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EAN : 978B005M954GE
Fantagraphics books (01/12/2007)
5/5   1 notes
Résumé :
Two classic Love and Rockets graphic novels in one beautiful volume: "Poison River" traces the backstory of Luba, from child to teenage mob bride to her escape to Palomar; "Love and Rockets X" is a wide-ranging, Altman-esque story set in early-1990s L.A.

For the first half decade of Love and Rockets, Gilbert Hernandez focused on fleshing out his small Central American hamlet of Palomar. But eventually this became too restrictive for the kinds of stori... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Ce tome comprend 2 histoires complètes qu'il est possible de lire sans rien connaître au préalable des personnages.

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- Poison river – Ce récit est en noir & blanc, écrit, dessiné et encré par Gilbert Hernandez (surnommé Beto). Les chapitres de cette histoire ont bénéficié d'une prépublication dans le magazine "Love and Rockets" 29 (mars 1989) à 40 (janvier 1993).

Tout commence alors qu'un riche propriétaire prend conscience que Luba sa fille (encore nourrisson) n'est pas de lui. Il enjoint à sa femme de partir sur le champ avec sa fille et sa femme de chambre, pour rejoindre Eduardo le vrai père, un paysan pauvre. Maria finit par abandonner mari et enfant. Eduardo se met alors en marche (littéralement, à pied) pour aller retrouver sa mère Hilda et sa soeur Ofelia, à qui il finit par abandonner sa fille Luba.

Peu avant ses 17 ans, Luba est remarquée par Peter Rio (un nom de scène), joueur de congas et imprésario du groupe, qui décide de l'épouser alors qu'il doit avoir une cinquantaine d'années. Peter Rio travaille aussi dans les affaires pour un certain señor Salas. Ce dernier est un trafiquant, mais aussi un homme aux convictions politiques affirmées.

"Poison river" est un roman d'une grande richesse, dense et foisonnant sans être étouffant, et même fluide. Gilbert Hernandez a structuré son roman sur la base de la vie de Luba, et des personnages qu'elle rencontre. Il montre une femme dotée d'une très forte poitrine, de jambes un peu trop fines pour être jolies et harmonieuses (des mollets de poulet), qui aime les relations sexuelles, et qui est un objet du désir pour pratiquement tous les mâles qu'elle croise (à part les homosexuels). Il s'agit d'une grande adolescente qui devient adulte peu à peu dans un monde qu'elle découvre, qui lui offre le confort matériel, et même le luxe (avec un accès à la piquouse).

Luba apprécie les relations sexuelles, même si elle doit en subir deux non consenties, mais qu'elle supporte comme faisant partie de sa vie. Peter son mari se révèle être un fétichiste (du nombril de sa femme), et même d'une autre nature (révélée dans le dernier quart du récit). le lecteur découvre également peu à peu que le choix de vie de Peter Rio est motivé par la relation difficile qu'il entretient avec son père Fermin. Gilbert Hernandez fuit le langage psychanalytique, préférant montrer plutôt que d'expliquer. Si le lecteur a conscience de cette dimension de la narration, il peut pleinement apprécier les séquences qui établissent progressivement la description de ce lien père / fils pas très sain.

Toutes les relations sexuelles s'intègrent dans la vie affective et intérieure des personnages. Il n'y pas de scène gratuite juste pour le plaisir du voyeurisme. L'auteur reste dans le domaine de l'érotisme finalement assez soft, n'hésitant pas à dessiner la nudité frontale (homme & femme), sans gros plan de pénétration. Pour Hernandez, la vie sexuelle ne se limite pas au couple hétérosexuel, il y a également des couples homosexuels qui se font et se défont, les émotions des partenaires dictant leur conduite. La distribution comprend également des transsexuels qui sont montrés avant tout comme des êtres humains, intégrés à la société et y participant de manière normale et productive.

Les rapports sexuels occupent une place dans le récit, mais n'en constituent pas l'épine dorsale. Comme dans les tomes précédents, les personnages sont au coeur du récit, leurs actes, les émotions, leurs motivations, mais toujours de manière incidente. Hernandez met en pratique qu'il vaut mieux montrer qu'expliquer dans un médium visuel comme la bande dessinée.

Au fil de ces 180 pages, le lecteur devient familier d'un nombre conséquent de personnages, tous aisément identifiables visuellement. Luba occupe donc une place de choix, ainsi que ses 2 amis Lucy et Pepa (elles aussi portées sur l'héroïne). Au fil des pages, le lecteur aura le plaisir de faire plus ample connaissance avec Ofelia (et son dos douloureux), Antonio et Sabastian (2 hippies revendeurs de drogue), Hilda la grand-mère aveugle, Fermin Rio un vieux monsieur au caractère inflexible, Ortiz un officier de police corrompu mais réaliste, Gorgo un tueur à gages inflexible, Blas le joueur de saxophone, etc. Chaque personnage dispose de son histoire personnelle, de ses préférences et de son caractère que le lecteur perçoit de manière naturelle au travers de ses actions (par opposition à des expositions artificielles au travers de soliloques peu plausibles, ou de bulles de pensée factice, ou même d'un texte d'exposition pataud).

