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EAN : 9782362291999
192 pages
Editions Bruno Doucey (17/01/2019)
4.25/5   10 notes
Résumé :
Je jette mes vieux bâtons de randonnée
Dans l'herbe mouillée,
C'est à crever, J'en ai les larmes aux yeux.
De nouveau, il faut que je parte
[...]

Je crache en silence dans un buisson,
vous tous qu'il me faut servir, c'en est trop,
Ministres, excellences, généraux,
Que le diable vous emporte !
(Quatrième de couverture de l'édition Bruno Doucey 2018)
Que lire après C'en est trop - Poèmes (1892-1962)Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Siddhartha, Demian, le Loup des steppes, le Jeu des perles de verre, Narcisse et Goldmund... Autant de titres, et bien d'autres sans aucun doute, que le lecteur assidu des grands classiques du XXème siècle connait au moins de nom, saura rattacher à un nom, prestigieux, celui de l'allemand Hermann Hesse. D'autres se souviendront peut-être avoir dévoré quelques unes de ses passionnantes nouvelles, l'un ou l'autre de ses essais vivifiants. Mais combien de ces mêmes lecteurs pourtant patients savent que ces oeuvres en proses cachent une oeuvre poétique dense, importante. Essentielle ?

Pourtant, oui, la poésie a traversé la vie et l'oeuvre colossale du prix Nobel allemand, au point que c'est sans aucun doute par une composition poétique qu'il a dit adieu à la vie - bien qu'il ne l'ait évidemment su lui-même - par l'entremise d'un texte aussi épuré que puissant, où il est question de branche tordue, de longue agonie, du passage sans fin, des saisons, de cette vie qui s'accroche, par-delà toute raison. Un court texte d'une intense modernité :

Grincements d'une branche tordue
Branche tordue fendue
Qui pend déjà d'année en année,
Sèche, elle grince dans le vent sa chanson,
Sans feuilles, sans écorce,
Blême et nue, fatiguée de vivre trop longtemps,
D'une trop longue agonie.
Sa chanson sonne dure, et endure,
Sonne obstinément, sonne un secret effroi,
Encore un été,
Encore un hiver entier.

Mais cet univers poétique qui s'est construit une vie durant n'a pas, on s'en doute, que ces thèmes de fin d'une vie pour seuls objets. Dès les années de formation, le jeune Hesse souhaite devenir «poète ou rien» ! Bien entendu, cette période d'intense créativité entremêlée à une existence faite d'instabilité - familiale, financière, quotidienne - et de difficulté à vivre, revêt bien des thèmes propres à la fin de l'adolescence et au jeune âge adulte mais l'on sent déjà une grande maturité (le poème Mon frère, le buveur en est un exemple frappant) se cherchant malgré tout derrière les grands prédécesseurs, Heinrich Heine en tête, mais aussi Novalis, von Brenano ou encore Joseph von Eichendorff et la grande sensibilité parfois sensuelle de Hesse cache parfois mal les influences post-romantiques de ses inspirations.

S'ensuit la période de la grande guerre durant laquelle, Hermann Hesse sera la cible de la presse, de nombre de politiques ainsi que d'intellectuels allemands en raison de son attitude en appelant à la modération et au pacifisme. Ainsi, après s'être d'abord porté volontaire en 1914 par solidarité avec les jeunes écrivains qui tombaient au front (il avait alors déjà 47 ans), il se vit refuser son enrôlement pour inaptitude. Bien que participant, à sa manière (via son affectation à l'ambassade de Bern), à l'effort de guerre allemand, Hermann Hesse prit très vite des positions pacifistes qui lui furent très vivement reprochées. Très touché par ces attaques, cette période de fin de première guerre mondiale et de début d'entre-deux furent particulièrement lourdes dans l'existence du poète qui eut à endurer la mort de son père, la grave maladie de son fil et à soutenir la schizophrénie de sa première épouse... Lui même connut, au cours de ces années personnellement dures mais parallèlement géniales (c'est, bien évidemment, l'époque de le Loup des steppes, son roman le plus connu et le plus lu, encore à ce jour), une longue période de profonde dépression que l'on retrouve de manière saisissante dans ses poèmes d'alors (Schizophrène, Un soir avec le docteur Ling, Pleurnicherie, etc)

La pluie tombe,
Le vent débite dans les branches avec lassitude sa chanson ;
Ça pue dans le monde,
Ça pue le vin renversé et les fêtes enfumées,
Ça pue la mort et la naissance, et cette cochonnerie d'existence,
La soupe et les excréments.
Au coin la mort attend,
Elle guette si je suis mûr pour la putréfaction.
Ça ne m'intéresse pas,
Je la regarde dans les yeux avec lassitude.
J'ai les oreilles qui déjà de ma tête se détachent,
Et je perds mes cheveux,
Je suis un pauvre bougre.
Il n'y a donc personne pour me ramener chez moi ?

