AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,53

sur 1543 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
"Passent les jours et passent les semaines
Ni temps passé
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine..."
(G. Apollinaire)

Michel-Ange a dit qu'il n'a jamais créé aucune statue, car elles vivaient déjà toutes dans le bloc de marbre de Carrare, et tout ce qu'il avait à faire était de les en libérer. "Paris est une fête" aurait très bien pu naître de façon similaire. Hemingway a seulement ramassé les souvenirs et les mots que le vent a dispersés aux quatre coins de Paris.
Et pourtant, on a failli ne jamais pouvoir s'en délecter.

Les dernières années d'Hemingway, qui comptait toute sa vie sur sa robustesse et sur son élan vital, étaient assombries par la dépression, une maladie chronique du foie, de l'hypertension, et pire encore - il commença à perdre la mémoire. Lui, toujours si fier de sa capacité dickensienne à retenir les noms et les lieux...
En novembre 1956, il a retrouvé au sous-sol de l'hôtel Ritz deux valises bourrées de notes de son séjour parisien en compagnie de sa première femme Hadley, et les retravailler sous forme de ce livre était probablement une sorte de thérapie.
"Maintenant, jamais, il n'écrirait les choses qu'il avait gardées pour les écrire jusqu'à ce qu'il eut assez appris pour les écrire bien. En tout cas, cela lui éviterait d'échouer dans sa tentative. Peut-être n'arrivait-on jamais à les écrire, et peut-être était-ce pour cela qu'on les remettait à plus tard et qu'on ne pouvait pas se résoudre à commencer", réfléchit le héros des "Neiges du Kilimandjaro", l'écrivain Harry, sur le point de mourir. Et comme première de ces choses, il nomme Paris.
Hemingway a réussi in extremis, et trois ans après sa mort, grâce à sa quatrième femme Mary Welsh, le livre est parti à la rencontre de ses lecteurs.

Qui n'aimerait pas "Paris est une fête" ? Certes, ce n'est pas pour ces "vignettes parisiennes" qu'Hemingway a reçu le Nobel, mais même son fan le plus aguerri peut parfois ressentir une certaine lassitude à la vingtième description détaillée de la chasse au koudou. Tandis que ce charmant livret ne peut ennuyer ni offenser personne.
Hemingway n'a jamais vraiment séparé la réalité de la fiction, et sa forme prosaïque mal définie reste aussi légère et pétillante que le vin blanc de Mâcon dont il est souvent question dans ces sketches parisiens.
On s'immerge avec bonheur dans cette vie bohème, où la tâche la plus difficile de la journée était de se lever avant midi, et écrire quelques pages avant de se recoucher le soir. La vie entre bars, cafés, hippodromes, littérature et rencontres au gré du hasard. C'est au lecteur de décider s'il a envie de sauter le chapitre sur l'obscur poète Ralph Cheever Dunning, et lire plutôt celui sur l'éclatante grandeur d'Ezra Pound ou celles sur Gertrude Stein, dont on sait déjà un peu plus ; si ce n'est qu'elle a beaucoup influencé le propre style d'Hemingway, même s'il ne voulait jamais l'admettre. Vous serez touchés par la rencontre avec le barde aveugle d'"Ulysse", James Joyce, et à chaque apparition de F. M. Ford ou Wyndham Lewis, vous ressentirez une très forte envie de les frapper sur la tête avec un croissant. Sans parler d'inoubliables passages tragicomiques sur le triste chevalier de la nouvelle prose américaine, F. S. Fitzgerald. Et Zelda, bien sûr...

Tout ce beau monde mis à part, le livre est aussi un intéressant témoignage sur son auteur, qui se laisse aller à une douce nostalgie. On sait qu'Hemingway était plutôt susceptible, et habitué à régler ses comptes par de mordantes allusions littéraires. On sait aussi qu'il n'était pas exactement un modèle de constance amoureuse, et qu'il savait aller durement (néanmoins honnêtement) à la poursuite de sa carrière. Mais ici on a affaire à un jeune Hemingway vertueux, un innocent écrivain débutant plein d'audace et de rêves, et un mari aimant, heureux de vivre d'amour et d'eau fraîche.
Il fait revivre le Paris des années perdues de sa jeunesse, où le vin et la nourriture étaient bon marché, et où on pensait assister à quelque chose qui ressemblait à la grande renaissance des arts ; ces temps que personne n'a alors estimés à leur juste valeur, et tout le monde l'a regretté après.
Boulevards au printemps, cafés où on pourrait passer la journée entière à écrire devant un seul verre sans être dérangé par les serveurs, et la joie... que ce soit en observant les mots qui s'alignent aisément sur le papier, ou la belle inconnue qui attend un amant anonyme dans le même café.

