[...] le vrai chercheur, celui qui a vraiment le désir de trouver, ne devait embrasser aucune doctrine. Par contre, celui qui avait trouvé, pouvait les admettre toutes, comme il pouvait admettre toutes les voies, toutes les fins.
— Fais bien attention ! mon bon ami, fais bien attention ! Le pécheur que je suis et que tu es, reste un pécheur ; mais un jour viendra où il sera Brahma, où il atteindra le Nirvana, où il sera Bouddha, mais, prends-y garde : ce "un jour" est une illusion, ce n'est que manière de parler ! Le pécheur ne s'achemine pas vers l'état du Bouddha, il n'évolue pas, quoique notre esprit ne puisse se représenter les choses d'une autre façon.
Non, le Bouddha à venir est maintenant, il est aujourd'hui en puissance dans le pécheur, son avenir est déjà en lui, tu dois déjà vénérer en lui, en toi, ce Bouddha en devenir, ce Bouddha encore caché. Le monde, ami Govinda, n'est pas une chose imparfaite ou en voie de perfection, lente à se produire : non, c'est une chose parfaite et à n'importe quel moment. Chaque péché porte déjà en soi sa grâce, tous les petits enfants ont déjà le vieillard en eux, tous les nouveaux-nés la mort, tous les mortels la vie éternelle. [...] La profonde méditation donne le moyen de tromper le temps, de considérer comme simultané tout ce qui a été, tout ce qui est et tout ce qui sera la vie dans l'avenir, et comme cela tout est parfait, tout est Brahma.
p.207
Il s'était cru riche et heureux quand l'enfant lui était arrivé. Mais le temps s'écoulait et comme il demeurait toujours aussi étranger et aussi sombre, qu'il montrait toujours le même caractère hautain et arrogant, qu'il ne voulait pas entendre parler de travail, qu'il ne témoignait aucun respect aux deux vieillards, saccageait les arbres fruitiers de Vasudeva, Siddhartha commença à comprendre que son fils ne lui avait apporté ni le bonheur, ni la paix, mais le chagrin et les soucis. Il l'aimait cependant et préférait les souffrances et les soucis que lui causait cet amour au bonheur et aux joies qu'il aurait pu goûter si cet enfant n'eût pas été là.
L'amour peut se mendier, s'acheter, se donner, se ramasser dans la rue, mais il ne se vole pas!
- Qu'est-ce que tu sais faire ?
- Je sais réfléchir. Je sais attendre. Je sais jeûner.
- Rien de plus ?
- Rien. Si pourtant je sais aussi faire des poésies. Voudrais-tu me donner un baiser pour une poésie ?
- Je le veux bien à condition que ta poésie me plaise. Je t'écoute.
Qu’est-ce que le jeûne ? Qu’est-ce que retenir sa respiration ? C’est fuir de son moi, c’est échapper pour quelques instants de son être, c’est endormir pour un temps la douleur et oublier les extravagances de la vie. Mais tout cela le premier bouvier venu le trouve dans une auberge, en buvant quelques coupes de vin de riz ou de lait de coco fermenté ! alors, il s’oublie soi-même. Il ne sent plus les douleurs de la vie, il est devenu insensible à tout. P 35
Mais quel chemin j'ai suivi ! Quand je pense qu'il m'a fallu passer par tant de sottises, par tant de vices, d'erreurs, de dégoûts, de désillusions et de misères pour en arriver à n'être plus qu'un enfant et à tout recommencer ! Mais c'était pour mon bien; mon coeur me le dit, et la joie qui est dans mes yeux me le dit aussi.
Sans s'en rendre compte lui-même, il s'était efforcé [...] de réaliser son désir, d'être un homme comme les autres, ces grands enfants ! et il n'avait réussi qu'à rendre son existence plus misérable et plus vide que la leur, parce que leurs buts n'étaient pas les siens, pas plus que leurs soucis.
Le Savoir peut se communiquer, mais pas la Sagesse.
Écoute Kamala, quand tu jettes une pierre dans l'eau, elle descend vers le fond, par le chemin le plus court. Il en est de même quand Siddhartha s'est proposé d'atteindre un but, d'exécuter un projet. Siddhartha ne bouge pas ; il attend, il réfléchit, il jeûne ; mais il passe à travers les choses du monde comme la pierre à travers l'eau, sans rien faire, sans bouger ; attiré par son but, il n'a qu'à se laisser aller, car dans son âme plus rien ne pénètre de ce qui pourrait l'en distraire.