AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782702158265
Calmann-Lévy (06/04/2016)
4.52/5   25 notes
Résumé :
Les femmes, qui arrivaient parfois de nuit, croyaient être près de la côte car le vent y avait un goût de sel et elles sentaient le sable sous leurs pieds. Quand venait le jour, elles voyaient que le camp était construit au bord d'un lac et entouré de forêts. Himmler aimait que ses camps soient dans des lieux d'une grande beauté naturelle, et de préférence dissimulés. Aujourd'hui, le camp est toujours hors de vue ; les horribles crimes qui y ont été commis et le cou... >Voir plus
Que lire après Si c'est une femme : Vie et mort à RavensbrückVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
4,52

sur 25 notes
5
5 avis
4
3 avis
3
1 avis
2
0 avis
1
0 avis
l y a quelques années j'avais lu Si c'est un homme de Primo Levi. Mon fils l'avait étudié en cours. Ce livre autobiographique m'avait remué aussi, tout comme lui. Les années ont passé et pourtant tout est dit et plus que dit, alors que rechercher dans ce documentaire? Enfin je pensais en apprendre un peu plus sur la conditions des femmes , si ce n'est qu'au fil des pages je me suis aperçue que je ne savais finalement bien peu de choses , voire pratiquement rien ! Et se plonger dans cette lecture c'est pour moi quelque part rendre hommage à ces oubliées. Ici à travers ce documentaire l'auteur veut mettre en avant que la machine de destruction infernale ne touchait pas que les Juifs mais toute personne jugée impure, tziganes, témoins de Jéhovah , handicapées, résistantes .. toutes nationalités confondues y compris les Allemandes pour diverses raisons .Elle lève le voile sur un pan de l'histoire de ce camp et de toutes ses femmes,et ce n'est pas le nombre qui compte , mais plutôt qui elles sont, mettant en avant ces anonymes en les nommant , leur rendant vie . Que Ravensbruck soit enfin reconnu comme un camp de la mort au même titre que les autres.
Une enquête particulièrement bien ficelée, sur les conditions de vie des femmes dans ce camp, l'auteure donne voix à ces héroïnes inconnues. Elle rend compte avec justesse, et sans excès, de la terreur quotidienne et des ­effroyables tortures infligées aux détenues. Mais, aussi, de la solidarité et du courage dont elles firent preuve.
La vie du camp y est disséquée, l'auteure nous fait suivre , gardiens, prisonnières, collaboratrices, mouchardes et résistantes. Nous suivons leur histoire mais aussi les évènements parallèles, l'évolution de la guerre, les actions d'aide de la Croix Rouge quand celle ci se manifeste enfin jusqu'à l'épilogue jusqu'au procès de Nuremberg , et même jusqu'à aujourd'hui C'est émouvant, douloureux.
Un constat sur la nature humaine à la fois effrayante avec toutefois une note d'espoir, devant la solidarité entre ses femmes et leur volonté inébranlable de croire, esperer, survivre, rendre compte, se battre à leur manière avec leur pauvres moyens. et surtout résister Des témoignages qui nous font nous questionner sur nous même, que serions nous demain dans de telles circonstances ? Mon âme,mes convictions, mes valeurs humaines seraient elles brisées par la machine infernale? Accepterais-je de fermer les yeux, ne ne pas tendre la main de crainte d'en subir les conséquences, jusqu'à degré de résistance physique et psychologique pourrais je aller ? Deviendrais-je lâche ? Vendrais-je mon âme pour un morceau de pain ? Deviendrais-je un monstre ? Ou au contraire le meilleur de moi même serait transcendé ?
Ce témoignage est bouleversant devant la cruauté de certaines femmes, parce qu'on a beau dire devant les atrocités commises par les hommes, qu'une femme ne ferait jamais de telles choses et pourtant ... Idées préconçues de fait, les monstres sont partout, on le voit bien aujourd'hui le pouvoir sur les autres ouvre la porte à bien des horreurs, les enfants eux même que l'on considère comme des êtres innocents et purs se rendent parfois coupables d'horreurs sans nom.
Ce documentaire ne peut se lire que sur un temps assez long, d'abord parce que c'est terrible, et que c'est un pavé , tellement il est riche d'événements renvoyant à de nombreuses références historiques. de plus il frappe bien plus fort , oui parce que je suis une femme donc forcement, c'est une lecture viscérale qui vous tord le ventre quand vous ne pleurez pas.
Une lecture donc particulièrement éprouvante qu'il faut alterner avec quelque chose de plus léger, après tout il n'y a pas d'intrigue donc on ne craint pas d'en perdre le fil. Certaines âmes sensibles auront peut-être du mal à en venir à bout Je remercie Netgalley et les Éditions Calmann-Levy pour m'avoir permis (une fois de plus) de faire cette magnifique enrichissante lecture , douloureuse certes, mais combien riche de sens en faisant revivre certaines de ces détenues. Un livre mémoire qui leur rend un magnifique et vibrant hommage Bravo à l'auteure à son travail d'investigation qui a du être incroyable car retrouver des femmes si longtemps après ne devait pas être simple , d'autant que certaines suite à ces épreuves les avaient enfouies profondemment en elles ,au point de parfois de refuser d'évoquer ses souvenirs du camp.
Un livre fort, terriblement poignant,qui vous remue aux tripes et qui n'est que le témoignage de la brutalité humaine,de la méchanceté , de la soif de pouvoir et de profit et de suffisance au point de se croire d'une race de Seigneur.Mais c'est aussi une leçon de vie et d'espoir et de d'une capacité de résistance aux tortures physiques et psychologiques Un livre écrit pour ne jamais oublier
Lien : http://missneferlectures.ekl..
Commenter  J’apprécie          240
« De l'aéroport de Tegel de Berlin, il faut juste une heure pour rejoindre Ravensbrück …/… »

