Homme ? Femme ? Un peu plus de deux siècles après son décès, l'énigme demeure. Car si l'autopsie a bien révélé des attributs masculins, personne, à part d'Eon, ne peut dire à sa place à quel genre iel s'identifiait.
Dans son roman «
Moi, chevalier d'Eon, espionne du roi »,
Catherine Hermary-Vieille a tranché : son d'Eon se décrit d'abord comme une femme trans, puis une personne non-binaire et finalement agenre au fur et à mesure que le récit, et sa vie, progressent.
Pourtant, en tant que personne enby moi-même, si je me suis beaucoup identifié au personnage, ça a davantage été sur sa relation avec sa bibliothèque que sur ses tourments intérieurs... Peut-être parce que lesdits tourments reviennent sur le tapis de façon incongrue à des moments qui s'y prêtent mal. Ou qu'ils sont trop souvent associés à l'asexualité du personnage (on rappelle qu'identité de genre et sexualité n'ont strictement rien à voir). Bref, de ce côté-là, ça n'est pas parfait, mais sans être catastrophique. Et il y a même des petites choses sympa, comme le fait de mentionner la différence entre expression de genre et genre tout court. Enfin, il ne paraît finalement pas incohérent de voir d'Eon en questionnement tout au long de sa vie, à une époque où il n'y avait pas de réseaux sociaux ni de personnalités connues pour monter l'exemple. D'un bout à l'autre du roman, d'Eon est seul•e, sans connaître d'étiquette à se coller dessus. Bref, côté transidentité, ça n'est pas mal du tout pour un bouquin écrit par une femme cis.
Et pour le reste ? le côté espionnage, très prenant, ne dure hélas pas très longtemps, au profit de jeux de pouvoir entre politiciens, de coups bas et autres mesquineries de cour. Autant le dire tout net, la seconde moitié du roman s'enlise un peu dedans... Certes, il fallait bien les mentionner, ceux-ci étant directement à l'origine de la disgrâce d'Eon... reste que si l'on comprend à peu près comment les choses en arrivent là, ça reste compliqué et assez longuet. En revanche, il est très intéressant de vivre la période de la révolution depuis Londres, où la principale préoccupation reste l'état mental du roi Georges. En outre, il est énormément question de féminisme, par petites doses, aussi bien à travers de grandes figures historiques que via les anonymes que côtoie d'Eon.
En tout cas, d'un bout à l'autre, la plume de l'autrice rend d'Eon très crédible, très vivant•e ; même quand le récit n'est pas très palpitant, la lecture reste fluide et ce, jusqu'à la toute dernière page du livre. Plus qu'une bonne fiction historique, un bon roman, qui se lit tout seul.