"Paris" se lit facilement et laisse une agréable impression. Il coule comme la Valse n°2 de Chostakovitch. 5/5 à cette beauté pure ; qu'elle vive à jamais comme souvenir des temps insouciants !
Commenter  J’apprécie          7736


Hemingway est choqué quand Gertrude Stein lui jette à la face, en parlant de façon générale : « Vous êtes une génération perdue. Vous avez fait la guerre, vous ne respectez rien, vous vous tuez à boire. »
Génération perdue, moi, médite-t-il, oui, j'ai fait la guerre, et alors ? et je la respecte, d'ailleurs elle vit avec une autre femme, alors, c'est réglé et puis je bois trop, moi, MOI , et il s'arrête à la Closerie pour boire une bière.

Paris, alors qu'il n'a pas d'argent, sauf quand il réussit à vendre un conte ou un essai, lui offre une vie facile, du vin, blanc de préférence, vraiment beaucoup de vin, la bibliothèque de prêts gratuits de « Shakespeare and Cie » de Sylvia Beach, un peu de boxe avec Ezra Pound, des champs de course de chevaux, où il joue, il perd et il gagne.
Il est jeune, il est libre, sa femme Hadley est une adorable femme toujours contente, parfois ils n'ont rien à manger, c'est bon signe, c'est instructif et pousse au travail, incite à économiser pour pouvoir aller en Espagne, parfois il lui ment en disant qu'il sort de table, et, quand l'argent arrive, alors, ce sont les gueuletons qu'il décrit avec gourmandise.

Ce que Paris offre, en plus du muscadet, des huitres, des fritures de goujons et des escargots, en plus du bonheur de vivre qui s'expose à chaque page, c'est que c'est l'endroit, dit-il, le plus propice à l'écriture.
« Découvrir tout ce monde nouveau d'écrivains ( Tolstoi, Stendhal), et avoir du temps pour lire, dans une ville comme Paris où l'on pouvait bien vivre et bien travailler, même si l'on était pauvre, c'était comme si l'on vous avait fait don d'un trésor ».
Attendre de relire le lendemain pour savoir si le travail a été bon.
Oublier le récit une fois fini, et avant la relecture du lendemain.
Se promener en essayant d'observer le monde alentour, prendre des idées, travailler et travailler encore.
Chaque jour où il ne peut pas écrire, en particulier dans sa relation avec Scott Fitzgerald, est un jour perdu. Car Scott, éperdu d'amour pour Zelda, ne prend pas conscience qu'elle est jalouse de son succès - il est arrivé à Paris en 1924 avec la gloire d'avoir écrit « Gatsby le magnifique »-et qu'elle le pousse à boire pour qu'il arrête d'écrire.
« Scott n'écrivit plus rien jusqu'au moment où il sut qu'elle était folle ». dit Hemingway.
Qui boit, mais ne se laisse pas séduire par les jeux mondains, la perdition dans l'alcool de cette génération perdue,( à ce moment de sa vie) de ces années folles, ni la perversion d'une Zelda, qui détruit Scott en lui disant qu'il ne pourrait jamais rendre une femme heureuse.
C'est une question de taille, ajoute-t-elle méchamment.
La taille, pour Ernest, n'est apparemment pas un problème, et son aptitude à jouir ( de la vie, de la ville, de son écriture) non plus.

Il a déjà reçu le prix Nobel en 1954 lorsqu'il remet au propre, dans sa villa de San Francisco de Paula à Cuba 30 ans après, ses notes oubliées en 1928 dans une malle Vuitton à l'hôtel Ritz, où il nous conte ses premières années magiques à Paris, sa liberté dans les rues, ses rencontres avec d'autre écrivain( exit Scott : lorsqu'on lui demande de parler de lui il parle de Karen Blixen, dont il aurait voulu qu'elle ait le prix Nobel à sa place) la vie avec sa gentille femme Hadley, leur bébé qui ne pleure jamais et qu'un chat vient surveiller et prendre dans ses bras de chat encore mieux qu'une baby-sitter, et l'écriture, toujours.
Dernières pages encore plus touchantes, l'aveu de sa liaison avec Pauline, la meilleure amie de Hadley, le chagrin de celle-ci et le sien : « Je souhaitai être mort avant d'avoir aimé une autre qu'elle », pourtant il est pris par la vie, l'amour, l'autre femme qui l'a séduit.
Paris avec la deuxième femme ne sera plus jamais le même, puisque il a changé.