Puis vint l'arrivée de Hitler et de ses Nazis au pouvoir. Ils s'empressèrent d'interdire l'oeuvre du futur prix Nobel, décidément trop pacifiste à leur goût. Ils ne peuvent que l'exécrer d'autant plus, lui qui aide comme il le peut ses amis juifs à s'exiler vers l'Angleterre. Hermann Hesse refusera tout contact avec la barbarie nazie, au point même de couper les ponts avec des connaissances ayant quelque admiration pour leur chef ! D'ailleurs, son plus grand roman - un véritable monument de la pensée - est une charge définitive contre ce pouvoir honni et les crimes qu'il commettait. Certains des poèmes de cette époque se ressentent de cette inspiration. L'un d'eux est même intitulé le jeu des perles de verre.

S'il n'écrivit plus un seul roman après la fin de la seconde guerre mondiale, se consacrant en grande partie à son immense correspondance, résultante obligée de son statut de maître et de grand intellectuel, il ne cessa cependant jamais de composer des poèmes, d'une épure de plus en plus évidente, d'une fausse immédiateté, dans lesquels il semble à la recherche d'une relation symbiotique avec la nature, avec la Terre, avec l'infinité de la vie. Un des poèmes touchant peut-être à une certaine grâce est celui intitulé un air de flûte :

Un air de flûte
Une maison la nuit à travers les arbres et les buissons
Laissait passer la faible lueur d'une fenêtre.
Et là-bas dans la pièce invisible
Un flûtiste jouait de son instrument.
C'était un chant connu depuis longtemps,
Qui coulait aimablement dans la nuit,
Comme si tout pays était terre natale,
Comme si chaque chemin était accompli.
Le sens secret de la terre se révélait
Dans sa respiration,
Le coeur se donnait de bonne grâce,
Et le temps tout entier était le présent.

A parcourir les quelques cinquante textes (tous en présentation bilingue, ce qui est une gageure pour tout éditeur et traducteur/interprète du langage poétique, tant l'exercice requiert d'intelligence, de finesse et de sensibilité, et qu'ils s'exposent à une critique immédiate en raison de la proximité de l'original et de sa translation), on regrette vraiment la pauvreté et la frilosité de l'édition française en la matière. Un seul autre recueil propose un choix de textes poétique d'Hermann Hesse (chez José Corti en 1994). Remercions donc chaleureusement les très précieuses et vivifiantes éditions Bruno Doucey de nous permettre de pénétrer subrepticement, mais avec ravissement, dans les profondeurs de l'univers magistral de cet immense créateur.
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Tout d'abord, un grand merci aux Éditions Bruno Doucey et à Babelio pour cette opportunité de lire la poésie d'Hermann Hesse en bilingue.
Hermann Hesse, découvert à l'âge adulte par, et comme tant d'autres, "Le loup des steppes", puis "Siddhârta" et tous ses autres écrits pour terminer en apothéose avec "Le jeu des perles de verre"...

Qu'y-a-t'il de mieux que la poésie pour entrer dans l'univers "torturé" de cet écrivain majeur du xx ème siècle ?

La réponse est contenue dans la question, bien sûr…

"C'en est trop", une cinquantaine de textes écrits entre 1892 et 1962 ; suivis d'une postface édifiante sur la personnalité de l'auteur.

Ce sera toujours pour moi un régal de me plonger dans ce style si particulier d'Hermann Hesse, aussi efficace dans sa poésie que dans sa prose, à décrire l'âme tourmentée de la nature et les tourments liés à la nature de l'Homme.

