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Critique de Lunartic


Tout d'abord, je tiens à sincèrement à m'excuser auprès des éditions Gallimard pour le retard de cette chronique, que j'aurais dû rédiger et publier il y a maintenant quatre mois... J'ai honte, je suis impardonnable, je le sais bien, mais à cause de ma réorientation scolaire vers la fac, du temps d'adaptation et d'intégration qui en a découlé, ça n'a pas été simple pour moi et c'était difficile d'avoir la tête à faire des chroniques. Me voilà désormais apaisée et je dois vous l'avouer, écrire des critiques littéraires, ça m'a véritablement manquée, comme un manque d'air ! Me voilà prête à respirer à nouveau mon air quotidien et cette première goulée d'air, ce sera le roman Une fille au manteau bleu, que j'avais tant envie de découvrir, et je remercie du fond du coeur les éditions Gallimard pour cet envoi, et encore mille excuses. Vous êtes géniaux. Prêts à découvrir ma chronique de ce roman qui m'a chamboulée au plus haut point ? C'est parti pour que je vous révèle les mystères et les parts d'ombre de ma lecture...

... qui, il faut le reconnaître, ne fut pas simple à mener. Pourquoi donc ? Ma lecture fut semée d'embûches, j'ai même dû faire une pause afin de me vider la tête de tous les problèmes que j'avais il y a encore quelques mois et cela a sûrement dû me brouiller l'esprit et m'empêcher de savourer ce livre à sa juste valeur. Car oui, de la valeur, il en a, je peux vous l'assurer. Il s'agit du premier roman de son écrivain (si mes souvenirs sont bons), Monica Hesse, et je tiens à l'applaudir, elle m'a eue en beauté, je me dois de lui tirer mon chapeau. Il faut que je vous explique plus en détails ce qui s'est passé au juste.

J'ai commencé ma lecture pleine d'espoir, je sentais que ce livre allait me séduire, parce-que moi et les romans d'inspiration historiques, c'est une longue histoire d'amour qui n'est pas prête de se terminer, l'histoire me passionne et c'est un témoignage inestimable de tout ce que l'humanité a dû affronter au cours des siècles. Et la période de la Seconde Guerre mondiale, je ne vous en parle même pas, c'est sûrement l'une des pires au niveau de la cruauté envers d'autres êtres humains ... Vous allez me dire que l'on endure cela depuis toujours et encore aujourd'hui, mais ce n'est pas le sujet de ma chronique. Bref, je savais que ce livre allait remuer en moi des sentiments forts, me bouleverser, m'ouvrir une fois de plus les yeux et m'en faire prendre de la graine.

Après, en voyant sur la couverture "un écho à Anne Frank", j'ai un peu grimacé, je le dis brute de pomme. Parce-que, quand même, comparer un livre au monument qu'est le Journal d'Anne Frank juste parce-que l'histoire se passe aux Pays-Bas, ça fait un peu gros quand même. Et puis, je n'aime pas ces comparaisons qu'ont fait, avec style "le nouveau Hunger Games", "le nouveau Game of Thrones", etc., car chaque oeuvre est unique en son genre, et on n'a pas le droit je pense d'essayer catégoriquement de la "remplacer", et je trouve aussi que ça fait un peu trop marketing, d'essayer de vendre ses copies en les comparant à ce qui a déjà fait carton, afin de bien attirer un certain type de lectorat ... M'enfin bref, je ne suis pas là pour me plaindre, pour juger ou quoi que ce soit, ici, c'est liberté d'expression c'est tout !

Désormais, en ressassant toutes mes pensées sur cette lecture qui fut dure mais fructueuse et marquante, je comprends mieux cette comparaison avec Anne Frank. Non, le lieu de fond que sont les Pays-Bas n'est pas le seul point commun. Dans son histoire, Monica Hesse met en effet en scène des personnages inspirés de personnes réelles, des adolescents qui avaient le même souhait d'Anne : laisser une trace d'eux, quoiqu'il puisse arriver, afin que, des années après, l'on sache ce qui s'était produit, toutes les atrocités commises par les Nazis, qu'on en soit conscients et que l'on pense à eux, toujours dans un recoin de notre esprit, eux qui étaient impuissants, qui ont subi cette guerre et cette cruauté, cette inhumanité, et qui ont fait de leur mieux pour que subsiste quelque chose d'eux, des écrits, des photographies, quitte à risquer leurs vies si les Nazis découvraient l'existence de ces preuves de leur abomination sans nom. Ils se sont aussi battus pour sauver le plus grand nombre, pour épauler les Juifs déportés au mieux, pour leur faire sentir que, non, ils n'étaient pas seuls face à leur destin funeste, que des gens pensaient à eux, souffraient aussi pour eux, et essayaient de les faire sortir de cet enfer.

