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EAN : 9782010014116
Hachette (01/01/1974)
3.74/5   43 notes
Résumé :
Maroussia, de P. J. Stahl, est un classique de la littérature pour la jeunesse. Cette histoire d'une petite Ukrainienne du XVII° siècle, qui se sacrifie pour la liberté de son pays au moment des luttes contre Russes, Polonais et Turcs, a enchanté des générations de lecteurs. Mais on ignore généralement que le roman de P. J. Stahl (pseudonyme d'Hetzel, célèbre éditeur de Jules Verne) n'est que l'adaptation d'une oeuvre de Marko Vovtchok (Maria Markovytch, 1833-1907),... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (11) Voir plus Ajouter une critique
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Il y a toujours quelque chose de bizarre à se replonger dans de la littérature de propagande destinée à la jeunesse. D'un côté, le message de fond n'est pas trop compliqué à démêler pour nos yeux entrainés, qui ont tôt fait de détecter une tranchée pleine de cadavres et de boue derrière les sentiments héroïques. de l'autre, on ne peut nier que certaines oeuvres gardent de grandes qualités littéraires, et qu'il est peut-être possible de les relire avec une autre clé.

Tel est le cas de ‘'Maroussia'', petite oeuvre charmante et fort émouvante qui figurait en bonne place dans la bibliothèque de nombre d'enfants des années 1900, aux côtés du ‘Tour de France par deux enfants'. Elle raconte la vie héroïque d'une fillette ukrainienne ayant rejoint la lutte pour l'indépendance contre les Russes. Au côté d'un géant cosaque, elle mène de périlleuses missions pour délivrer des messages aux quatre coins du pays, afin de préparer l'insurrection générale qui devra leur apporter la liberté.

Publiée en France au lendemain de la défaite de 1870, l'histoire n'était pas difficile à transposer à l'Alsace – Lorraine. La fillette ukrainienne rappelait celle de ‘la strasbourgeoise', chanson patriotique où une petite alsacienne orpheline refuse l'aumône d'un soldat allemand. C'était un appel à la liberté, à la lutte contre un adversaire impitoyable… Aujourd'hui cependant, le livre résonne avec l'histoire tragique de l'Ukraine au XXème siècle.

Au cours de la guerre civile russe cette nation tenta une première fois de prendre son indépendance, sans succès. Peut-être pour punir ces tentatives indépendantistes, elle fut traitée particulièrement durement par les bolchéviques. Une famine gigantesque y fit trois à sept millions de morts sur une population d'une vingtaine de millions d'habitants. Appelée Holodomore, il semble (mais tous les historiens ne sont pas d'accord là-dessus) qu'elle fut délibérément organisée, ou tout au moins aggravée, pour punir les visées indépendantistes de l'Ukraine. Ce fut également l'une des régions où l'occupation nazie fut la plus cruelle. Les nationalistes n'en parvinrent pas moins à mettre en place une véritable armée, qui tint tête aux nazis dans les Carpates et poursuivi la résistance contre les soviétiques jusqu'en 1947 (et parvint même à tuer le maréchal favori de Staline), mais commit également des massacres contre les minorités polonaises.