Un bien beau recueil !
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Cet enfant blond Aujourd'hui dans mon recevez, j'ai vu un enfant avec ses boucles delicates et légères. der larder. Connais tu le pays où pas une fleur ne fleurît. Les souris dansent avec joie à tes pieds. Quand, dans le jardin d'Amour, on repose de nouveau
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La caractéristique majeure que je voudrais souligner au sujet de ce livre est sa mise en parallèles d'éléments biographiques (grâce à la postface )et la subjectivité de Hermann Hesse qui est tout entière sensible dans ces poêmes .Je suis particulièrement préocupé à l'idée de faire une critique de travaux d'un monstre sacré qui, à mes yeux occupe une place à part dans la littérature, je le confesse .J'ai d'ailleurs visité nombre de lieux en “Forêt Noire “qui ont marqués sa vie...presque sans l'avoir prévu et parfois je me demande si c'est un hasard. Même en d'autres lieux, temps, son ombre ,ses idéaux semblent avoir jalonnés et colorés ma vie et même mes rencontres, qui plus est. Je remercie donc les éditions Bruno Doucey /Harmonia Mundi et Babelio de me “tendre une perche” et de me permettre de découvrir de cet auteur, des éléments de l'oeuvre poétique jusque là encore ignorée de moi. Je tiens à témoigner que là encore la magie du sentiment de “ re-connaitre” opère à merveille en ce qui à la fois dérange et révèle de façon éblouissante ,touchant une corde sensible, une insondable présence .
le recueil de poesie “c'en est trop” tire son titre d'un poême: “ à la fin d'une permission en temps de guerre “.On apprendra que Hermann Hesse est devenu en 1907 un auteur à succès avec son premier roman “Peter Camenzind”. Ce poême date de 1917, écrivain de quarante ans ,il a déjà un long passé d'amour et de recherche poétique. On comprend aisément que les épreuves de ces temps tourmentés pour quelqu'un dont le caractère créatif et artiste, esseulé par un profond romantisme sont d'un effet dévastateur. Il se verra quitter son allemagne natale dont un poême “visite auprès de cent prisonniers allemands malades à Davos” nous permet de lire à quel point il est engagé à saluer la bienveillante vitale neutralité de la Suisse qui ,pour le reste de sa vie , sera sa terre d'exil.
On apprend dans ce livre de précieuses indications sur le terreau qui fût celui par lequel advinrent ses textes .Loin d'une époque comme la notre déjà sévissait de tels chocs psychologiques que le voilà suivant une psychanalyse (discipline naissante) avec le professeur Joseph Bernhard Lang dont on nous indique dans les notes qu'il est le Dr. Ling mentionné in “Un soir avec le docteur Ling”.Sans qui il est probable qu'il n'eût pas surmonté une grave dépression que la 1ère guerre avait déclenchée en lui.
Les poèmes de ce recueils sont extrêment cisellés(ce serait une gageure d'en prendre un et d'en faire une analyse détaillée ici) ,courts, le travail d'édition fait que chacun ont leur version originale définitive , allemande, en vis-à-vis. Ils recouvrent 6 époques de la vie de leur auteur en commençant en 1892 pour finir en 1962, dernière époque qui comme ce poême : “ Psychologie “ (en allemand ,même étymologie : “Psychologie”lol )prouve bien l'importance que je voudrait souligner , au sujet de ce qui s'est passé sur le plan personnel pour cet écrivain dans cette relation avec le Pr.-medecin mentionné plus haut ( A l'invite de qui selon la même démarche qu'un C.G.JUNG il entreprendra de pratiquer la peinture pour se soigner ).Il aura été un patient ,qui même devenu l' homme illustre aura l'humilité et le courage de reconnaitre ses aspects obscurs qui m'ont interpelés en filigranes dans ses fameux romans : “Narcisse et Goldmund “, “le loup des steppes”.Livres oû l'on sent les glissements entre les côtés pile et face d'un grand et d'un petit soi.Les gouffres d'intériorité et les abysses de vécus et de difficultés sur un plan existentiel. Ne voit-on pas le personnage de Narcisse comme un alter de de Goldmund lire en l'autre comme dans un livre ouvert et lui révéler le monde qu'il y a en lui , à son insu ,puis lui donnant des clefs d'un travail-particulier- artistique nécéssaire afin de le réconcilier de l'équilibrer...En Orient (qui fascina H.H dont on peut lire un poême “arrivée à Ceylan”, et dans les religions du monde entiers ,les enseignants parfois aussi pressentant chez leur élèves des prédispositions pour telles ou telles adorations, facilitent encore aujourd'hui élévation d'esprit ainsi qu'inclinaisons naturelles vertueuses par ce biais.Parfois ,comme dans “le loup des steppes” roman dont je n'ai qu'un souvenir vague ,un personnage vit de tels bouversements que sa vie semble croiser au large d'une mer oû se mêle le délire et le ressenti le plus cru en une tempête féconde .Ainsi quand le Dr Lang, le medecin devenu ami sera complètement emmêlé dans d'insondables