Citations sur Rouge gueule de bois : Derniers jours de Fredric Brown (6)
Le temps qui reste est toujours le plus précieux.
Les balles tombaient de partout à la fois et, pendant cinq interminables secondes, ce sont les portes des enfers qui s'ouvrirent devant eux, dégueulant désespoir et compromission et ferraille sur le cœur d'un monde à l'agonie.
Aux crocs, la tête en bas, surplombant des baquets plastique, des agents d'assurance, des sténodactylographes et des pensionnés de guerre finissaient de se vider par le cou, plus ou moins dénudés, plus ou moins ouverts. Derrière, on désossait dénervait apprêtait, on hachait menu des chairs grises et roses, écorchés ou pelées, on mettait à dégorger. On laissait à macérer, brisait des os pour en racler la moelle, on faisait sauter dans la graisse et revenir au beurre noir, on mettait au stock pour que ça faisande.
Mais, surtout, il se voyait avec un plaisir divin en train de dépiauter, découper, chiffonner, broyer, dissoudre, pulvériser ces ramettes de feuilles qu'Elizabeth avait maculées de signes pour composer le manuscrit complet de son autobiographie, le roman-fleuve d'une vie d'épouse d'écrivain, cette interminable logorrhée à la gloire du mari, hagiographie insoutenable, rapport permanent sur son inappétence, son impuissance à poursuivre quelque œuvre que ce fût, sa mort en tant qu'artiste.
La police ne comprend pas grand chose aux histoires d'amour. Je veux dire : l'amour est une forme de duperie, de don, de maladie.
Il resta sans bouger, mimant la mort, espérant faire refluer la nausée jusqu'à ses orteils et, de là, l'amener à couler dans le lit pour s'éponger dans le matelas.