L'action de
Maria Chapdelaine se passe à Péribonka, et c'est là que je l'ai lu pendant le temps des fêtes.
Je connaissais l'oeuvre pour en avoir vu une adaptation cinématographique (probablement celle avec Carole Laure), et pour être allée au musée
Louis-Hémon au moment de son ouverture; je n'en avais cependant pas gardé un souvenir impérissable. C'était sans compter la plume de
Louis Hémon, pleine de vie et de lyrisme, et le plaisir que j'ai eu à le lire. Lorsque le roman est sorti, il lui a été reproché de s'être moqué des canadiens français; il est vrai qu'il lui arrive d'apparaître dans le texte et de faire son anthropologue (« Au pays de Québec… »), délaissant l'intrigue momentanément pour y aller de ses perceptions, fait un peu irritant, largement compensé cependant par son évocation du mode de vie astreignant, intimement relié à la nature et au passage des saisons qu'il excelle à décrire.
Sur l'arrivée du printemps: « Mai amenait une alternance de pluies chaudes et de beaux jours ensoleillés qui triomphait peu à peu du gel accumulé du long hiver. Les souches basses et les racines émergeaient, bien que l'ombre des sapins et des cyprès serrés protégeât la longue agonie des plaques de neige; les chemins se transformaient en fondrières; là où la mousse brune se montrait, elle était toute gonflée d'eau et pareille à une éponge. En d'autres pays c'était le renouveau, le travail ardent de la sève, la poussée des bourgeons et bientôt des feuilles, mais le sol canadien, si loin vers le nord, ne faisait que se débarrasser avec effort de son lourd manteau froid avant de songer à revivre. » (p. 45)
Le passage suivant a tout particulièrement attiré mon attention: « Partout l'automne est mélancolique, chargé du regret de ce qui s'en va et de la menace de ce qui s'en vient; mais sur le sol canadien, il est plus mélancolique et plus émouvant qu'ailleurs, et pareil à la mort d'un être humain que les dieux rappellent trop tôt, sans lui donner sa juste part de vie. » (p. 92)
Louis Hémon a écrit
Maria Chapdelaine en 1912-1913. Il n'en verra jamais la publication, en 1913, happé mortellement en juillet de cette même année par un train en Ontario, un accident inexpliqué. Il avait trente-deux ans. Une touchante postface de
Bernard Clavel complète le livre, pour qui le roman avait fortement résonné.