Ainsi commence la ‘biographie' de Ravensbrück, sous la plume de Sarah Helm.

Ce début m'a de suite interpelé, connaissant bien cet aéroport pour y avoir embarqué et ayant logé juste à côté durant un an au début des années '80. Et pourtant je ne connaissais pas l'existence de ce camp.

Sarah Helm est journaliste britannique, également auteure de "Vera Atkins, une femme de l'ombre » livre sur la Résistance anglaise en France.

Ce camp de concentration, peu connu, était tout d'abord une prison pour femmes, ouverte peu de temps avant la guerre. Y étaient détenues principalement les opposantes à Hitler et les Témoins de Jéhovah. Au cours de la guerre il est devenu un camp de concentration pour femmes avec son lot d'atrocités (tortures, gazages, expériences médicales etc…) L'horreur à l'état pur.

Dans ce livre de 1200 pages Sarah Helm raconte comment ces femmes bien courageuses ont tenté de survivre. Elle a recherché les rescapées à travers le monde, a tenté de les faire parler. Souvenirs bien douloureux.

Je ne sais pas comment certaines ont réussi à ne pas perdre pied dans ce lieu pire que l'enfer. Cet ouvrage vous retourne les tripes. Comment ont-elles fait pour reprendre une vie ‘normale' après Ravensbrück ?…

« Si c'est une femme » est l'équivalent de « Si c'est un homme » de Primo Levi.

Je ne saurai en dire davantage sur cet ouvrage tant j'en sors épuisé, vidé, essoré. de telles horreurs n'auraient jamais dû avoir existé. Quel regard sur l'espèce humaine ?

En a-t-on tiré des leçons ? Quand je vois ce qui se passe actuellement dans le monde je me pose la question.