difficultés, par desespoir devenu “antisémite”, Hermann Hesse le recadrera et élargira son point de vue sur ce jugement racial comme si une boucle se bouclait. Tout cet ouvrage est un témoignage sur le destin de quelqu'un en prise avec les travers regrettables d'une époques sinistrée par trois guerres mais qui en dépit de tout fût et sera, produisant de nombreux chefs-d'oeuvres étudiés dans les collèges et lycées. Elu prix Nobel de Littérature en 1946 pour son roman: “ le jeu des perles de verre” ,livre que je n'ai pas lu, mais dont je suppose que ce court poême “ le dernier joueur de perles de verre “ en est un accès. En substance il semble insinuer que la vieillesse est une sorte de débacle et que malgré un “vaste amas de décombres” si l'on est à la hauteur des situations au point d'arriver à s'étonner et que l'on sait lire dans le monde comme dans un jeu de bille scintillantes ou pas, alors, apercevoir le Paradis même dans un passé désolant devient possible (sensible aussi in “Portrait d'un homme de lettres devenu trop vieux”).
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Hermann Hesse se révèle ici sans masque. Son humeur mélancolique – faisant de lui un digne héritier de la poésie romantique allemande, qu'il apprécie particulièrement – apparaît particulièrement dans ses poèmes et ce, dès les premiers écrits de jeunesse.
Ainsi, il traduit avec force son sentiment de claustration éprouvé dans une institution religieuse, rebaptisée « le cachot » : « Oh malheur à celui qui a dû y entrer, / Oh tanière pour les chiens, sois mille fois maudite. » Dans « le poète », un autre vers enfonce le clou : « Souvent, mon âme s'élance dans les envols de la mélancolie. » Son plaisir d'écrire c'est, très tôt, l'« expression de sa difficulté à vivre » (François Mathieu, postface).
Plus loin : « Ils riront de moi. / Et leurs lèvres seront rouges et chaudes. / Demain je serai mort. » Hesse semble « ce solitaire doué d'une imagination active, toujours voyageant à travers le grand désert d'hommes » (Charles Baudelaire, in L'Art romantique). D'ailleurs, « Scène de gare » fait étrangement songer au poème « À une passante », du même Baudelaire.
Ce peut être aussi un rejet de tout : « Ça pue dans le monde », écrit Hesse dans le bien nommé « Pleurnicherie ».
Lors de la Première Guerre mondiale, et quoique « déclaré inapte au combat [en raison de sa mauvaise vue] et affecté à Berne à l'assistance aux prisonniers de guerre » (Wikipédia), Hesse ressent ce conflit avec acuité particulière, comme dans « La jeune fille est chez elle et elle chante » ou « Soldat à l'agonie ». À ses compatriotes prisonniers en Suisse, il dédie ceci : « Frères blêmes, malades et prisonniers / Ici dans ce pays ennemi, / Soyez les bienvenus ! Soulagés, respirez / L'air ensoleillé de ces montagnes. »
Souvent, à l'euphorie passagère succède le désenchantement : « Je me suis pris pour un roi et j'ai pris / Ce monde pour un jardin enchanté, / Rien que pour, à la fin, avec les autres vieux, / Attendre la mort, bavard et angoissé. »
La mort, il s'enflamme parfois pour elle : « Que je brûle pour toi dans les rires d'un amour. »
Quelquefois, apparaissent des poèmes comme des tableaux paisibles – sur les conseils d'un psychiatre psychanalyste, Hesse s'est mis à peindre, nous révèle François Mathieu dans la postface –, tel « Un air de flûte » : « le coeur se donnait de bonne grâce, / Et le temps tout entier était le présent. »
S'il fustige le national-socialisme, Hesse n'en accable pas moins le communisme, à qui il adresse ceci : « Nous préférons pourrir « en rêveurs », solitaires, / Ou mourir sous vos poings fraternels et sanglants / Que de jouir d'un quelconque bonheur belliqueux et partisan / Et, au nom de l'humanité, tirer sur nos frères ! »
Cet homme, transpercé par les deux conflits mondiaux – l'Allemagne nazie l'ayant, au passage, classé comme « auteur indésirable » –, ne veut entendre parler que de cela : « « Paix ! » Et à peine le coeur ose-t-il / Se réjouir, qu'il est au bord des larmes. » Dans une lettre adressée à son fils Martin, il écrit à propos de lui : « Il a fait des vers et enfilé des mots, en revanche il n'a ni tiré, ni dynamité, ni répandu des gaz, ni fabriqué des munitions, ni coulé des bateaux, etc. etc. »
Enfin, le poète ne se voit plus qu'en branche tordue, avant de partir « les yeux fermés, tranquille, détendu », dira sa femme Ninon…
L'auteur du Loup des steppes – roman m'ayant jadis tant marqué parce qu'il me donnait l'impression étrange de parler de moi, et titre d'un poème dans le présent recueil – égrène de remarquables vers, dont je ne reçois, hélas, qu'un écho diffus puisque je ne comprends pas l'allemand. Toutefois, je me suis essayé, çà et là, à lire la version originale qui se trouve en miroir de la traduction dans le présent ouvrage. Car traduire de la poésie est un tour de force que François Mathieu semble avoir réussi.

