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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Après la lecture d'un article élogieux sur le monde des livres du 14 avril, «Au début de l'amour est une réussite : virtuosité des demi-teintes et phrases qui éblouissent comme un éclat de soleil renvoyé par une fenêtre claquée par le vent. », j'ai eu moi aussi envie de recevoir cet éclat de soleil renvoyé par une fenêtre qui claque au vent.
En fait de soleil, je n'ai reçu que la claque de la fenêtre.
Stella, l'héroïne du roman, ne demande rien à personne, ou plutôt depuis qu'elle ne vit plus près de son amie Clara, elle n'a plus personne à qui parler.
L'histoire de Stella est banale. Comme dirait Madame Michu, elle a tout pour être heureuse. Un mari, Jason, qu'elle a rencontré dans l'avion en revenant du mariage de son amie Clara, une fille adorable, Ava, une maison dans le nouveau lotissement de la ville.
Ses seules relations sociales sont, les malades et les personnes âgées qu'elle rencontre lors de ses tournées, elle est infirmière à la Maison Communale, sa collègue superviseur Paloma, les éducatrices du jardin d'enfant où sa fille passe ses journées.
Jason construit des maisons, il est souvent absent pour de longs séjours sur ses chantiers.
Judith Hermann décrit une communauté sans âme, une communauté dont Stella n'est pas membre :
"Les éducatrices ont demandé à Stella si elle confortait suffisamment Ava, Stella a eu du mal à comprendre la question."
Elle ne sait quoi répondre lorsque ses patients essaient de nouer contact avec elle :
"Alors, dit Esther. Vous étiez où. C'était comment. On voit bien que vous avez un problème. Racontez-moi."
"Vous allez bien, dit Dermot."
Elle s'interroge sur la nature de sa relation avec Paloma.
Elle est seule au milieu de cette communauté pour laquelle elle travaille :
"Stella a la nostalgie de Clara, une nostalgie violente et sans mélange."
Cette solitude, un homme seul la perçoit - peut-être - . C'est un voisin, il épie Stella, enregistre ses habitudes, les absences de Jason, et se livre à un jeu malsain, venant sonner à sa porte pour la forcer à lui parler, puis dépose dans sa boite à lettres, selon un rite connu de lui seul, des objets étranges que Stella range, sans les regarder, dans une boite en carton qu'elle cache sous l'établi de la cuisine.
Aucun de ceux à qui elle s'est ouverte de cette situation, parfois à mots couverts, ne lui apporte de réponses qui la satisfont. Pas même Jason. Ni Clara avec laquelle elle communique régulièrement.
Elle vit avec son secret. Se débat avec lui.
Elle ment à Paloma lorsque Mister Pfister, c'est le nom de son harceleur, vient à la maison communale demander son numéro de téléphone.

Roman de l'indifférence, de la peur, de l'absence de connivence, roman sans concession, "Au début de l'amour" joue avec les incertitudes qui pèsent sur le sens que nous donnons à la vie. Stella n'a jamais réussi à quitter cette période enchantée de l'adolescence prolongée, pendant laquelle on peut repousser toutes les échéances sans se soucier de ce que les autres pensent de nous. Elle écrit à Clara :
« Comment vis-tu, et quel écart entre cette vie et celle que nous imaginions il y a dix ans, et puis d'ailleurs quelle importance »
La fin des rêves de jeunesse se transforme en véritable cauchemar pour Stella.
Ce livre m'a donné envie de lire d'autres ouvrages de Judith Hermann, notamment ses nouvelles.