Ce genre de livres est pourtant essentiellement écrit POUR NE PAS OUBLIER !
Commenter  J’apprécie          166
Vous qui vivez en toute quiétude
Bien au chaud dans vos maisons,
Vous qui trouvez le soir en rentrant
La table mise et des visages amis,
Considérez si c'est un homme
Que celui qui peine dans la boue,
Qui ne connaît pas de repos,
Qui se bat pour un quignon de pain,
Qui meurt pour un oui pour un non.
Considérez si c'est une femme
Que celle qui a perdu son nom et ses cheveux
Et jusqu'à la force de se souvenir,
Les yeux vides et le sein froid
Comme une grenouille en hiver.
N'oubliez pas que cela fut,
Non, ne l'oubliez pas :
Gravez ces mots dans votre coeur.
Pensez-y chez vous, dans la rue,
En vous couchant, en vous levant ;
Répétez-les à vos enfants.
Ou que votre maison s'écroule,
Que la maladie vous accable,
Que vos enfants se détournent de vous.

Turin, janvier 1947, Primo Levi

Je reprends le texte de Primo Levi dont l'auteure a placé un extrait en entrée de son livre.

« Ravensbrück était le seul camp nazi construit pour les femmes ». Aujourd'hui, un camp « hors de vue », des crimes mis en oubli et le courage des victimes largement ignoré…

Ravensbrück, l'empire SS de Himmler, 15000 camps nazis, les tueries et les exterminations, le « travail servile », un camp de la mort, un site d'« extermination lente » (Germaine Tillon).

Des témoignages, les voix des prisonnières elle-mêmes… « Je comprenais maintenant ce que le livre devait être : une biographie de Ravensbrück commençant par le commencement pour finir par la fin, où je ferais mon possible pour redonner sa cohérence à une histoire brisée. le livre s'efforcerait d'éclairer les crimes des nazis contre les femmes tout en montrant en quoi la compréhension du sort réservé aux femmes est de nature à éclairer l'histoire plus générale du nazisme ».

Je ne vais pas rendre compte des lignes principales de cet ouvrage. Juste en parcourir quelques dimensions, souligner subjectivement tel ou tel point, essayer de nommer ce que certain-e-s conçoivent comme innommable. Des femmes de multiples pays, des récits et des témoignages loin des stéréotypes des victimes et des bourreaux. Un livre touffu où les anecdotes jouxtent les analyses, où des femmes sont criminelles et d'autres militantes et résistantes…

Les femmes et les années 20 en Allemagne, la toxicité du langage nazi envers les femmes dans les années 30, la volonté de séparer les femmes des hommes et de leur faire jouer un rôle d'ornement et de porteuses d'enfants…

Internement des femmes Témoins de Jéhovah, des asociales dont des prostituées, des malades mentaux, des lesbiennes, des dégénérées, des tziganes, des juives, la « vermine slave », les communistes… Purifier « le patrimoine génétique allemand », éradiquer les oppositions…

Camp de concentration. « La routine SS bien réglée avait rempli son office : produire un maximum de terreur à l'arrivée ». le Revier, les blocks et les blockovas, « précisément parce qu'elles étaient là et qu'elles ont joué un rôle, elles ne pouvaient que s'arranger avec la vérité », le système des Kapos au coeur du projet des camps de concentration, la cooptation des droits communs pour diriger les politiques…

L'élimination des handicapé-e-s physiques et mentaux, le programme d'euthanasie T4, la couverture de la guerre pour masquer le caractère criminel, les expérimentations « médicales »…

Des allemandes, celles (et ceux) allemand-e-s, ancien-ne-s communistes libéré-e-s par Staline du Goulag pour être livré-e-s à Hitler…

L'éviction par les « politiques » des triangles verts et noirs des postes de Kapo…

Camp de concentration et hôpital, logiques bureaucratiques, avortements et stérilisations forcés, programme 14f13, exécution par balle, gazage, crématorium… Gazage local et secret comme priorité absolu… Ailleurs, Auxchwitz, extermination et travail servile…

Contestation et refus des témoins de Jéhovah, la logique et ses règles et les règles qui n'en ont pas, les liens entre les camps et les communautés locales, l'utilisation de la main d'oeuvre servile des camps de concentration, les bordels dans les camps d'hommes, les expérimentations et les « lapins », les expérimentations « spéciales » et l'injection de bactéries, « Les récits des lapins ne décrivent pas seulement la boucherie qu'elles ont subie mais éclairent aussi les autres atrocités commises au Revier dans la même période, notamment l'habitude prise par les médecins du camp de faire des injections létales », les tabassages, la nudité, le froid, la faim…

