreinthedark


J'ai découvert Peter Heller en dévorant « La constellation du chien » dans la touffeur d'un été corse, un étrange roman post apocalyptique, dont la beauté mêlant ombres et lumières m'avait subjugué. J'ai poursuivi mon exploration de l'oeuvre de l'auteur en me plongeant dans son deuxième roman « Peindre, pêcher et laisser mourir », un ouvrage doux-amer, à la tonalité nostalgique et littéraire.

J'ai enfin eu la chance de rencontrer l'auteur dans une petite librairie du nord de Paris, alors qu'il faisait la promotion de « Céline », tout en travaillant sur un projet d'adaptation au cinéma de « La constellation du chien », qui n'a semble-t-il pas abouti.

Lorsque son dernier roman, « La rivière » est paru, j'ai aussitôt descendu les rapides en compagnie de Jack et Wynn, une lecture pétaradante qui m'a rappelé « Délivrance », le film terrifiant de John Boorman.

Il manquait une pièce au puzzle : je n'avais toujours pas lu « Céline », pourtant dédicacé de la main de l'auteur, découragé par une quatrième de couverture qui me semblait peu engageante.

Après quelques années de retard, je me suis enfin lancé dans la lecture de ce roman inclassable, à clés et à tiroirs, qui mêle avec bonheur les codes du roman policier et ceux du « nature writing ».

Céline Watkins, détective privée spécialisée dans la recherche de personnes disparues n'est pas au sommet de sa forme, elle a soixante-huit ans, peine à respirer en raison d'une consommation effrénée de cigarettes étalée sur plusieurs décennies et vient de perdre coup sur coup ses deux soeurs. Gabriela, une jeune femme aussi belle que touchante la contacte pour tenter de retrouver son père, disparu vingt ans plus tôt, lors d'une supposée rencontre inopportune avec un ours.

Accompagnée de son taiseux de mari, notre héroïne à la détente facile reprend ainsi du service pour une ultime enquête, dont les enjeux dépassent le cadre de la disparition incongrue du père de Gabriela.

Peter Heller déroule avec maestria une intrigue linéaire « classique » qui joue avec les codes du roman policier et explore la poésie d'une nature sauvage à la beauté immuable. Au cours du road-trip que mènent Céline et son époux à la recherche du père disparu, l'auteur s'attarde via de nombreux flashbacks sur les failles qui traversent l'âme torturée de Céline, et trouvent leur source dans une enfance sans père ainsi que dans une adolescence marquée par une grossesse précoce.

Le place singulière accordée à Hank, le fils de Céline né dix ans après « l'accident » qui a marqué son adolescence, et ressemble étrangement à un double de l'auteur, donne lieu aux pages les plus émouvantes du livre, celles où un frère cadet tente de remonter le fil d'un passé enfoui et de retrouver une soeur aînée qui a disparu des radars.

Au fur et à mesure que l'enquête menée par l'improbable duo d'enquêteurs s'approche du lieu de la disparition présumée du père de Gabriela, le roman prend une dimension politique. Un agent du FBI archétypal suit le couple de sexagénaires qui comprend peu à peu que les nombreux reportages en Amérique du Sud du photographe disparu cachaient probablement de sombres secrets.

« Céline » est un ouvrage protéiforme qui se lit comme un polar, le lecteur y suit avec un plaisir non feint les tribulations d'une vieille dame pleine de vie qui ne se déplace jamais sans sa bouteille d'oxygène et manie son Glock aussi vite que Lucy Luke.

Et pourtant, derrière une apparente légèreté se dissimule une réflexion pleine de finesse qui donne un supplément d'âme au roman, lorsque Peter Heller revient sur ces failles béantes qui traversent les enfants frappés de plein fouet par la disparition précoce de leur père ainsi que sur le rôle trouble joué par la CIA dans l'instauration de la dictature chilienne des années Pinochet.
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