LC Thématique septembre : Etat des lieux
Challenge Nobel
Commenter  J’apprécie          6429
Paris est une fête évoque un temps révolu, celui des Américains venus vivre à Paris parce que tout est moins cher. Hemingway peint une atmosphère particulière, le bonheur, la légèreté teintée d'inconscience avec le recul de celui qui connaît la suite de l'histoire. Un livre marquant.

Au début des années 1920, Ernest et Hadley sont à Paris, la vie y est moins chère qu'en Amérique et ils (surtout Ernest) rencontrent des artistes reconnus, ou non. Les deux jeunes gens vivent heureux (de vin et d'amour ?) pendant qu'Ernest consacre ses journées à écrire. Il écrit dans des cafés (il déteste qu'on vienne le déranger) ou dans une chambre louée, puis une fois son travail achevé, il rejoint Hadley dans leur modeste appartement. Ils voyagent parfois, dans les Alpes ou en Espagne.

Une atmosphère de légèreté règne dans ce livre, mais des sauts en avant ramènent auteur et lecteur à la réalité.

Lien : https://dequoilire.com/paris..
Commenter  J’apprécie          520
Ernest Hemingway, alors jeune auteur qui s'apprête à abandonner le journalisme pour se consacrer à l'écriture, nous offre un voyage dans Paris, dans le Paris des années 20.
Et quel voyage !!
On rend ainsi visite à Gertrude Stein au 27 de la rue Fleurus, on longe le jardin du Luxembourg pour redescendre jusqu'à la rue du Cardinal-Lemoine, on fait la connaissance de Scott Fitzgerald avec lequel on traverse la France dans une automobile privée de toit.
On voit Zelda commencer sa lente descente aux enfers, on rencontre des artistes à la Closerie des lilas...
Plus que l'oeuvre, on rencontre ici l'auteur avec qui on fait connaissance, comprenant ainsi bien mieux ses oeuvres ultérieures.
On termine de dévorer ce livre en comprenant un peu mieux les sources d'inspiration de Woody Allen qui emmène Gil Pender dans le Paris des années 20.
Un moment magique où j'ai moi aussi traversé le temps pour déambuler dans Paris.
Commenter  J’apprécie          390
Comment n'ai-je pas lu Hemingway plus tôt ?! Je n'en sais rien... du coup, quelle bonne idée d'entrer dans son oeuvre par ses souvenirs de sa vie à Paris (et ailleurs) dans les années 1920 !
Je découvre l'homme dont quelques amis, irréductibles fans de l'auteur, m'ont tant parlé ces 5 dernières années, par moi-même et au début de sa carrière, alors qu'il est, selon ses propres mots, jeune, pauvre et heureux.
Un merveilleux voyage ponctué de réflexion sur l'écriture et des anecdotes sur les artistes de l'époque qu'il croise, côtoie ou se voit mentionner. Découverte de certaines figures essentielles de la littérature et des arts, redécouverte sous un jour un peu moins favorable pour certains. Et toujours l'écriture, le métier d'écrivain, l'attitude d'Hemingway face à ses propres écrits, ceux des autres et la manière à la fois abrupte et pudique avec laquelle il fait face à certains aspects de la vie.
Une excellente découverte avant de m'engager dans ma lecture "obligatoire" mais néanmoins volontaire, pour un séminaire sur le Modernisme Américain, de "The Sun Also Rises", mentionné à la fin de "A Moveable Feast".
Le début d'une nouvelle histoire d'amour?
Commenter  J’apprécie          210
Dans ce texte autobiographique, Hemingway raconte et dépeint, par touches successives, ce que fut sa vie à Paris. Ernest Hemingway vécut à Paris en 1921 avec sa femme Hadley et leur fils Jack, surnommé Bumby. A cette époque, Hemingway n'était pas encore connu, il écrivait dans les cafés parisiens des petits contes et des nouvelles qu'il vendait à quelques journaux américains. Les extras étaient rares : quelques paris à l'hippodrome d'Enghien et une ou deux semaines de vacances en Espagne l'été. L'hiver, ils louaient une chambre plusieurs mois dans une station de ski autrichienne, puis les beaux jours les ramenaient à Paris… le tout-Paris littéraire croise alors le chemin d'Hemingway : Gertrude Stein et son amie dans leur appartement face au Luxembourg, Francis Scott et Zelda Fitzgerald, les amants terribles des années 20, des journalistes et critiques français et américains, mais Sylvia Child et sa libraire Shakepeare & Company… Tous les lieux fréquentés par Hemingway me sont connus (notamment La closerie des lilas), et pourtant c'était un autre Paris. Vie de bohème, vie simple et heureuse, avec sa femme et son bébé, passant la journée de cafés en bistrot pour siroter un verre, puis un café, en écrivant quelques lignes et se privant parfois de repas pour faire quelques économies. le tout non dénué d'humour : on y trouve notamment le récit hilarant d'une virée en voiture avec Fitzgerald entre Lyon et Paris, dont je me souviendrais toujours !