La main d'oeuvre concentrationnaire pour les industriels allemands et les nouveaux camps satellites, « Comme pour Siemens, le coût de location de la main d'oeuvre servile dans les camps satellites était soigneusement calculé entre les industriels et les SS. La différence était que, les satellites étant éloignés du camp principal, les entreprises pourvoyaient à l'hébergement et à la nourriture, dont le coût était déduit du montant facturé. » Aptes au travail et bouches inutiles, les résistances de tous les jours, le Comité International de la Croix-Rouge (CICR) et la « solution finale », Nacht und Nebel…

.

Les 27000, tenir, la surpopulation concentrationnaire… Ailleurs, Paris, Varsovie, l'avancée des troupes et les viols commis par les soldats de l'Armée rouge, les situations « différenciées » par nationalité, le non bombardement des voies menant à Auschwitz et des chambres à gaz, la marche de la mort de janvier 1945, les libérations conditionnées pour certaines et les bus blancs, le front se rapproche, le premier camp libéré à l'ouest et la saisie des « horribles détails », les gazages réduits et le nettoyage accéléré… La libération.

Les destructions des preuves de ce qui avait eu lieu, les réécritures anti-fascistes en RDA, les rescapées soviétiques retournant dans leur patrie et considérées comme des traitres et certaines de « collaboration avec l'ennemi »…

En épilogue, Sarah Helm parle, entre autres, du nulle part où aller de survivantes, de la faible dénazification, des industriels allemands qui s'en tirèrent le mieux, des rescapées s'apercevant que « personne ne voulait entendre parler du camp », de la France s'accommodant de la collaboration et du peu d'échos des récits de résistant-e-s et de rescapé-e-s des camps, de la campagne de Staline contre les « cosmopolites », du silence en RDA sur les Tsiganes, asociales et Juives, des faibles condamnations et « des peines pitoyables » en RFA…

Le nazisme, « L'existence de Ravensbrück, qui couvre toutes les années de guerre, est un prisme utile pour observer l'évolution de ces objectifs ».

J'ai volontairement omis de citer des noms. Difficile de lire, de revenir sur ce passé, mais cela reste toujours nécessaire. « Ce ne fut pas une atrocité marginale. C'est là que l'horreur nazie s'arrêta, par un massacre de femmes de la façon la plus bestiale, sans couverture idéologique, si obscène fût-elle, sans raison ».

Justice n'a pas été rendue. « La nature et l'ampleur mêmes des atrocités commises ici envers les femmes étaient sans précédent ».

Je garde en mémoire ce tatouage sur ton bras alors que ton visage s'est depuis longtemps effacé.

Lien : https://entreleslignesentrel..
Commenter  J’apprécie          50
Il a existé un camp uniquement construit pour les femmes : les droits communes, les asociales (mendiantes, prostituées, lesbiennes...), les résistantes des pays occupés, les déplacées de guerre des pays conquis... Et ne pensez pas que les conditions de vie étaient meilleures que des les camps réservés aux hommes ou mixtes. Que nenni, c'était tout pareil. Les gardiennes étaient tout aussi cruelles que les gardiens.
C'est une enquête dense, documentée, pour laquelle l'auteur a parcouru les archives, les minutes des procès, les continent européen pour rencontrer les survivantes et les geôlier.ères quand ils.elle étaient encore vivant.es. Autant dire que c'est un pavé, bien que les archives nazies aient quasi disparu ; mais ils restent celles des familles, des pays occupés (ou pas. La Russie et les Etats-Unis en possèdent également), de la Croix-Rouge... Bref, y a de quoi faire. Je ne suis évidemment pas une experte, mais j'ai l'impression que c'est très complet.
J'émettrai tout de même une ou deux réserves. C'est dense, mais ce n'est pas le problème : c'est parfois désorganisé et redondant. Ça rend la lecture parfois fastidieuse. Et peut-être, mais j'imagine que c'est lié au manque de témoins vivants ou connus, que parfois il y a un petit manque de recul ou de paroles contradictoires sur certains témoignages (sans que je remette en doute leur véracité). Mais ce sont vraiment les seules que je trouve à redire.
C'est une enquête passionnante et indispensable sur le sujet des camps de concentration.
Commenter  J’apprécie          130
Le camp de concentration de Ravensbrück, situé au nord de Berlin, a fonctionné de mai 1939 à fin avril 1945. C'est le seul camp de concentration nazi destiné aux femmes. La première année il y a moins de 6000 prisonnières, la plupart allemandes (communistes, témoins de Jéhovah, droit commun, prostituées, Tsiganes, Juives) puis ce chiffre monte en puissance et, au faîte de son activité, Ravensbrück compte 45 000 femmes. 130 000 y seraient passées en six ans d'existence. L'autrice estime à 40 ou 50 000 le nombre de celles qui y seraient mortes.