Lien : http://desecrits.blog.lemond..
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« C'est ainsi… » C'est par ces trois syllabes que commence le dernier livre de Judith Hermann : Au début de l'amour. « C'est ainsi ». Immédiatement, une certaine lassitude, une forme de renoncement et puis peut-être l'idée que ça aurait pu être autrement semblent vouloir faire surface.
Stella rencontre Jason alors qu'elle revient du mariage de sa meilleure amie, Clara. Elle ne se sent pas très bien ; les belles années appartiennent dorénavant au passé. Elle a peur et tremble dans ce petit avion à hélices et demande à son voisin si elle peut se placer à ses côtés et lui serrer la main. Et ça commence comme ça… Il était là, à ce moment-là, mais il aurait pu tout aussi bien être ailleurs et elle aussi. Elle aurait pu avoir un autre voisin et c'eût été une autre rencontre. Mais c'était lui. Et ce moment, qu'on le veuille ou non, a déterminé tous les autres. « Je ressens comme une injustice le fait qu'on ne puisse voir et comprendre qu'a posteriori l'enchaînement des choses. » se plaindra-t-elle.
Naîtra Ava, une petite fille. Et la vie s'écoulera, monotone et tranquille entre la maison dans le lotissement et son travail d'infirmière. Lui est absent, il construit des maisons.
Elle vit souvent seule, dans la nostalgie des années passées, imaginant ce qui aurait pu se produire si, s'interrogeant sur la contingence des faits, les hasards de la vie…
Elle échange peu avec Jason. C'est, comme on dit, un taiseux. D'ailleurs, se connaissent-ils vraiment ?
En revanche, elle appelle son amie Clara, souvent. Elle lui écrit aussi de longues lettres où elle lui raconte ses rêves, la nostalgie qu'elle ressent pour un mari qui existe encore et qu'elle pense parfois mort.
La jeune femme ne semble pas se sentir à sa place. Elle s'observe et regarde le monde avec une certaine distance comme si elle ne s'habitait ni ne l'habitait vraiment: « Elle voit une femme seule assise à une table sous une lampe, en train de lire. C'est moi, pense Stella. C'est moi. Stella. » Absente à elle-même. Les gens, les objets, la nature, le ciel demeurent comme extérieurs à elle. Stella se trouve dans l'impossibilité d'appartenir au monde, de faire corps avec lui et d'aller à la rencontre de ce qui l'entoure. Elle sent que quelque chose ne colle pas.
Et pourtant, la vie quotidienne fait son chemin, les mêmes gestes, à la même heure, à quelques détails près. Certainement la meilleure façon d'oublier : « Peut-être qu'il s'agit de disparaître. C'est possible » suggère-t-elle.
Jusqu'au jour où… un inconnu sonne à sa porte. Elle aimerait ouvrir mais se méfie. Elle l'interroge par l'interphone. Que veut-il ? Parler, répond-il, s'entretenir avec elle. Si elle a le temps. C'est tout. Mais on sent déjà qu'il y a quelque chose d'essentiel dans cette quête, de vital peut-être… Non, répond Stella, elle n'a pas le temps, vraiment pas. Dommage, répond l'homme puis, il repart. Il reviendra, chaque jour, plusieurs fois par jour… Inlassablement
La tension monte au fur et à mesure des pages mais pour autant, nous ne sommes pas dans un roman policier mais au coeur des êtres, dans cette zone intime où ils s'interrogent sur ce qu'ils font là où ils sont. Une zone secrète où il ne fait pas toujours bon traîner. C'est risqué. le voisin va tirer Stella de son petit confort, de sa maison, de ses objets, de ce quotidien en apparence paisible pour la placer face à elle même, dans l'analyse plus ou moins consciente de son mal-être, de ce rapport distancé au monde, de sa solitude et de ses désirs qu'elle ne souhaitait peut-être pas s'avouer. Il lui tend un miroir, cet homme dont elle dira : « Il paraît tout à fait normal, comme nous tous, mais on sent autre chose en dessous, un épuisement, une déchéance, une tristesse profonde. ». le voisin, un double d'elle-même, une âme en peine ou tout simplement un homme avec qui un autre début aurait été possible si elle avait dit oui, si elle avait ouvert la porte et si… ?
Un très beau texte poétique et sensuel où la tension des êtres est palpable à chaque page. « Comment j'ai pu atterrir ici ? » s'interroge Stella, persuadée qu'il est trop tard, qu' « il y a peu de chances que certaines choses se produisent encore. » tandis que son amie Clara lui écrit : « Autrefois, j'ai pu m'imaginer de temps en temps que j'étais quelqu'un d'autre. Aujourd'hui je suis réduite à moi-même. » A quoi finalement ? Des gestes mécaniques, des sourires forcés et des sentiments morts.
Stella dira au sujet de son voisin : « Il est bloqué, un jour dans sa vie quelque chose s'est coincé, il est resté pris dans une boucle temporelle ». Comme elle. Prisonnière du non qu'elle a prononcé, du renoncement dans lequel elle s'est cloîtrée, de ce que les autres - la collègue, la meilleure amie, le mari - lui ont dit de faire.
Une Emma Bovary qui n'a pas ouvert sa porte, qui n'a pas tenté de fuir, qui s'est contentée de regarder au loin, derrière sa baie vitrée…
Tragique, vraiment. Profondément tragique…


Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Pour lire ce lire il faut accepter le style.
Et voici le style selon Judith Hermannn : "des phrases simples, une histoire où il ne se passe rien. Une histoire sans chute, peut-être même sans émotion, une histoire qui parle de la suite égale des jours, qui dit que tout reste comme c'est."
Alors vous pouvez entrer dans l'univers Hermann, au présent, dans la tête des gens, sans fioritures et sans état d'âme, vous rencontrez Stella, Ava, Jason, leur premier pavillon qui est peut-être dans une boucle temporelle, un voisin indélicat ou harceleur qui se poste devant la maison comme dans un angle mort, la vie continue, les choses se passent, petit à petit, s'accumulent, s'étouffent, débordent.
Stella lit comme elle respire, lit pour respirer, voilà un personnage-peinture que l'on regarde dans un cadre.
C'est bien, très bien même.
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Belle histoire d'amour qui encercle la folie de deux étrangers qui ne peuvent s'éviter sans se laisser une profonde cicatrise mutuelle.
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