(Remerciements sincères aux Éditions Bruno Doucey pour cette découverte et bien entendu à Babelio, le site qu'il est très beau !)

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Citations et extraits (43) Voir plus Ajouter une citation
Refus (*)

Plutôt être tué par les fascistes
Que d'être fasciste moi-même !
Plutôt être tué par les communistes
Que d'être communiste moi-même!

Nous n'avons pas oublié la guerre. Nous savons
comme l'on se grise quand on frappe sur un tambour et des timbales.
Nous sommes sourds et nous ne nous enthousiasmons pas
Quand vous débauchez le peuple avec votre vieille drogue.
Nous ne sommes plus ni soldats ni redresseurs de torts,
nous ne croyons pas que «le monde doive guérir
Au contact de notre nature (**)».
Nous sommes pauvres, nous avons souffert un naufrage,
Nous ne croyons plus à toutes ces jolies phrases,
Avec lesquelles à coups de fouet, à cheval, on nous a envoyés à la guerre -
Les vôtres aussi - frères rouges, sont des magiciens qui conduisent à la guerre et au gaz !
Vos chefs aussi sont des généraux,
Ils commandent, crient et organisent.
Nous ne buvons plus leur tord-boyaux,
Nous ne voulons perdre ni notre cœur ni notre raison,
Ne voulons marcher ni sous de drapeaux rouges ni sous des drapeaux blancs.
Nous préférons pourrir en «rêveurs», solitaires,
Ou mourir sous vos poings fraternels et sanglants
Que de jouir d'un quelconque bonheur belliqueux et partisan
Et, au nom de l'humanité, tirer sur nos frères !

(*) Refus : En réponse à des questions sur les raisons de mon non-engament aux côtés des communistes (NB : NdL'A)
(**) Citation déformée de deux vers d'un poème célèbre d’Emmanuel Geibel (1815-1884) «vocation de l'Allemagne» (1861), "Au contact de la nature allemande, le monde doit guérir", poème repris ultérieurement par la propagande nazie.
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Un air de flûte

Une maison la nuit à travers les arbres et les buissons
Laissait passer la faible lueur d'une fenêtre.
Et là-bas dans la pièce invisible
Un flûtiste jouait de son instrument.

C'était un chant connu depuis longtemps,
Qui coulait aimablement dans la nuit,
Comme si tout pays était terre natale,
Comme si chaque chemin était accompli.

Le sens secret de la terre se révélait
Dans sa respiration,
Le cœur se donnait de bonne grâce,
Et le temps tout entier était le présent.

**********

Flötenspiel

Ein Haus bei Nacht durch Strauchund Baum
Ein Fenster leise schimmern liess,
Un dot im unsichtbaren Raum
Ein Flötenspieler stand und blies.