Sarah Helm, journaliste britannique, a réalisé un travail magistral pour produire cet intéressant ouvrage de 800 pages. Elle est partie d'entretiens avec des survivantes et les remerciements à la fin montrent à quel point ça n'a pas toujours été facile pour les retrouver, particulièrement en Europe de l'est et en ex-URSS. Ces rencontres ont été complétées par des témoignages écrits (comme ceux de Germaine Tillion ou Margarete Buber-Neumann) et des documents d'archives. L'étude suit un plan chronologique et tous les aspects de la vie du camp sont abordés : blocks d'hébergement, nourriture insuffisante, travail forcé dans les camps satellites ou au profit d'entreprises comme Siemens qui a installé une annexe dans le camp, "expériences médicales" pratiquées sur des cobayes humains surnommées les Lapins, brutalités des gardiennes et des prisonnières qui encadrent leurs co-détenues, solidarité entre femmes de même nationalité.

J'ai apprécié qu'un des objectifs de l'autrice soit d'individualiser ces femmes que les nazis avaient tenté de déshumaniser. Les récits de vie permettent cela, d'autant plus qu'elle ne prend pas seulement ses personnages au moment où elles sont dans le camp mais qu'elle remonte, chaque fois que possible, aux circonstances antérieures qui les ont menées là. Elle évoque aussi celles qui sont généralement passées sous silence : les "asociales" comme les prostituées. Après guerre ces femmes n'ont pas été aidées, elles n'ont pas touché d'indemnités, elles n'ont pas été invitées à témoigner aux procès. Bien souvent on ne sait donc pas qui elles sont et les témoignages écrits de déportées-résistantes ne mentionnent pas leurs noms. On a opposé triangle rouges (politiques) et triangles noirs (asociales) alors que, fait remarquer Sarah Helm, on peut être à la fois prostituée et résistante, des bordels ayant souvent caché des personnes recherchées (aviateurs).

A partir de 1944, le camp devient surpeuplé. Plus de place dans les blocks, on monte de grandes tentes dans lesquelles il pleut. Alors les conditions de survie deviennent tellement difficiles que ce qui me vient à l'esprit pour en donner un aperçu c'est l'image des cercles de l'Enfer de Dante. La lecture n'est pas toujours agréable. de façon paradoxale les détenues qui sont entrées tardivement dans le camp ont moins bien résisté que les plus anciennes. Celles-ci avaient eu le temps de faire leur trou, de nouer des contacts et des solidarités qui les ont aidées à tenir. Dans le grand capharnaüm qu'est devenu le camp les dernières arrivées n'ont plus aucun cadre auquel se raccrocher et meurent rapidement.

Seul camp de concentration de femmes, le camp de Ravensbrück est aussi, semble-t-il, le seul où des détenues aient été assassinées de façon systématique. A côté de Ravensbrück se situe le camp d'Uckermark ou camp des jeunes car il a d'abord servi à interner des jeunes délinquantes. Ce camp devient en 1945 un lieu d'extermination. On y tue par la faim, par le froid, par balles et on y installe une chambre à gaz. Il y a alors la volonté d'effacer traces et témoins des crimes commis là avant l'arrivée des vainqueurs. Avant la fin, une partie des détenues (17 000) sont sauvées par les Croix Rouges suédoise et suisse qui négocient leur exfiltration avec Himmler. Il semblerait que ce dernier a accepté ces négociations car il espérait se placer en interlocuteur valable (et successeur d'Hitler) auprès des Alliés.

