Communication égale compréhension
Lire du
Frank Herbert, c'est retourner à mes premières amours en matière de science-fiction. Il m'en reste encore quelques-uns sous le coude, ouf.
Une fois de plus, on peut affirmer que le Franky en prenait d'la bonne. J'ignore s'il possédait son gisement d'épice perso ou s'il faisait son propre élevage de vers de sable, mais ce côté perché et fantaisiste apporte une note de fraîcheur dans une science-fiction souvent trop rigide.
On retrouve ici ses psychologies poussées, ses rapports humains et politiques conflictuels, néanmoins complémentaires. J'aime voir la communication ainsi portée aux nues, soutenue à bout de bras entre des belligérants pourtant prêts à se trancher la gorge à la première occasion. C'est ce dialogue pointu, destiné à trouver une faille dans la défense de l'adversaire, qui a fait toute la réputation de l'auteur. C'est ce dialogue qui fait que ce roman fonctionne.
Des personnages aux origines et aux formes diverses et colorées, des attributs et compétences qui, combinées les unes aux autres, offrent des possibilités étourdissantes. Il y a tout un paysage ici, une diversité à peine évoquée, mais que l'on devine sans mal. Un livre univers à l'image de son oeuvre la plus connue.
Parce que ce roman aborde les thèmes de la communication, du langage, du voyage temporel (mais pas tout à fait) et de la pensée conditionnée à la compréhension dudit langage (et vice versa), il m'a fait penser à la nouvelle de
Ted Chiang, L'Histoire de ta vie, que je n'ai pas encore lue mais dont l'adaptation par
Denis Villeneuve, Arrival, est mon film de SF préféré.
Chiang a certes poussé la réflexion beaucoup plus loin, mais Herbert ne démérite pas. Il introduit lui aussi la notion d'un amour peu commun (universel ?) et, en digne représentant de l'âge d'or de la SF, propose des concepts étonnants, entre couloirs spatiaux, mode de communication instantanée, manifestation physique d'entités cosmiques, etc., ne manquant pas de rappeler que tous ces outils/atouts possèdent bien évidemment leurs limites.
L'autorité du Bureau des Saboteurs est intéressante à bien des égards, même si le lien entre sa fonction première (parasiter une administration trop lourde) et la mission de McKie m'a, je l'avoue, un peu échappé.
Les personnages, principaux comme secondaires, ne manquent pas de gouaille. Des spécialités qui servent l'enquête de McKie, une hiérarchie utile pour un récit précis. La Calibane à elle-seule, interlocutrice privilégiée du Saboteur (tout est là), catalyse tout l'intérêt porté à ce récit. Malgré une communication – donc une lecture – laborieuse, on se prend d'affection pour cette martyre d'un nouveau genre. Elle brille par son innocence autant que par sa sagesse qui transcende tout ce que l'Homme croit connaître. Seul “être” décorporé de cette histoire, Fanny Mae en est pourtant le coeur palpitant, l'initiatrice essentielle. Une belle trouvaille. Encore fallait-il réussir à lui donner corps. Bravo.
Le sujet de la flagellation m'a laissé un peu perplexe. Il aurait été bon d'expliquer comment la “méchante” de l'histoire a bien pu dénicher ce procédé et quelles sont ses motivations, ainsi que celles de l'autre “méchant”. Comprendre les mécanismes d'un truc aussi tordu aurait permis d'offrir un peu plus de profondeur au roman. Pourquoi le procédé fonctionne avec ce type de fouet en particulier ? Pourquoi un Palenki et pas une autre espèce ? Pourquoi ce contrat entre la Calibane et sa patronne ? Quel bénéfice pour la première ? Pour une fois, Herbert a voulu pondre un roman court, mais beaucoup de points restent en suspens.
Mention ++ à
Guy Abadia, dont la traduction ici m'a plus convaincu que dans ses autres travaux sur les oeuvres d'Herbert.
J'aime les libertés que prend
Frank Herbert avec la science-fiction dite classique. Il s'inscrit davantage, comme avec le cycle Dune ou le Programme Conscience, dans une space-fantasy mêlant sans complexe concepts physiques, créativité fantasque, psychismes débridés et aventure.
L'Etoile et le fouet reste malgré tout un peu en-deçà de ses promesses. J'ai le sentiment que l'auteur a voulu rester accessible au plus grand nombre en livrant un roman d'espionnage et d'action, quitte à perdre un peu de la philosophie et de la poésie qui ont fait ses grands jours. Je lirai toutefois la suite avec un appétit égal.
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