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Thérèse Douchy (Traducteur)Cristina Campo (Préfacier, etc.)
EAN : 9782070728565
210 pages
Gallimard (05/01/1993)
4.75/5   4 notes
Résumé :

Douze récits nourris d'histoire, de littérature et de chroniques italiennes, principalement napolitaines. Sans jamais élever la voix, le narrateur raconte avec calme des histoires dramatiques, horribles ou mystérieuses. Au cri, il préfère le sarcasme, l'ironie ou l'humour.
Herling connaît l'Italie du petit peuple, des bas quartiers et de la campagne ; il connaît sa rudesse, son paganisme et ses superstitions, les vieilles pierres et les légendes. Le ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Comment est-il possible qu'en acceptant de nous engager avec l'auteur par des "sentiers étroits au bord du précipice", ce soit précisément cette exaspérante lenteur et cette sombre redondance des lignes qui chargent soudain la page d'une angoisse presque insoutenable, pareille à celles des rêves ? Ici les réponses, les échos, les symétries se font attendre: la conflagration n'aura lieu qu'aux dernières pages-et c'est alors seulement que nous verrons sous la matière dense, opulente romantique, l'étrange dessin musical qui s'y trouve caché. Non plus à la manière d'un Mendelssohn cette fois, mais à la façon d'un Franck- car ce ne sont plus les épisodes qui se donnent tragiquement la réplique, ce ne sont pas les mêmes lieux (l'île dans l'île comme la tour dans la tour: la Chartreuse dans l'île et le sourd-muet dans la Chartreuse), mais plutôt les inexprimables et parfois inaccessibles pensées de l'hommes: péché contre péché, maladie contre maladie, détresse contre détresse- mais cette fois dans un temps, dans un lieu absolument autre que le leur. Tous les cycles de toutes les saisons sont sans doute nécessaires pour que ce lieu se révèle dans son mystère aveugle et splendide. Et c'est à travers la beauté de l'île, à chaque page plus humide , plus glorieuse et plus funèbre, que les personnages vont recouvrer la leur; à commencer par le père Rocca, ce fils idéal de Bernanos qui depuis le début semblait démentir la fausse aura avec son mal de coeur, ses jambes enflées, ses cauchemars et "sa façon maladroite et honteuse de mettre sur le compte de la solitude ses infortunes et ses erreurs."
Sur l'ensemble du récit pèse désormais, chasuble obscure et précieuse, ce sentiment quasi espagnol de poussière et de gloire, de lèpre et de ciel, qui est aussi naturel à Herling que son phrasé digne d'une millénaire liturgie des morts.

Cristina Campo

« Nous sommes pareils à des enfants perdus dans la forêt. Quand tu es devant moi et que tu me regardes, que sais-tu de mes douleurs et que sais-je des tiennes? Et si je tombais devant toi, si je pleurais et te parlais, en saurais-tu davantage sur moi que sur l'enfer, quand on te dit qu'il brûle et donne des frissons? » Lettre de Kafka à Oscar Pollak
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Aucune citation de La tour car des œuvres aussi parfaites ont tendance à exclure l'échantillon isolé, le prélèvement au microscope.
Commentaire de Cristina Campo:
"Au delà des confessions publiques, au-delà même des églises secrètes, il se forme dans chaque lecteur, à mesure que le temps élague et fortifie sa mémoire, une série d'anthologies aussi brèves qu'imprévisibles. Aucune étoile polaire ne lui sert de guide dans le choix de ces pages qui souvent ne sont pas, ni par l'esprit ni par le style, de celles qu'au premier abord il reconnaît pour siennes. Une autre force, irrésistible, les attire et les lie, les constelle de Pléiades bizarres, dans cette région de l'âme où les échos inattendus-le heurt de l'atoll contre la quille- ont le devoir de nous révéler sur notre propre compte bien plus que ce que nous consentons à savoir.

Avec de telles œuvres, il nous semble souvent avoir affaire à des associations d'ordre émotionnel: car ce sont d'ordinaire ces livres-là qui tombent entre nos mains à l'heure du danger, pendant une maladie salutaire ou face à des paysages éloquents. Mais lors d'une seconde lecture- qui peut avoir lieu quelques lustres plus tard- nous sommes toujours surpris de voir combien ce charme violent était légitime. C'est en l'évasive perfection de ces œuvres que réside le pouvoir de capter une émotion et de la tenir en suspens.

La tour de Gustaw Herling appartient pour moi à l'une de ces mystérieuses anthologies.

Dans La tour, un officier polonais, en mission en Italie à la fin de la dernière guerre, relate une halte faite au pied des Alpes, non loin d'Aoste. On lui a offert un gîte provisoire dans une vieille maison assez haute pour ressembler à une tour. Là, parmi des gravures de Piranèse dont les paysages de ruines sont couverts d'humides arabesques au point de se confondre avec le mur, il découvre une estampe plus petite où figure une seconde tour, perdue sous les nuages et comme «imprégnée d'abandon et muette de larmes». À côté, posé sur une table entre deux chandeliers d'argent, se trouve un opuscule défraîchi et incrusté de cire : Le lépreux de la cité d'Aoste, précisément, qui fut selon toute apparence le livre de chevet du précédent locataire.
Ainsi commence l'ample et austère sonate: récit dans le récit, souvenir au cœur du souvenir, manuscrit dans le manuscrit. Car l'absent à laissé lui aussi dans cette maison un carnet de notes, pour la plupart relatives à la lèpre: les proscriptions, les bannissements, les cérémonies religieuses et civiles par lesquelles les hommes affligés de ce mal étaient condamnés jadis au perpétuel exil-mais dans le même temps, on les honoraient comme parfaits souffrants, nés pour la seule couronne des cieux.
L'officier polonais décide de se rendre à Aoste pour visiter les vestiges de la tour du lépreux-celle là même représentée sur l'estampe. Il la trouve peu changée-au fond de la vallée obscure, dans le jardin où le houblon et les "roses sans épines" ont laissé place aux orties-depuis le temps où De Maistre (lui aussi étranger de passage dans le Piémont) y découvrit cette créature hideuse et d'une urbanité peu commune, Pier Francesco Guasco.
C'est ici que, sans omettre aucun détail significatif ni cacher le filigrane d'horreur qu'il saisit au contraire avec une surprenante délicatesse, Herling insère dans son propre récit l'histoire illustre- pour aussitôt la renverser dans celle atroce et presque risible du mystérieux locataire: car si le lépreux sublime semble avoir nourri pendant des années sa méditation, il n'en fut quant à lui que la misérable contrepartie...

A ces contrastes et à l'incessante fusion de tous les éléments dramatiques du récit (sans négliger ses assises mythiques: le voyage, la demeure inconnue, les traces et les signes d'étranges destins)- de sorte que le sentiment d'atemporalité est d'autant plus vif que l'écriture nous enracine dans les trois temps à la fois-il convient d'ajouter toute une série de variations mineures, écho ténu mais constant de poèmes, de versets bibliques, de phrases dites, entendues ou rêvées: "D'autres voix, d'autres tours."
Jusqu'à l'emblème pénitentiel du moine de pierre contemplé par le narrateur enfant dans sa ville natale: ce pèlerin à genoux "avance chaque année de la longueur d'un grain de pavot, et quand il aura rejoint le sommet de la Sainte Croix, ce sera la fin du monde."
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