En couverture, la photo d'Evguénia Klemm, jeune, avant la guerre. Professeure à Odessa, arrivée à Ravensbrück en février 1943 avec un groupe de jeunes médecins et infirmières de l'armée rouge elle a fait de ces jeunes femmes effrayées un groupe soudé et solidaire. Elle les a galvanisées par son énergie et ses propos : vous êtes de l'armée rouge, vous êtes des prisonnières de guerre, vous avez des droits. Elle les a aidées à tenir.

A leur retour en URSS, les détenues soviétiques ont été inquiétées. En 1946, 1949 et 1950 il y a eu des procès d'anciens prisonniers pour collaboration avec les fascistes. Klemm y échappe mais, en septembre 1953, on lui interdit d'enseigner. Elle se suicide.

Un livre pas toujours facile à lire, je l'ai déjà dit mais très bien documenté et rédigé dans une optique résolument féministe avec la volonté d'évoquer celles qui ont été passées sous silence et de questionner le moindre intérêt des historiens pour ce camp jusqu'à présent (la guerre froide est aussi responsable, il se situait en ex-RDA). Parmi les femmes présentées j'ai découvert de nombreuses figures d'héroïnes.
Lien : http://monbiblioblog.revolub..
Commenter  J’apprécie          00

Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
How many rapes occurred inside the walls of the main camp of Ravensbrück is hard to put a figure to: so many of the victims—already, as Ilse Heinrich said, half dead—did not survive long enough after the war to talk about it.

While many older Soviet women were reluctant to talk of the rape, younger survivors feel less restraint today. Nadia Vasilyeva was one of the Red Army nurses who were cornered by the Germans on the cliffs of the Crimea. Three years later in Neustrelitz, northwest of Ravensbrück, she and scores of other Red Army women were cornered again, this time by their own Soviet liberators intent on mass rape. Other women make no excuses for the Soviet rapists. ‘They were demanding payment for liberation,’ said Ilena Barsukova. ‘The Germans never raped the prisoners because we were Russian swine, but our own soldiers raped us. We were disgusted that they behaved like this. Stalin had said that no soldiers should be taken prisoner, so they felt they could treat us like dirt.’

Like the Russians, Polish survivors were also reluctant for many years to talk of Red Army rape. ‘We were terrified by our Russian liberators,’ said Krystyna Zając. ‘But we could not talk about it later because of the communists who had by then taken over in Poland.’ Nevertheless, Poles, Yugoslavs, Czechs and French survivors all left accounts of being raped as soon as they reached the Soviet lines. They talked of being ‘hunted down’, ‘captured’ or ‘cornered’ and then raped.

In her memoirs Wanda Wojtasik, one of the rabbits, says it was impossible to encounter a single Russian without being raped. As she, Krysia and their Lublin friends tried to head east towards their home, they were attacked at every turn. Sometimes the approach would begin with romantic overtures from ‘handsome men’, but these approaches soon degenerated into harassment and then rape. Wanda did not say she was raped herself, but describes episodes where soldiers pounced on friends, or attacked them in houses where they sheltered, or dragged women off behind trees, who then reappeared sobbing and screaming. ‘After a while we never accepted lifts and didn’t dare go near any villages, and when we slept someone always stood watch.
Commenter  J’apprécie          10
From the start the proportion of asocials in the camp was about one-third of the total population, and throughout the first years prostitutes, homeless and ‘work-shy’ women continued to pour in through the gates. Overcrowding in the asocial blocks increased fast, order collapsed, and then followed squalor and disease.

Although we learn a lot about what the political prisoners thought of the asocials, we learn nothing of what the asocials thought of them. Unlike the political women, they left no memoirs. Speaking out after the war would mean revealing the reason for imprisonment in the first place, and incurring more shame. Had compensation been available they might have seen a reason to come forward, but none was offered.