Vous avez peut-être suivi l'actualité plus récente. Espérons qu'un jour ces terres troublées retrouvent la paix, et que les petites Maroussias n'aient plus à grandir au milieu des coups de feu.
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Éditeur à succès, découvreur de talents (Jules Verne, mais aussi Stella Blandy, très populaire en son temps), Pierre-Jules Hetzel façonna, par ses publications pour la jeunesse, tout l'imaginaire de la deuxième moitié du XIXème siècle, popularisant les luxueux cartonnages romantiques, dont on fit tant d'éditions, encore très courantes, de volumes en percaline rouge, destinés aux prix d'excellence, aux étrennes, aux fins d'années scolaires, etc…
le succès de Jules Verne, qu'il encadra étroitement, fit d'Hetzel l'un des éditeurs précurseurs de la science-fiction et du merveilleux scientifique, qui allaient durablement marquer les lectures adolescentes de la Belle-Époque, même bien après la mort de Pierre-Jules Hetzel (en 1886) et de Jules Verne (1905).
Pourtant, s'il fut toute sa vie relativement discret sur ce sujet, Pierre-Jules Hetzel fut aussi un écrivain prolifique, même s'il vint relativement tard à l'écriture, en grande partie grâce au confort matériel que lui apportait sa maison d'édition. Sa carrière d'écrivain, sous le pseudonyme assez transparent de P.J. Stahl, s'étale durant les vingt dernières années de sa vie, entre 1866 et 1886, et à quelques exceptions près, se résume principalement à des oeuvres destinées à la jeunesse, dont une grande partie sont en fait des adaptations plus ou moins fidèles de romans étrangers, la plupart anglais ou américains.
Ces adaptations sont plutôt libres, Hetzel ne se gênant nullement pour supprimer certains passages qu'il trouve médiocres, ou au contraire, en rajoutant des trouvailles de son crû. Éditeur exigeant, relecteur et correcteur, Pierre-Jules Hetzel traitait en réalité les romans qu'il traduisait comme les manuscrits qu'il recevait : ils n'étaient publiés qu'une fois revus et corrigés par ses soins.
Une telle intrusion d'un éditeur serait aujourd'hui jugée totalement inacceptable pour n'importe quel écrivain, mais c'est néanmoins cette méthode subtile qui, non seulement, a donné naissance à la "patte" Hetzel, mais a aussi fait que, contrairement à bien des oeuvres postérieures du même genre qui n'ont dépendu que de leurs auteurs (On pense irrémédiablement au côté "nanardesque", d'écrivains comme Paul d'Ivoi, Louis Boussenard ou l'italien Emilio Salgari), les romans publiés par Hetzel semblent aujourd'hui bien moins ringards, bien moins risibles ou "hénaurmes", malgré leur désuétude.
Il en va de même pour « Maroussia », qui fut le plus grand succès littéraire de Pierre-Jules Hetzel en tant qu'écrivain, au point même d'occulter peu à peu le récit original de Marko Vovtchok, autrice ukrainienne qui, à la base, avait publié en 1875 cette nouvelle historique intitulée «Маруся » et qui ne faisait qu'une soixantaine de pages.
On ne sait comment, ce récit tomba entre les mains de Pierre-Jules Hetzel, qui pourtant, ne parlait pas ukrainien. Il en tira un roman de 300 pages qui, tout en reprenant les situations et les dialogues originels, y insufflait une dimension plus fantastique, et surtout une plus grande portée psychologique.
« Maroussia » se déroule en terre ukrainienne, à une date qui n'est jamais indiquée avec certitude, mais que l'on peut situer dans la longue période dite de « Ruine », (années 1660 à 1690), au moment où la Russie s'emparait de la rive gauche (nord-est) du Dniepr (l'immense fleuve qui traverse l'Ukraine du nord au sud) et entrait en conflit avec la rive droite ( au centre-centre sud), sous domination polonaise, chacune ayant un "hetman" ("ataman" dans le roman), un chef cosaque qui n'était pas reconnu par l'autre partie. Cette situation se dénoua avec l'abandon du pouvoir par l'hetman de la rive droite. Comme cet évènement forme la trame du roman, on peut donc y situer l'action précisément en 1663.
Les lieux sont souvent imprécis, du fait qu'il est question de petits villages pas toujours nommés (dont celui où habite Maroussia) ou qui n'existent plus depuis longtemps, mais qui devaient être situés sur la rive droite du Dniepr, au sud-est de Kiev, à l'endroit où le fleuve se fait plus large, entre Tcherkassy et Krementschouk. Les deux principales villes où Maroussia et son compagnon, rencontrent chacun des deux hetmans sont par contre aisément identifiables : Tchychyrine ("Tchiguirine", dans le roman), un peu plus à l'ouest sur la rive droite, et Hadiatch ("Gadiatch", dans le roman), plus au nord, sur la rive gauche. Enfin, la dernière partie du roman se situe aux abords d'une forêt de la rive droite impossible à situer plus précisément, si ce n'est qu'elle n'est pas très éloignée du Dniepr.
C'est donc dans un petit village ordinaire que la famille Tchabane vit aussi paisiblement que possible en temps de guerre. Les Tchabane sont des paysans honnêtes, mais qui adhèrent alors à une idéologie politique nouvelle, qui ne reconnait ni l'occupation russe, ni le protectorat polonais, et prône l'utopie alors irréalisable d'une Ukraine indépendante. Selon le romancier, cette idéologie serait née primitivement chez les Cosaques de l'île de Setch. Hélas, il n'y a jamais eu aucune île de ce nom sur le Dniepr, ni ailleurs. Néanmoins, par recoupements, il est facile de reconnaître que l'auteur voulait en fait parler de l'île de Khortytsia, qui se trouve à une centaine de kilomètres au sud, entre les deux rives de la ville de Zaporijia, et qui est effectivement le berceau des dynasties cosaques ukrainiennes.