Le charme fou de cette chronique des jours passés vient de la prose très pure d'Hemingway. Comme dans L'Adieu aux armes, pas de sentiments, pas d'adjectifs superflus, rien que l'essentiel : « Ce qu'il faut, c'est écrire une seule phrase vraie. Écris la phrase la plus vraie que tu connaisses. », écrit-il lorsqu'il manque d'inspiration. Hemingway trouvait ses sujets à la fois dans les gens qu'il avait sous les yeux et dans les souvenirs des lieux qu'il avait quittés : il explique notamment qu'il faudra qu'il quitte Paris pour écrire sur Paris. C'est justement ce qui s'est passé, puisque cette chronique a été écrite entre 1957 et 1960, près de quarante ans après sa période parisienne. le dernier chapitre est particulièrement émouvant, puisqu'il revient sur sa rencontre avec sa future deuxième femme, alors qu'il est encore marié avec Hadley, et sur les changements que le succès a entraîné dans sa vie de famille par l'irruption de riches inconnus aux moeurs si différentes des siennes…
Lien : http://passionlectures.wordp..
Commenter  J’apprécie          170
Véritable amoureux de Paris, Hemingway nous emmène dans ses promenades au gré des cafés et des rencontres. le style est gai et très fluide.
C'est amusant comme le plaisir de se balader à  pieds dans Paris semble ne pas changer avec le temps.
Les rencontres avec quelques figures littéraires et artistiques plus ou moins installées à Paris sont savoureuses et très bien campées,  surtout Scott Fitzgerald !
Les textes inédits de cette édition n'apportent rien et c'est presque dommage de rester sur l'impression qu'ils laissent.
Un petit vent d'air frais.
Commenter  J’apprécie          104
Quand on a vu "Midnight in Paris" de Woody Allen c'est encore mieux, ça roule tout seul.
Commenter  J’apprécie          100
A travers plusieurs portraits et anecdotes, Hemingway revient sur les années heureuses qu'il a passées à Paris après la première guerre mondiale. Dans ces courts récits, on croise toutes les figures qui ont fait le "Paris bohème" mythique de cette époque. On suit également l'écrivain dans ses escapades à la montage en compagnie de sa femme. L'édition de 2014 contient également un ensemble de notes relatives aux événements décrits dans ce recueil de souvenirs et qui nous éclairent bien sur le contexte dans lequel il a été rédigé, ainsi que la recherche stylistique toute particulière dont il a fait l'objet.
Un livre qui se savoure, emprunt d'un sentiment de nostalgie et d'idéalisation pour une époque aujourd'hui bien disparue.
Commenter  J’apprécie          90
Ce livre est soit une partie de la jeunesse de l'auteur soit son imagination ou les deux à la fois. "Paris est une fête" est donc un recueil de souvenirs entremélés.
Une réalité marquée par la description de Montparnasse, le St Germain des Prés des années 20. L'auteur décrit les odeurs, les lieux fréquentés : les restaurants la Closerie des Lilas.... Ces mots sont choisis avec parcimonie et la ville devient ainsi nostalgique pour les amoureux de Paris : il ne fait qu'embellir la capitale.
Le côté imaginaire du récit est sa rencontre avec le couple Fitzgerald où la présence de Hémingway se ressent dans ses échanges sur l'écriture et rédiger un manuscrit, serait ce vraiment une rencontre ou uniquement l'imaginaire qu'il emporte !
Cet ouvrage devient aussi mythique par ses anecdotes sur les parisiens, ses expressions alambiquées "poisson-pilote et les riches" pour désigner les chauffeurs de riches ce qui nous amène à se poser la question serait-ce un règlement de compte, puisqu'il était à l'époque journaliste et pauvre. Cet ouvrage est mythique et aussi une Fête pour les lecteurs !
Commenter  J’apprécie          80




Lecteurs (4337) Voir plus



Quiz Voir plus

Paris est une fête

En quelle année est paru ce texte ?

1963
1964
1965

10 questions
91 lecteurs ont répondu
Thème : Paris est une fête de Ernest HemingwayCréer un quiz sur ce livre

{* *}