- Bien rares sont les gens qui savent vraiment écouter.
Et sa petite bouche rouge et intelligente lui enseigna beaucoup de choses, et sa main douce et souple aussi. En amour il était ignorant comme un enfant et enclin à se précipiter aveuglément dans les plaisirs des sens comme dans une eau sans fond. Elle lui apprit à ne point prendre un plaisir sans en donner un lui-même en retour ; elle lui enseigna que chaque geste, chaque caresse, chaque attouchement, chaque regard devaient avoir une raison, et que les plus petites parties du corps avaient leurs secrets, dont la découverte était une joie pour celui qui savait la faire. Elle lui apprit qu'après chaque fête d'amour les amants ne devaient point se séparer sans s'être admirés l'un l'autre ; chacun devait emporter l'impression d'avoir été vaincu dans la même mesure qu'il avait vaincu lui-même : l'un ne devait pas faire naître chez l'autre ce désagréable sentiment de satiété dépassée et d'abandon, qui pût faire croire à un abus d'une part ou d'une autre.
- [...] Tu as envie d'apprendre, Siddhartha, eh bien, apprends encore cela : l'amour peut se mendier, s'acheter, se donner, se ramasser dans la rue, mais il ne se vole pas !
Le Savoir peut se communiquer, mais pas la Sagesse. On peut la trouver, on peut en vivre, on peut s'en faire un sentier, on peut, grâce à elle, opérer des miracles, mais quant à la dire et à l'enseigner, non, cela ne se peut pas. C'est ce dont je me doutais parfois quand j'étais jeune homme et ce qui m'a fait fuir les maîtres. Écoute, Govinda, j'ai trouvé une pensée que tu vas encore prendre pour une plaisanterie ou pour de la folie, mais qui, en réalité, est la meilleure de toutes celles que j'ai eues. La voici : Le contraire de toute vérité est aussi vrai que la vérité elle-même ! Je l'explique ainsi : une vérité, quand elle est unilatérale, ne peut s'exprimer que par des mots ; c'est dans les mots qu'elle s'enveloppe. Tout ce qui est pensée est unilatéral et tout ce qui est unilatéral, tout ce qui n'est que moitié ou partie, manque de " totalité ", manque d'unité ; et pour le traduire il n'y a que les mots. Quand le Sublime Gotama parlait du Monde dans son enseignement, il était obligé de le diviser en Sansara et en Nirvana, en erreurs et en vérités, en souffrance et en délivrance. On ne peut faire autrement et, pour qui enseigne, il n'y a pas d'autre voie à suivre. Mais le monde en lui-même, ce qui existe en nous et autour de nous, n'est jamais unilatéral. Un être humain ou une action n'est jamais entièrement Sansara ou complètement Nirvana, de même que cet être n'est jamais tout à fait un saint ou tout à fait un pêcheur. Nous nous y laissons aisément tromper parce que nous inclinons naturellement à croire que le temps est une chose vraiment existante. Le Temps n'est pas une réalité, ô Govinda. J'en ai maintes et maintes fois fait l'expérience. Et si le Temps n'est pas une réalité, l'espace qui semble exister entre le Monde et l'Éternité, entre la Souffrance et la Félicité, entre le Bien et le Mal, n'est qu'une illusion.
Troisième partie : Govinda.
Il n'est pas une chose au monde que je connaisse si peu que moi-même.
Le savoir peut se communiquer, mais pas la sagesse. On peu la trouver, on peu en vivre, on peu s'en faire un sentier, on peut, grâce à elle, opérer des miracles, mais quant à la dire et à l'enseigner, non, cela ne se peut pas....
Souffrir c'était vivre, le monde était plein de souffrances, mais le moyen de s'en délivrer existait et celui-là le trouvait qui suivait la route de Bouddha...
- [...] Sans doute, le buveur s'étourdit en buvant, sans doute trouve-t-il dans le vin une absence de soi-même et un répit de courte durée, mais bientôt il revient de cette démence et retrouve toutes choses comme auparavant. Il n'a rien gagné en sagesse, rien acquis en connaissances et ne s'est point élevé d'un degré vers le bien.
Je ne me reconnais pas le droit de porter un jugement sur la vie d'un autre. Je n'ai d'opinion que sur moi-même et sur moi seul, c'est à moi de me juger, à moi de faire un choix, à moi de refuser. Ce que nous cherchons, nous autres Samanas, Ô Sublime, c'est la délivrance.
Ce n'est pas dans les discours ni dans le penser que réside sa grandeur;mais dans ses actes,dans sa vie.