C'est justement l'un de ces cosaques de Setch/Khortytitsia qui frappe un soir à la porte des Tchabane, pour demander de la nourriture et des renseignements. Tchetchevik est un homme en fuite, poursuivi par les russes, mais qui savait trouver dans cette maison des amis communs avec les Tchabane qui servent la cause indépendantiste. Tchetchevik est en mission diplomatique et doit se rendre à Tchychyrine et tenter de convaincre l'hetman de la rive droite de renoncer à son titre, afin de ne pas diviser le peuple ukrainien que les indépendantistes souhaitent voir se lever contre l'hetman prorusse de la rive gauche. Après cela, et en admettant qu'il obtienne ce qu'il demande, Tchetchevik doit se rendre ensuite à Hadiatch, en zone occupée, afin de rencontrer l'autre hetman, et de le convaincre, à présent que son pouvoir est unique, de se détacher de l'influence russe pour se ranger aux côtés des indépendantistes, prêts à le suivre et à l'assister s'il se décide à chasser l'envahisseur.
Or, les Russes, comme les Polonais, se défient de cette menace indépendantiste susceptible de briser l'ordre relatif de la colonisation ukrainienne. Aussi, Tchetchevik est-il suivi, traqué, par des cavaliers russes, qui retrouvent enfin sa trace et tambourinent à leur tour à la porte des Tchabane.
le cosaque est prudemment exfiltré dans le jardin. Les Russes pénètrent chez les Tchabane, mais bien qu'ils ne trouvent aucune trace du fuyard, ils décident d'occuper la maison, de piller les victuailles, et de brutaliser et d'humilier ces paysans trop fiers. Conscient du risque physique que court Maroussia, l'aînée des enfants Tchabane, âgée de 12 ans et déjà fort jolie, son père lui fait comprendre d'un regard qu'elle doit rejoindre Tchetchevik dans le jardin. Ensemble, le cosaque et la petite fille décident de s'enfuir dans la nuit, et de rejoindre une étable à quelques centaines de mètres pour s'y dissimuler.
Maroussia, néanmoins, comprend vite que Tchetchevik, qui découvre pour la première fois cette région d'Ukraine, est totalement désorienté, et a besoin d'être guidé. La petite fille, qui connaît étonnamment bien sa région pour son âge, se propose alors de l'accompagner dans sa mission. Paradoxalement, c'est sur la rive droite « polonaise » que le voyage de Tchetchevik et Maroussia est le plus dangereux. Ils voyagent d'ailleurs souvent la nuit, ou bien cachés dans des charrettes de foin. Malgré la platitude des steppes ukrainiennes, l'ennemi peut jaillir de n'importe quel bosquet, à n'importe quel détour, et même sans soupçonner avoir affaire à ceux qu'ils poursuivent, ces soldats russes peuvent être tentés de se défouler par pure cruauté sur des villageois innocents. le voyage vers Tchychyrine est donc périlleux, mais là-bas, un allié sûr leur propose des déguisements qui vont assurer leur sécurité pour le reste de leur voyage. Par ailleurs, la démarche de Tchetchevik auprès de l'hetman de la rive droite est couronnée de succès. L'hetman se résigne avec peine à laisser la place, mais il aime trop l'Ukraine pour prendre le risque de lui nuire, et il remet à Tchetchevik une lettre manuscrite certifiant sa renonciation à son commandement.
le voyage du cosaque et de Maroussia vers Hadiatch est plus long mais plus serein : les poursuivants de Tchetchevik n'imaginent pas qu'il soit passé en zone russe, et le supposent encore à Tchychyrine. de plus, Tchetchevik s'est déguisé en troubadour et se promène avec un théorbe, un luth italien dont il n'est pas certain qu'il ait été importé en Ukraine à ce moment-là, mais dont le cosaque joue merveilleusement bien.
Tchetchevik et Maroussia arrivent à Hadiatch, où ils parviennent à entrer en contact avec l'hetman de la rive gauche, grâce à sa belle-soeur Mephodievna, qui se sent émue par la petite Maroussia. Ils découvrent que l'hetman vit sous l'emprise d'un invité permanent, un seigneur russe hautain et autoritaire qui, immédiatement, nourrit des soupçons sur Tchtetchevik. Alors que sur ordre de l'hetman, les invités sont rassemblés sur la terrasse du château, le seigneur russe aperçoit aux flancs de Tchetchevik un superbe poignard ouvragé. Il exige que le musicien le lui donne, et propose de l'acheter, tout en le brandissant vers le ciel pour mieux observer les reflets de la lame. C'est alors qu'un éclair jaillit du ciel nuageux et foudroie le seigneur russe. Tous les témoins de cet incroyable accident y voient une incitation de Dieu à en finir avec l'occupant russe.
Sa mission terminée, Tchetchevik décide de reprendre la route pour ramener Maroussia à sa famille, mais, de retour sur la rive droite, en longeant une forêt, des amis indépendantistes de Tchetchevik jaillissent soudain et l'appellent à l'aide, car ils sont victimes d'une embuscade russe : Tchetchevik dit alors à Maroussia de l'attendre et s'enfonce dans la forêt. La petite fille attend donc jusqu'au soir, morte d'inquiétude, et elle voit enfin Tchetchevik revenir, le bras disloqué par une balle. Celui-ci confie un message urgent à Maroussia, et l'envoie le transmettre, un peu plus loin, au bord du Dniepr, à un contact qui attend de le recevoir pour envoyer des renforts. Mais quand Maroussia arrive au point de rendez-vous, le contact est en retard. Par contre, un soldat tatar qui passait par là comprend tout de suite que la jeune fille est une rebelle en train de manigancer quelque chose. Il pointe son fusil sur Maroussia, et l'abat d'une balle en pleine tête.