Es war ein Lied so altbekannt,
Es floss so gütig in di Nacht,
Als wäre Heimat jedes Land,
Als wäre jeder Weg vollbracht.

Es war des Welt geheimer Sinn,
In seinem Atem offenbart,
Und willig gab das Herz sich hin
Und alle Zeit ward Gegenwart.
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Grincement d'une branche tordue

Branche tordue fendue
Qui pend déjà d'année en année,
Sèche, elle grince dans le vent sa chanson,
Sans feuille, sans écorce,
Blême et nue, fatiguée de vivre trop longtemps,
D'une trop longue agonie.
Sa chanson sonne dur, et endure,
Sonne obstinément, sonne un secret effroi,
Encore un été,
Encore un hiver entier.

**********************************************************

Knarren eines geknickten Astes

Splittrig geknicker Ast,
Hangend schon Jahr um Jahr,
Trocken knarrt im Wind sein Lied,
Ohne Laub, ohne Rinde,
Khal, fahl, zu langen Lebens,
Zu langen Sterben müd.
Hart klingt und zäh sein Gesang,
Klingt trotzig, klingt heimlich bang,
Noch einen Sommer,
Noch einen Winter lang.

[Ultime poème écrit la veille du décès de Hermann Hesse, inspiré par une branche morte de robinier que le poète avait voulu arracher à son arbre au cours d'une ultime promenade en forêt avec son épouse.]
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Aux enfants

Vous ne savez rien de notre temps,
Tout juste qu'au loin quelque part
Une guerre bat son plein,
Vous taillez dans le bois des épées, des boucliers et
des lances
Et, ravis, au jardin, jouez à la bataille,
Vous plantez des tentes,
Portez des brassards blancs à croix rouge.
Mais si mon plus cher désir a prise sur vous,
La guerre restera pour toujours
Une sombre légende,
Jamais au front vous ne serez,
Jamais vous ne tuerez
Et jamais ne vous enfuirez d'une maison en flammes.

Pourtant un jour vous devrez être guerriers
Et savoir ce jour-là
Que le souffle doux de cette vie,
La jouissance aimée de ces battements de coeur,
Ne sont qu'un apanage, et que votre sang charrie
Le passé, l'héritage des anciens,
Et l'avenir le plus lointain,
Que des hommes ont subi la violence, la souffrance, la mort
Pour défendre chaque cheveu de votre crâne.

Et vous devriez savoir que, dans son âme,
La noblesse a toujours été guerrière,
Y compris celle qui jamais n'a porté les armes,
Que chaque jour un ennemi,
Que chaque jour un combat et un destin vous attendent.
Ne l'oubliez pas !
Souvenez-vous du sang, des batailles, de la dévastation,
Sur lesquels repose votre avenir,
Et que le bonheur le plus simple se construit
Sur la mort et le sacrifice du nombre.

Alors vous embrasserez la vie avec plus d'ardeur
Et un jour plus tendrement la mort.
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Pleurnicherie



La pluie tombe,
Le vent débite dans les branches avec lassitude sa chanson ;
Ça pue dans le monde,
Ça pue le vin renversé et les fêtes enfumées,
Ça pue la mort et la naissance, et cette cochonnerie
          d'existence, La soupe et les excréments.
Au coin la mort attend,
Elle guette si je suis mûr pour la putréfaction.
Ça ne m'intéresse pas,
Je la regarde dans les yeux avec lassitude.
J'ai les oreilles qui déjà de ma tête se détachent,
Et je perds mes cheveux,
Je suis un pauvre bougre.
Il n'y a donc personne pour me ramener chez moi ?
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Après "Bienvenue au club", le CNL en partenariat avec Public Sénat, met en avant les conseils des lecteurs en leur donnant la parole dans l'émission #LivresetVous. Une nouvelle chronique à ne pas manquer tous les vendredi à 17h30.
Que peut nous apprendre la philosophie au quotidien?Pour répondre à cette question Guillaume Erner est accompagné de Géraldine Mosna-Savoye et d'Emmanuel Kessler. Cette semaine, David, étudiant et membre du club de lecture de l'université d'Orléans, répond au thème de l'émission en convoquant « Siddharta » de Hermann Hesse, et «l'insoutenable légèrté de l'être » de Milan Kundera.
Une émission présentée par Guillaume Erner, en partenariat avec France Culture.
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