Comme dans le récit précédent "Human diastrophism", Gilbert Hernandez a choisi de se servir d'une toile de fond à base de polar, comme s'il n'avait pas assez confiance en la force de ses personnages pour porter le récit. Peter Rio trempe donc dans des affaires louches, prenant bien soin de ménager ses différents commanditaires, et de conserver sa place dans les transactions. Hernandez n'expose pas le détail de ses trafics ; il montre ses contacts téléphoniques et ses rendez-vous avec les gros bonnets, ainsi que l'aisance financière que cela lui procure (sans oublier ses relations avec son père, son sens des affaires avec le groupe de musique folklorique, ou en temps que gérant d'un club de transsexuels). le lecteur a également l'occasion à plusieurs reprises de voir les affrontements se régler avec des armes à feu, et de voir des assassins professionnels à l'oeuvre (dont un étrangleur très efficace).

Le fait qu'Hernandez tienne à distance les affaires louches permet de conserver au récit un forme de plausibilité, un peu mise à mal par les assassinats et règlements de compte (dont 1 proche de la caricature). D'un autre côté, Hernandez possède des notions réalistes de ce qu'il décrit, en particulier en matière de shoot. Lucy et Pepa apprennent à Luba à se piquer entre les doigts de pieds pour ne pas laisser de trace visible de sa consommation.

Toujours en prenant encore un peu de recul, le lecteur prend également conscience qu'Hernandez intègre une forme de courant social en toile de fond plus discrète. Ces trafiquants se préoccupent de lutter contre l'influence des communistes (le récit doit se dérouler dans fin des années 1950, début des années 1960, en pleine guerre froide) en Amérique Centrale, qui risquent de freiner leurs affaires. le lecteur perçoit alors d'autres enjeux de nature politique, ayant une incidence directe sur la vie quotidienne des individus. Hernandez montre clairement que cet affrontement idéologique entre États-Unis et URSS se traduit par des échauffourées militaires sur des pays avoisinants, et l'arrivée de profiteurs de toutes sortes. Il met en scène une communauté de hippies venus s'installer pour vivre en amour libre et effectuer un retour vers la nature, grâce à des rentrées d'argent de provenance illégale.

En conteur habile, Gilbert Hernandez tisse une tapisserie où chaque personnage s'intègre parfaitement et participe à la cohérence du tout. L'un des personnages les plus emblématiques en la matière est Blas, le joueur de saxophone du groupe de Peter Rio. Il fait partie de ces individus sans gloire et sans panache, sans attache, magouillant à droite à gauche, évoluant dans des milieux louches, tout en essayant de ne pas trop se compromettre, et de ne pas se faire bouffer par les gros requins. Il est un bon joueur de saxophone qui ne rencontre pas le succès, un intermédiaire assez futé pour s'en tirer, mais pas assez pour vraiment en profiter, un imposteur capable de berner le monde, mais pas sur des sujets importants. Il fait le lien entre la vie de musicien de Peter Rio, les autres membres du groupe, l'existence de groupuscules gauchistes armés, le trafic de drogues, les amants homosexuels, touchant à tout sans être omniprésent, toujours sympathique malgré ses magouilles.

Pour ce récit, Gilbert Hernandez a choisi une approche un peu plus réaliste et peu plus détaillée dans ses dessins, avec une maîtrise grandissante du trait juste et élégant. En apparence, ses cases sont simples et faciles ; en réalité elles prouvent un art de la composition, avec uniquement des éléments graphiques utiles et nécessaires.

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- Love and Rockets X - Il s'agit d'une histoire complète de 61 pages de BD, dans laquelle apparaissent quelques personnages de la série "Palomar / Luba". Elle est initialement parue en 1993, écrite, dessinée et encrée par Gilbert Hernandez. Elle est en noir & blanc.

En 1989, Steve Stranski (un jeune adulte blanc) colle des affiches pour le prochain concert du groupe "Love and Rockets", dans un quartier noir de Los Angeles. Il réussit à se sortir d'une algarade avec un groupe de noirs, grâce à l'intervention de Junior Brooks, un pote de lycée (black lui aussi). du coup il va placarder ses affiches dans un quartier huppé où il croise Amber et Kristen, qui lui demandent de l'emmener aux répétitions dans un garage (chez Rex, un autre pote habitant une belle villa, dont la mère est absente pour le moment). Steve en profite pour aller téléphoner en douce dans la villa, où il fait peur par inadvertance à Riri, la femme de ménage.