le sacrifice de Maroussia ne sera pas vain : le contact qu'elle attendait finit par arriver, et tombe affligé devant le corps de la petite fille. Il trouve sur elle la demande de renforts de Tchetchevik, et pourra donc intervenir à temps pour sauver les indépendantistes…
Par la suite, finalement amputé de son bras droit, Tchetchevik, inconsolable et rongé de remords, consacrera le restant de sa vie à ériger, pierre par pierre, un tumulus à l'endroit où est tombée Maroussia.
du fait que Pierre-Jules Hetzel a déclaré lui-même qu'il voyait en Maroussia une « héroïne alsacienne », on en a conclu un peu hâtivement qu'il avait principalement voulu évoquer dans ce roman la confiscation de l'Alsace et de la Lorraine par les Prussiens, à la fin de la guerre de 1870. Or, c'est là une affirmation très excessive, d'abord parce qu'a aucun moment Hetzel ne trahit le drame authentiquement ukrainien que Marko Vovtchok avait primitivement écrit, ensuite parce qu'en dépit de son nom, Pierre-Jules Hetzel n'avait du sang alsacien que par son père, qu'il était né et avait grandi à Chartres, et n'avait donc pas plus de raisons "personnelles" de s'affliger de la perte de l'Alsace que n'importe quel autre citoyen français. Il est plus probable qu'Hetzel n'a fait, en préface de son roman, un parallèle avec l'Alsace que pour mieux sensibiliser à un drame situé dans un pays lointain et inconnu, et dont le lecteur pouvait se sentir trop détaché.
L'apport de Pierre-Jules Hetzel à la nouvelle ukrainienne fut surtout d'en gonfler les pages, parfois de manière très visible, notamment avec des bribes de contes et de légendes qui participent au climat un peu fantastique, folklorique, « couleur locale » du récit, ce qui le rend d'ailleurs bien plus immersif que la nouvelle. Ensuite, il a clairement tempéré, sans jamais chercher à le gommer, le patriotisme exacerbé de Marko Vovtchok, en lui conférant un caractère plus sacrificiel, plus noble, et en donnant des Russes une image bien plus humaine. Ainsi, alors que Tchetchevik, déguisé en musicien, est hélé par des soldats russes et sommé de jouer pour eux, il leur chante des hymnes patriotiques ukrainiens, qui, contre toute attente, émeuvent les soldats russes et les amène à douter de leur combat, et même à le regretter. Par cette métaphore, Hetzel substitue au patriotisme ukrainien un patriotisme universaliste, qu'il présente comme étant, au final, un premier pas vers l'apaisement. Qu'un Russe prêt à mourir pour son pays réalise qu'un Ukrainien prêt à mourir pour le sien partage totalement ses valeurs, cela peut l'inciter à cesser de voir en lui un ennemi... Évidemment, c'est une conclusion simpliste que l'Histoire a maintes fois démenti, mais n'oublions pas que « Maroussia » est d'abord un livre pour enfants, qui se doit, à travers un récit tout de même fort dramatique, de laisser entrevoir des idées positives.
On pourra reprocher à « Maroussia » un certain déséquilibre entre le texte original très nationaliste et les ajouts plus modérés et humanistes de Pierre-Jules Hetzel, mais il serait vain de nier la très grande qualité de ce conte philosophique pour enfants, qui aborde des sujets extrêmement graves avec une intelligence du coeur et une lucidité dont on n'oserait plus faire preuve aujourd'hui. Notons aussi qu'Hetzel ébauche un certain éveil amoureux, renforcé par les périls encourus et partagés, entre cette petite fille que son aventure arrache de l'enfance et ce valeureux diplomate, en perpétuelle admiration devant le dévouement et le courage de cette gamine, laquelle sent confusément, à plusieurs reprises, qu'elle ne survivra pas longtemps et s'y résout avec détermination. La passion patriotique en inspire ici une autre, plus humaine, plus essentielle, qui est la force même de la vie, contre la mort qui frappe aveuglément tout autour.
Tout cela fait de « Maroussia » un récit qui, en dépit d'un caractère et d'un lyrisme souvent vieillots dans sa forme narrative, conserve à la fois tout son enseignement initiatique et toute sa puissance émotionnelle. Depuis 2022, en outre, ce roman a retrouvé une bien triste actualité, plus brûlante même qu'au moment de sa parution, qui redonne à sa lecture une profondeur insoupçonnée, même si ce livre pour enfants est empli d'un rationalisme étonnamment adulte, et que Pierre-Jules Hetzel ne dissimule pas que, si d'aussi courageuses et sacrificielles résistances ont individuellement un sens, puisqu'elles permettent à chacun d'aller au bout de ses convictions et d'entretenir vivace le flambeau de la justice, elles ne changent pas et ne changeront jamais le cours de l'Histoire, et qu'il faut hélas s'y préparer coûte que coûte.
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Maroussia , fillette ukrainienne, amie des Cosaques qui veulent libérer le pays écartelé entre les emprises polonaises et russes, va combattre auprès du "Lion" Tchetchevik, fier guerrier , prêt à tout pour sauver sa patrie. le peuple ukrainien est fier et courageux, peuple pour qui la famille, l'honneur et la patrie sont essentiels.

