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Critique de Fabinou7


Hermann Hesse signe avec Siddhartha un grand classique du roman d'apprentissage. Une éducation pour toutes et tous et à tout âge, le personnage le constate « les hommes sont des enfants ».
Ce court roman, une rencontre comme on en fait peu en littérature, suit la quête spirituelle d'un jeune brahmane indien, nous supposons 3000 ans avant J-C.

L'écriture du Prix Nobel de littérature est d'une grande maîtrise. Elle épouse, avec beauté et sobriété, l'intrigue en apportant, avec parcimonie, la juste dose d'imaginaire nécessaire à l'atmosphère, calme et retenue, sensible et sensuelle, jusque dans ses silences.
Si le temps de la narration est assez long, la fluidité du style absorbe le poids des années, imperceptiblement nous passons d'un âge à un autre.

Réfléchir, attendre, jeûner. Qu'est-ce qui pousse à sortir de sa zone de confort ? Qu'est ce qui nous fait faire ce qu'on nous a dit de ne pas faire ? Ce qu'on nous dit être futile, une perte de temps ?
L'expérience s'enracine comme un anticorps, tant que nous ne l'avons pas vécue, bien des conseils sont vains. On retrouve un peu l'encouragement d'André Gide dans les Nourritures Terrestres, dans cette quête personnelle et qui demande de garder une liberté et une virginité relative vis-à-vis des chemins déjà tracés « celui qui a vraiment le désir de trouver ne devrait embrasser aucune doctrine. »

« Il tuait les désirs et les désirs renaissaient toujours ». C'est cette insatisfaction, soif de l'esprit mêlée d'angoisse du coeur, qui entraine Siddhartha, et avec lui le lecteur, sur les routes dans une quête insatiable, il veut tout embrasser jusqu'au comblement ultime ; le Nirvana.

« Apprends encore cela : l'amour peut se mendier, s'acheter, se donner, se ramasser dans la rue, mais il ne se vole pas ! » C'est par une série d'erreurs et d'essais que Siddhartha avance dans sa recherche, adjuvants, incertitudes et désespoir l'accompagnent et le lecteur assiste à ses raisonnements profonds, à son « commerce régulier avec son moi », et la progression de sa perception d'autrui et du monde, “il n'y a de véritable intelligence que dans la possibilité de s'observer soi-même” écrivait déjà Maine de Biran, le père de la psychologie au XVIIIe siècle.

« Le contraire de toute vérité est aussi vrai que la vérité elle-même. » Il faut reconnaitre que la somme de travail, de recherches accomplies par Hermann Hesse est impressionnante. Pour arriver à donner force et écho aux sutras bouddhiques parfois complexes et énigmatiques, vieux de centaines d'années, par une narration diaphane pareille à l'eau cristalline d'un fleuve tranquille. Car qui connait un peu les principes fondamentaux du bouddhisme sait que l'écrivain allemand vise juste.

L'auteur, qui n'a pas vraiment fréquenté l'Inde, regrettait que les auteurs indiens, comme Tagore, son contemporain, soient trop influencés par l'occident, a voulu recréer ce qui, dans son idéal est l'Inde bouddhique originelle, au temps de l'Eveil du Bouddha. Rien d'étonnant à ce que les générations psychédéliques, les hippies américains aient trouvé un maitre à penser dans l'oeuvre de Hesse qui rencontra un succès considérable à partir des années soixante.

« Et si le Temps n'est pas une réalité, l'espace qui semble exister entre (…) la Souffrance et la Félicité, entre le Bien et le Mal n'est qu'une illusion. » Cette spiritualité, pour qui tout est simultané, tout est dans chaque chose et qui nous commande d'embrasser l'univers entier sans nous en exclure est aujourd'hui représentée par des courants divers, du Zen aux disciples de Nichiren, en passant par le bouddhisme Tibétain. Elle est présente sur tous les continents et nombre de ses principes, son rapport à l'espace et au temps, à la matière, au changement d'état des êtres et des choses, ont été depuis découverts par la science, des millénaires après l'enseignement du Bouddha.

Il ne tient désormais qu'à vous de prendre une grande inspiration, un grand « om » et de plonger dans les eaux du fleuve littéraire et étincelant d'Hermann Hesse pour une ablution régénératrice, et si nous sommes 3 000 mondes à la fois en un instant de vie, j'aime à penser que Siddhartha est en chacun de nous, qu'il bourgeonne en toute quiétude chaque fois que nous faisons preuve de sagesse.

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