Les tensions raciales augmentent dans le quartier quand une sexagénaire latino se fait agresser dans la rue. Par des blancs ou des noirs ? La police attend qu'elle sorte du coma. Pendant ce temps-là, Rex essaye de convaincre sa mère de laisser on groupe jouer à sa prochaine fête entre gens du cinéma. Kristen se fait vomir dans les toilettes pour ne pas grossir. Son père est un réalisateur politiquement engagé qui désespère de trouver du travail. Maricella vit d'expédients, en vendant des fleurs coupées à un coin de rue.

Après "Poison river", Gilbert Hernandez délaisse Palomar pour Los Angeles et une atmosphère urbaine et contemporaine, sur fond de tensions ethniques. Il campe avec justesse et doigté quelques jeunes adultes, certains essentiellement préoccupés par leur groupe de rock, d'autres bénéficiant de l'aisance financière des parents, d'autres encore étudiant ou travaillant. Chaque personnage dispose de son histoire personnelle, de ses aspirations, influencées par sa position sociale, les valeurs de ses parents, et son environnement proche. le lecteur partage leurs doutes sur leur place dans la société, sur leurs valeurs, sur leurs inclinations sentimentales, pas encore sclérosés par le cynisme.

En plaçant son action dans un lieu réel et à une époque identifiée, Hernandez se fait le chroniqueur de cette époque, avec une perspicacité étonnante. 25 ans plus tard, le lecteur éprouve l'impression de pouvoir s'imaginer au sein de ce microcosme, une forme d'étude sociologique sous forme de bande dessinée. Cette impression est renforcée par l'habilité avec laquelle Hernandez met en scène plusieurs générations (essentiellement 2, parents et enfants) de manière naturelle.

Comme à son habitude, Gilbert Hernandez ne montre aucune forme de mépris ou de supériorité morale vis-à-vis de ses personnages (sauf pour l'agresseur de la dame âgée). Chaque protagoniste existe grâce à ses idiosyncrasies. Les relations entre les individus sont riches et complexes, à l'image de ce qu'elles peuvent être dans la vie quotidienne, y compris avec des moments d'humour. Chaque personnage capte l'attention et l'affection du lecteur, éprouvant de l'empathie pour leurs difficultés émotionnelles.

Pour la mise en images, Gilbert Hernandez s'en tient à un découpage strict de chaque page en 9 cases (3 rangées de 3) de taille identique. Il dispose toujours de ce don incroyable pour donner une apparence spécifique à chaque personnage, immédiatement identifiable. Il est encore dans un mode descriptif soutenu (l'épure s'affinera dans ses travaux ultérieurs). Ainsi le lecteur peut observer les détails de chaque tenue vestimentaire, de chaque environnement. Il subsiste une forme de simplification dans les éléments urbains, en particulier la représentation des voiries.

Tout au long du récit, le lecteur peut apprécier l'art de la mise en scène de l'auteur. Il sait comment rendre chaque dialogue visuellement intéressant, en évitant d'enfiler les cases ne comprenant que des têtes en train de parler, par le biais d'un langage corporel mesuré, de gestes naturels, et d'expressions parlantes.

En comparant cette histoire aux précédentes de la série Palomar / Luba, le lecteur a le plaisir de voir un lien apparaître. Non seulement il retrouve certains personnages, mais il y a une séquence qui se déroule à Palomar, et Fritz (la demi-soeur de Luba) fait son apparition pour la première fois. Hernandez a diminué la dose de sexe dans ce récit, ainsi que la nudité. Enfin dans la séquence se déroulant à Palomar, le lecteur prend conscience que Gilbert Hernandez dresse une comparaison des caractéristiques des relations sociales dans cet environnement de taille modeste, avec celles à Los Angeles.

Toujours dans le cadre de cette comparaison, le lecteur constate que l'auteur ne recourt pas à des phénomènes de nature magique préférant un réalisme plus plausible. Il observe également qu'Hernandez ne cherche pas à édulcorer la réalité, en incluant, entre autres, un individu amputé d'une jambe, dépendant des autres pour se déplacer. Il n'y a pas d'embellissement de la vie, ou d'occultation de ses aspects injustes.

En termes de narration, Gilbert Hernandez construit un final, tout en ellipses temporelles et en sous-entendus. Il fait preuve d'une grande intelligence narrative pour évoquer le devenir des personnages principaux en juxtaposant des cases qui constituent autant de saut dans le temps.

Lorsque cette histoire est parue, le lectorat américain y a vu une chronique juste et révélatrice d'un climat social à Los Angeles. 25 ans plus tard le lecteur européen peut y voir un témoignage de cette réalité, ainsi qu'une étude psychologique bienveillante et pénétrante sur la manière dont la culture et la société pétrissent la vie des individus.
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