The German associations set up after the war to help camp survivors were dominated by political prisoners. And whether they were based in the communist East or in the West, these bodies saw no reason to help ‘asocial’ survivors. Such prisoners had not been arrested as ‘fighters’ against the fascists, so whatever their suffering none of them qualified for financial or any other kind of help. Nor were the Western Allies interested in their fate. Although thousands of asocials died at Ravensbrück, not a single black- or green-triangle survivor was called upon to give evidence for the Hamburg War Crimes trials, or at any later trials.

As a result these women simply disappeared: the red-light districts they came from had been flattened by Allied bombs, so nobody knew where they went. For many decades, Holocaust researchers also considered the asocials’ stories irrelevant; they barely rate mention in camp histories. Finding survivors amongst this group was doubly hard because they formed no associations, nor veterans’ groups. Today, door-knocking down the Düsseldorf Bahndamm, one of the few pre-war red-light districts not destroyed, brings only angry shouts of ‘Get off my patch'.
Commenter  J’apprécie          10
From 1949 the main responsibility for investigating Nazi war crimes was handed to the new German courts. The reason the Allies cut short their trials was clear: the Cold War was under way, Germany was about to split in two and the new priority was to help West Germany rebuild so it could join in the fight against the communists. Most notable amongst the perpetrators let off the hook were German industrialists. Whatever their complicity with the Nazi horror, or their profits from slave labour, these companies were needed to help the West fight the Cold War. Not a single member of the Siemens board, or the Ravensbrück Siemens staff, was ever charged with war crimes at Ravensbrück or anywhere else where they used slave labour. Siemens’s role at Ravensbrück and other camps remained hidden until the 1960s, when investigators seeking compensation for Jewish claimants unearthed the facts. The company reluctantly paid out small sums into a fund, but accepted no liability, saying it was coerced. 
Commenter  J’apprécie          10
Je retrouvai Zofia Kawinska dans son appartement du dixième étage donnant sur les grues du chantier naval de Gdansk. Elle appartenait au second groupe de victimes des expériences aux sulfamides ordonnées par Himmler. Toute petite et voûtée, elle a du mal à marcher depuis la guerre. Je demande si elle souffre encore des expériences. “Un peu”, dit-elle, et elle me sert le thé avec des biscuits.

Elle se baisse pour montrer les cicatrices sur le côté de ses jambes. “Ils y ont mis des bactéries, du verre et des bouts de bois, et ils ont attendu. Elle relève la tête et me fixe de ses yeux bruns profonds, comme pour s’assurer que je comprends. “Mais je n’ai pas souffert autant que certaines. En Pologne, tout le monde est rentré avec des blessures.

A son retour, Zofia découvrit qu’elle avait perdu son père à Auschwitz. Il avait été arrêté en même temps qu’elle a Chelm, dans leur maison de famille. “La dernière fois que je l’ai vu, c’était sur le camion en route pour le château de Lublin.
Commenter  J’apprécie          10
Je comprenais maintenant ce que le livre devait être : une biographie de Ravensbrück commençant par le commencement pour finir par la fin, où je ferais mon possible pour redonner sa cohérence à une histoire brisée. Le livre s’efforcerait d’éclairer les crimes des nazis contre les femmes tout en montrant en quoi la compréhension du sort réservé aux femmes est de nature à éclairer l’histoire plus générale du nazisme
Commenter  J’apprécie          20

autres livres classés : biographieVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus

Autres livres de Sarah Helm (1) Voir plus

Lecteurs (144) Voir plus



Quiz Voir plus

Les écrivains et le suicide

En 1941, cette immense écrivaine, pensant devenir folle, va se jeter dans une rivière les poches pleine de pierres. Avant de mourir, elle écrit à son mari une lettre où elle dit prendre la meilleure décision qui soit.

Virginia Woolf
Marguerite Duras
Sylvia Plath
Victoria Ocampo

8 questions
1709 lecteurs ont répondu
Thèmes : suicide , biographie , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..