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Critique de GeorgesSmiley


Sans doute ma première vraie lecture, quelque part au-dessus du continent africain entre Bobo-Dioulasso (Burkina) et Mopti (Mali), lors d'un voyage de retour en France. J'ai six ans et, pour m'occuper dans l'avion (un DC3 avec quelques heures de vol, comme on dit) ou m'empêcher de me demander pourquoi la carlingue vibre tellement et ce qui se passerait si un des deux moteurs venait à s'arrêter, ma mère m'a offert mon premier Tintin, pendant que mon père court encore la savane dans quelque mission dont nous ignorons tout.
Et je découvre Tintin, bien sûr, mais aussi et surtout Milou car, si l'on prend bien la peine de relire l'album comme je viens de le faire, le héros de Tintin au Congo, c'est Milou. Echappant à la psittacose, au bistouri d'un médecin, au gourdin d'un malfrat, aux dents d'un requin, à celles d'un crocodile, à la noyade, kidnappé par un singe, avalé par un boa, il réussit à mettre en fuite un lion et à sauver de la noyade son maître et ami, Tintin.
Et puis, il est amusant de noter que le malfrat de l'histoire, celui qui poursuit Tintin et Milou dans leur périple africain est, pour peu qu'il soit coiffé d'un casque colonial, la préfiguration graphique à peu près conforme de ce que sera un des personnages les plus fameux de la saga, j'ai nommé le capitaine Haddock. Ouvrez l'album, allez de la page 42 à la page 47, et vous en conviendrez.
Oh oui, aujourd'hui, je trouve que Tintin a la gâchette facile, je n'aime pas le voir tirer sur mon animal fétiche, l'éléphant, je n'apprécie pas ses tirs répétitifs sur des gazelles ou le voir endosser la peau d'une girafe pour approcher ses congénères. Je trouve que ses Africains sont très stéréotypés, limités à des rôles de figurants gentils mais un peu demeurés, même si le personnage du chef de la tribu rivale me fait irrésistiblement penser à Mobutu ou à Idi Amin Dada. Mais je note que les vrais « méchants » de l'histoire ont la peau claire, commandités qu'ils sont par la pègre de Chicago, ce qui nous amènera très bientôt en Amérique. J'avoue que la relecture politique d'aujourd'hui me semble hors de propos concernant une oeuvre, conçue il y a soixante-dix ans, qui, que cela plaise ou non, aura marqué non seulement le vingtième siècle mais aussi l'histoire de la bande dessinée. Elle aura bercé mes années d'enfance, constituant, à chaque nouvelle parution, un objet de désir longtemps attendu et un délicieux moment d'évasion.
Je referme l'album, je dis adieu à la chaleur infernale et aux mouches envahissantes de l'escale de Mopti. Mais, avant de ranger Tintin au Congo dans la bibliothèque, je contemple encore une fois sa couverture, magnifique et intemporelle invitation au voyage, ciel bleu, terre de savane plus verte que dans la réalité, nos petits héros installés dans la voiture progressant paisiblement sous le regard d'un des plus gracieux symboles de l'Afrique, la girafe. Ce n'est pas le meilleur Tintin, mais ce fut mon premier, il est donc inoubliable. Pour quelques minutes, j'ai encore six ans, toutes mes envies de voyages lointains et toutes mes illusions.
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