Ma lecture d'Une fille au manteau bleu m'a tout simplement empoignée le coeur, je reconnais ma défaite. Au départ emplie de préjugés et d'inimitié à l'égard de l'héroïne, Hanneke, que je ne trouvais pas du tout digne d'Anne Frank de prime abord, mon coeur s'est ensuite ouvert à elle, à sa souffrance, à son coeur qui saigne, à ses défauts, à ses regrets et amertumes, mais surtout à son courage sans nom. Pas le courage d'être une héroïne parfaite, altruiste et généreuse, non : le courage de reconnaître ses erreurs, ses faiblesses, et de tout faire pour les amender. C'est sûrement un courage que l'on mésestime et qui mériterait d'être reconnu car nous sommes loin d'être parfaits, je ne vous apprends rien, et ce livre me l'a grandement rappelé (et j'en avais bien besoin par ailleurs).

Nous suivons ainsi les péripéties d'Hanneke à travers Amsterdam. Cette jeune fille, dont la guerre et la perte de son bien-aimé Bas (diminutif de Sébastien) ont assombri son coeur, sillonne la capitale néerlandaise avec son vélo, vivant du marché noir afin de survivre et de mettre sa famille à l'abri du besoin, qui elle ne sait rien de ses actions illégales. de prime abord, vous allez me dire qu'Hanneke est une fille tout à fait bien, qui fait tout ce qu'elle peut afin de préserver sa famille, constituée de son père malade et de sa mère qui ne travaille pas et s'occupe du père. Cela, dès le départ, je l'ai respecté profondément et cela m'a rapproché d'Hanneke, cette importance primordiale de la famille. Mais cela va aussi me la faire regarder d'une manière très critique, car au tout début, elle refuse de partir à la recherche de Mirjam pour ces mêmes raisons, en plus du fait qu'elle ne veut pas avoir de problèmes avec les Nazis, alors qu'elle baigne déjà dans le marché noir jusqu'au cou. Courageuse, mais pas téméraire je me suis dis. Je me trompais totalement.

Hanneke n'est pas égoïste, enfin peut-être un peu, mais elle est humaine, comme tout un chacun, à peine entrée dans l'âge adulte, elle doit porter le poids d'un immense chagrin sur ses épaules, son coeur est fêlé, la guerre l'a brisée, et elle se sent forcément tourmentée et perdue. Alors qu'elle part finalement sur les traces de Mirjam, dont l'enquête prend carrément des dimensions policières haletantes, Hanneke va tout faire pour retrouver un peu d'air dans ce monde oppressé et étouffant, et un semblant d'humanité, car il semblerait que les Nazis aient tout pris à ce peuple démuni : leur force, leur combativité, leur dignité et même ce qui les rend humains et solidaires les uns les autres. Hanneke, en partant dans sa quête qui rouvre des blessures du passé, des pans de souvenirs à la fois nostalgiques du bonheur d'antan et douloureux, va alors à sa manière se soulever contre ces Nazis qu'elle hait de tout son coeur et qui sont en train de détruire sa patrie qu'elle aime et dont elle est fière à un autre degré. Cela devient une vraie guerre contre l'idéologie nazie, contre leurs crimes contre l'humanité, et la révolte morale d'Hanneke est impressionnante.

Au cours de ce chemin semé d'embûches, qui font écho au passé amoureux et heureux d'Hanneke et Bas, mais aussi à leur séparation tragique, et au lien qui unissait Hanneke à sa meilleure amie d'autrefois, Elsbeth, qui s'est brisé, ce roman qui a su s'approprié la noirceur et la gravité de la guerre avec brio, ainsi que toutes les qualités qui font un roman policier, empli de mystère, de suspens et de retournements de situations, la plume de Monica Hesse se montre aussi experte pour faire un éloge à l'amitié et à la beauté de notre humanité, aussi fragile et vulnérable soit-elle. En effet, chaque personnage de ce roman commet des erreurs envers ses proches, les blesse involontairement puis le regrette amèrement, jusqu'à ne plus pouvoir se voir soi-même dans un miroir.

