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EAN : 9782020593496
300 pages
Seuil (03/05/2007)
4.25/5   2 notes
Résumé :

Jacques Henric naît en décembre 1938. Il appartient à cette génération qui fait ses premiers pas quand se déclenche la Seconde Guerre mondiale. Ces temps tragiques - la défaite, l'Occupation nazie, le gouvernement de Vichy, la Collaboration, la Résistance, les combats de la Libération, la découverte de l'extermination des Juifs... - ne sont pas étrangers aux engagements politiques et littéraires ... >Voir plus
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
J'ai le souvenir, pour ma part, d'avoir eu connaissance du passé collaborationniste de Duras par une note en bas de page figurant dans la biographie de Gaston Gallimard, due à Pierre Assouline. C'était en 1984. Il y était fait allusion à l'existence de cette commission de la Propaganda Staffel où avait officié la jeune Marguerite Donnadieu, épouse Antelme, commission mise en place par un décret du maréchal, après la préalable aryanisation des maisons d'édition juives (Nathan, Calmann-Levy), puis prise en mains par les nazis. Son attribution : le contrôle du papier d'édition. Elle constituait ainsi un véritable organisme de censure qui épluchait les manuscrits reçus et avait la charge de distribuer le papier aux seuls "bons" éditeurs (entendons ceux qui avaient accepté, de leur plein gré, de retirer de la vente et ne plus publier les auteurs inscrits sur les listes dites "Otto" et "Bernhard", à savoir les auteurs juifs, communistes, ou ceux ayant eu par le passé une attitude critique à l'égard de l'Allemagne et de sa culture). " Marguerite, écrit Laure Adler dans la biographie qu'elle lui a consacrée, ne pouvait ignorer le degré de collaboration de cet organisme constamment surveillé par la Propaganda ". Paul Morand eut des responsabilités dans cette commission dirigée par un collaborateur notoire. Les noms de Ramon Fernandez, Brice Parain, Dionys Mascolo figurent dans la liste de la quarantaine de lecteurs accrédités par ladite commission. Quand à la secrétaire de celle-ci, c'était notre Marguerite Donnadieu-Antelme, qui deviendra plus tard l'intraitable résistante Marguerite Duras, l'impitoyable tortionnaire de collabos, puis la militante communiste (stalinienne, forcément stalinienne ?) pure et dure. Ne manquant pas d'aplomb, à la Libération, l'incorruptible communiste s'en prendra avec une farouche énergie à tous ces veaux de Français qui n'avaient pas ouvertement pris parti contre Pétain (...).
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Autre facteur, plus décisif, de l’évolution de notre ancien compagnon : l’ambition du jeune Muray, c’était d’écrire des romans (il a d’ailleurs commencé par là). Ses deux modèles, ses deux figures tutélaires, étaient Balzac et Céline. C’est dire que par romans, il n’entendait pas des écrits « avant-gardistes », « illisibles », réservés à des happy few, comme ceux, pensait-il, que publiait Tel Quel. Non, son ambition était d’écrire des romans narratifs, traditionnels dans leur forme, populaires, destinés à de forts tirages. Dans la production d’alors, c’étaient les gros pavés américains qui avaient sa faveur, comme Le Monde selon Garp, de John Irving, ou les romans de John Updike. Lui qui était obligé de gagner sa croûte en rewritant des papiers de Détective, puis en étant le mercenaire de la collection de polars « Brigade mondaine », rêvait d’écrire un best-seller. Ses romans, hélas, furent des fours. Trop longs, et surtout pas vraiment des romans, comme ceux que les Américains savent faire, avec des histoires bien ficelées, un imaginaire effervescent. Les « fictions » de Muray étaient de simples reprises de ses articles polémiques, un délayage des thèmes qu’il traitait répétitivement dans ses pamphlets, avec, pour que ça tienne, le recours à une vague trame romanesque. On ferme (titre prémonitoire) fut un échec et l’ultime tentative de Muray d’écrire un roman. Admirer Céline est une chose, vouloir l’égaler en est une autre, aux conséquences dévastatrices. Quelques adorateurs de Céline s’y sont brûlé les ailes. Il y a un danger à se constituer un idéal du moi nourri trop exclusivement d’une puissante figure tutélaire. Ainsi, le début d’On ferme n’est qu’un laborieux démarquage des premières pages de Normance. Ratage de sa carrière de romancier populaire, espoirs déçus, amertume, dépit, rancoeur, ressentiment, ces « mauvaises fées de l’envie, de la jalousie, de la haine impuissante » qu’il voyait se pencher sur le berceau de nombre de ses contemporains, il n’avait pas prévu qu’elles le couvriraient à son tour de leur ombre funeste. Un regret : que ce soit, de toute évidence, le succès médiatique du livre de Catherine Millet, succès auquel il a longtemps aspiré pour lui-même, qui soit au départ du déchaînement des « mauvaises fées » qui l’ait amené à recourir, non contre le livre, mais contre la personne de son auteur, contre ses proches, contre son journal, contre moi, au vocabulaire de la « haine impuissante ». On pouvait se quitter de façon moins moche.
