Il pénétra donc dans le bureau de l’Eternel, observa et tout d’abord admit qu’il ne s’était point trompé : la voix fluette rappelant sans cesse aux gens l’inexistence du temps dans l’éternité était celle d’un corps plutôt commun : âge indéfinissable, chauve, petit, gras, négligé, jean et chemise sans caractère, tongs usagés, ongles des pieds et des mains souillés par la crasse. La pièce dans laquelle il se trouvait était nue, si ce n’est le bureau du maître, ainsi qu’une chaise pour le visiteur. Le Juge éternel affichait par ailleurs sa lubricité. En effet, sans pudeur et sans honte, il se présenta, au pêcheur qui entrait, en train d’assouvir un plaisir non dissimulé qui abasourdit Viktor. La Mort, la grande faucheuse, celle que Viktor avait jadis appelée Samantha, était assise de façon coquine sur ses genoux. Elle souriait, comme d’habitude, à la manière de la Joconde, avec un soupçon de rictus indéfinissable qui rendait ce sourire vulgaire, bête. Elle avait repoussé son capuchon, style banlieue, vers l’arrière et sa faux reposait négligemment contre le bar situé sur l’un des murs de la pièce. Le divin avait écarté le grand manteau noir de la dame et lui caressait le fémur droit en un aller retour lascif, s’attardant longuement sur la rotule, qu’il semblait trouver à son goût.
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