Tous ces moments de fêlures, d'incertitude des personnages, de leur incapacité à se pardonner eux-même, m'ont profondément bouleversée, et cela montre d'autant plus à quel point cette guerre les dépasse, ils sont englués dedans, elle les tue à petit feu, tout autant qu'ils sont : Juifs, autres personnes opprimées (homosexuels, etc.), la jeunesse, les parents,... Malgré cette atmosphère pesante, quasi insoutenable, ils sont loin d'avoir abandonné. le roman nous dépeint plusieurs actes de résistance à différentes échelles : du marché noir, en passant par cacher des Juifs chez soi, jusqu'à travailler dans l'ancien théâtre qui fait office de sorte de Vel' d'Hiv' pour nous afin de faire sortir des Juifs de là, de les soutenir, de leur apporter une main alliée qui vaut tout l'or du monde...

Ce roman m'a beaucoup émue également de par la solidarité entre tout type de personnage, de n'importe quelle âge ou classe sociale, qui transparaît dans chaque page : Hanneke va avoir des alliés dans sa recherche de Mirjam, des adolescents qui n'ont rien demandé mais qui se sont rassemblés afin d'aider les Juifs, de résister du mieux qu'ils pouvaient, et de garder un témoignage éternel de cette horreur mouvante et vivante qu'ils ont dû traverser sous forme d'écrits, d'enregistrements, de photographies. Des pellicules, de l'encre et du papier qui auraient pu condamner leur jeune vie à une mort certaine. Je me suis permis de juger ces personnages, de traiter Hanneke de sans coeur et d'égoïste, Ollie de trop obtu et qui ne prend pas assez de risques, Judith d'être trop froide, la cliente riche d'Hanneke de bourgeoise superficielle ... Alors qu'en eux, ils ont tous un potentiel de héros, de Justes parmi les nations. Ils ont fait tout ce qu'ils ont pu, avec leurs faibles moyens, ils se sont montrés gentils et compatissants, malgré l'injustice dont ils ont souffert et leur tristesse et regrets dans leur coeur. Je ne suis pas digne de tels personnages, qui m'ont donné une belle leçon d'humanité, d'amitié, d'amour et de courage. Merci à eux et merci à Monica Hesse.

A vous de découvrir désormais si Hanneke va retrouver Mirjam, quelle histoire tragique se cache derrière cette disparation incongrue, de faire la connaissance de la jeune fille qu'est Mirjam, de ses proches amis, du passé d'Hanneke qui s'entremêle à cette histoire et de la conclusion à couper le souffle que nous offre l'écrivain, dont je serais ravie de lire d'autres romans, qui seront, j'en suis convaincue, de la même qualité littéraire et humaine que celui-là. Son travail de recherche, de reconstitution est juste colossal, je ne peux que l'admirer, et pour un premier roman, Monica Hesse fait sacrément fort, elle a toute mon estime. Je suis bien contente d'avoir donné une seconde chance à ce roman, je l'aurais regretté à tout jamais autrement.

Je n'oublierai jamais cette histoire si puissante, ces merveilleux personnages qui ont su briller par leur force interne, la force de leur amour et de leur amitié, qui leur a permis de briller de mille feux, d'avancer pas à pas et de faire du bien aux opprimés. Ils méritent qu'on se souvienne d'eux à tout jamais, telles les personnes qui les ont véritablement inspirés.

Je conclurai cette chronique, qui je l'espère vous aura donné envie de lire ce roman et de vous enrichir de tout ce qu'il nous apporte en connaissances, en sentiments humains, avec deux citations d'Anne Frank (j'aurais envie de vous citer tout son Journal tant il est magnifique, mais je ne vois pas trop l'intérêt ici... ). La première : « Ne me juge pas mal, mais considère-moi plutôt comme quelqu'un qui de temps en temps a le coeur trop lourd.». Cette citation correspond parfaitement au personnage d'Hanneke, dont le coeur est un lourd fardeau à porter (à l'instar de tous les personnages de l'histoire à une plus large échelle, mais de mon point de vue cela concerne particulièrement Hanneke), mais qui fait malgré tout de son mieux à chaque fois, et je demande pardon à Anne de ne pas avoir suivi son précepte dès le début de ma lecture. La seconde, la voici : « Je ne veux pas, comme la plupart des gens, avoir vécu pour rien. Je veux être utile ou agréable aux gens qui vivent autour de moi et qui ne me connaissent pourtant pas, je veux continuer à vivre, même après ma mort ! ».

C'est ce que tous ces gens qui ont sauvé des Juifs, qui les ont aidé jusqu'à la fin, qui ont pris des photographies, qui ont écrit malgré la souffrance que chaque mot leur apportait, malgré la peur d'être incompris, ont fait : vivre après la mort, ne pas avoir vécu en vain. Et je leur en serai éternellement reconnaissante. COUP DE COeUR ♥
Lien : https://lunartic.skyrock.com..
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