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Comment le bon « abbé Muray », comme l’appelait avec une pointe de tendresse Sollers, s’est-il retrouvé dans la peau d’un Savonarole, éructant contre son époque, condamnant la dégradation de ses moeurs, la décadence et le contenu scandaleux de ses arts, vouant ceux-ci et leurs auteurs aux flammes de l’enfer, et annonçant déjà, après mille autres millénaristes aussi allumés que lui, que l’Histoire était finie, que l’apocalypse avait déjà commencé ? Peut-être une des clés de la métamorphose de l’« abbé », que nous avions connu joyeux, en un sombre Cassandre, fallait-il la chercher — et Sollers ne pouvait que l’ignorer [..] — dans le rapport oedipien que Muray entretenait précisément avec lui, Sollers ? Muray était persuadé, plusieurs fois il m’en a fait l’aveu, que Sollers lui faisait les poches. Céline, par exemple ? C’était lui, Muray, qui l’avait, sinon découvert, mis à la place qui lui revenait. Il oubliait, bien sûr, qu’à l’époque où il n’était certes plus en barboteuse à jouer au cerceau, mais encore jeune gamin se livrant (du moins je l’espère) avec des petites copains à des jeux de touche-pipi, Sollers avait déjà abondamment écrit sur Céline [10]. Ces poussées de fièvre paranoïdes ont amené Muray à se démarquer systématiquement de Sollers, à fuir les lieux où celui-ci publiait, et bientôt à l’attaquer, souvent bassement avec la jubilante bénédiction de tous les ennemis de l’auteur de Femmes. Il n’est pas improbable que son éloignement d’Art press soit dû en partie à la présence de Sollers au sein de la revue.
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Muray est mort quand je rédigeais ces lignes. N’ayant pas plus, à son exemple, le respect des morts que de certains vivants, et n’ayant aucune prédisposition aux plaisirs masochistes du fouet, je n’en changerai pas un mot. Fidèle à l’esprit de son adulé Léon Bloy, faux chrétien mais vrai catholique, donc peu sensible à une forme abâtardie de la compassion, je considère qu’une « canaille » vivante ne peut devenir après son trépas qu’une « charogne » morte, selon les doux qualificatifs de l’auteur de Cochons-sur-Marne. Qualificatifs dont aucun, ai-je besoin de le préciser, ne s’applique à la personne de Philippe Muray.
La preuve, c’est qu’il est au paradis, Philippe, auprès de son bien-aimé Dieu le Père, là où toute forme de matriarcat est bannie. Sûr que le Très-Haut, avec qui il doit poursuivre de longues et passionnantes discussions sur la théologie, sur la double nature du Christ, la consubstantialité, la Trinité, la querelle du filioque (est-ce que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils ou du Père par le Fils...) ; sûr qu’il le protège de tout ce qui sur terre lui foutait des boutons et parfois sacrément les boules. [...]
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Une gêne ne m’a pas quitté, né de l’accueil chaleureux que l’extrême-droite réservait depuis plusieurs années à Muray. [...] La faiblesse du système Muray, qui est celle de certains sociologues comme Baudrillard, de philosophes comme René Girard [...], c’est d’appliquer sur le réel une grille de lecture, toujours la même. Baudrillard, c’est le concept d’« hyper-réel » ; Girard, c’est la théorie de la « rivalité mimétique » et du « bouc émissaire » [...] Muray, c’est sa théorie de la « post-Histoire ». Dans chacun des cas, le réel est aux ordres ».
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