AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Bruno_Cm


Je travaille comme psychologue dans le secteur carcéral, enfin du côté de ceux qui ne sont pas payés par la justice. Et qui n'ont pas le côté évaluateur-sanctionnateur. Bref : le beau rôle.
Je connais bien ce sujet, j'ai eu l'occasion de rentrer bien des fois dans les annexes psychiatriques en Belgique et de côtoyer tant des détenus que toutes les professions qui gravitent tout autour et dont il est question ici dans ce livre.
Livre choc qui dépeint avec réalisme et sans pudeur tout un univers complètement malade, sale, puant, insalubre et qui prétendrait soigner, ou sécuriser tant les personnes elles-mêmes que la société.
De fait, c'est l'échec sur tous les tableaux. Ce système ne fonctionne pas, est atrocement compliqué, tout est compliqué, et tout est anormal, c'est la norme. Donc effectivement, où on s'y habitue et oublie tout espoir d'amélioration ou on en souffre, on en crève et on arrête en fin de compte assez vite, pour ne pas sombrer soi-même.
La justice et la santé sont-elles compatibles ? La réponse jusqu'ici est non.
La santé et la sécurité sont-elles compatibles ? La réponse est oui, mais pas ici !
La responsabilité de ses actes, c'est quoi, quel degré suffit pour être condamné "normalement" alors qu'on n'est pas normal, quelle identité et dignité pour la personne qui n'est pas condamnée "normalement" mais doit purger une peine où les soins adéquats ne seront jamais donnés.
Comment on normalise ou soigne quelqu'un en l'enfermant en permanence, réponse foireuse : en allongeant les peines.
L'obligation des soins, non, mais une piqûre si la personne se rebelle...
Si la personne se rebelle trop vite, c'est mort ?
Non, en fait, il n'y a rien de sérieux dans tout ça, rien que du malade, du fou...

Tous les témoignages sont édifiants, et crèvent de sincérité et d'authenticité.
Je pense que toutes ces personnes, tous ces intervenants, font ce qu'elles/ils peuvent, sont courageuses, ou sombrent dans une déshumanité dont elles peuvent avoir peur.

Je tiens quand même à dire qu'on parle de Fresnes, qui est comme encore l'une ou l'autre, une prison horriblement vétuste et mal conçue (ou conçue avec des idées d'une époque qui n'est plus du tout la nôtre). La majeure partie des prisons sont plus récentes et au moins elles ne sont plus si insalubres et compliquées, il y a déjà tout cet aspect qui n'est pas des moindres, qu'on doit moins subir ailleurs, dans ces autres prisons. Mais tout de même, ce manque criant de soins et de personnel qualifié et volontaire est criant, et ça n'est pas prêt de changer.

Mais c'est tout le système carcéro-judiciaire et dans le prolongement tout le psychiatrique qu'il convient de penser - allez, disons de repenser - en profondeur pour enfin prendre un peu de hauteur, traiter l'être humain pour ce qu'il est, ou plutôt pour ce qu'on veut qu'il soit.
Une merde incurable dont on ne sait plus que faire et dont trop de gens doivent jouer les mouches à merde OU un être au potentiel rarement complètement détruit et qui peut toujours progresser.

Bon, cette critique est décousue, mais je vais répéter l'essentiel : ce livre est un livre important, un peu comme les cris de Primo Levi ou de la maison des morts de Dostoïevski ou d'un Soljenitsyne...
Et grand courage aux gens concernés.
Commenter  J’apprécie          51



Ont apprécié cette critique (3)voir plus




{* *}