Maroussia est une emblème de l'engagement des femmes , leur combat pour la liberté, la défense des opprimés.

Le style est un peu suranné et mélodramatique, il glorifie un peu trop les bons sentiments et le patriotisme. La petite fille pense un peu trop comme une adulte et ce roman n'est peut-être pas seulement un roman jeunesse, il va plus loin.

L'auteure est Mariya mais son nom d'épouse, Markovitcha, deviendra Marko Vovtchok, , ce qui lui permettra de publier plus facilement ce roman. D'abord écrit en ukrainien, il sera traduit en russe . Edité par Stahl-Hetzel, ce dernier remaniera l'histoire et la fera sienne. Ce fut un véritable plagiat. Quelques années plus tard, les rééditions feront amende honorable et Stahl rendra honneur à « Markowovtchok".


Belles descriptions de la campagne ukrainienne ,de ses paysans et de ses guerriers héroïques. La nature continue son bel ouvrage pendant que les hommes s'étripent pour s'accaparer un petit bout de terre . Et l'histoire continue...

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Véritable ode à la bravoure et à la dignité des héros de l'Indépendance de l'Ukraine, "Maroussia" est un récit quasi élégiaque entre propagande et chronique. Livre destiné à servir à l'éducation des enfants en France, au lendemain de la défaite de 1870.

Maroussia est une enfant archétypale de la campagne ukrainienne. Sa rencontre avec un cosaque prônant l'insurrection contre l'envahisseur russe et l'élite polonaise "prenant en tenaille" la féconde Ukraine déterminera son destin tragique et exemplaire. Chantre de l'indépendance, ce couple atypique d'un homme et d'une enfant unis par un idéal social et politique a vocation à être un symbolique national et patriotique.

Ce roman est donc une oeuvre à lire avec recul tel un témoignage. le style tour à tour pastoral et lyrique lui confère une poésie certaine, celle qui accompagne les légendes. Ici, de manière assumée, le narrateur explique justement qu'il s'est donné pour but de graver dans le marbre l'histoire de l'Indépendance de l'Ukraine, quête épique et guerrière, pour faire luire à jamais sa légende à travers les générations. Au-delà des belligérants concernés, c'est un message clair et universel adressé à toutes les nations.

Le récit en lui même est plutôt convenu et conventionnel ; on ne peut pas réellement parler de roman historique, plutôt d'un conte politique. Dans le contexte actuel de conflit armé entre Russie et Ukraine, ce roman déjà ancien se ravive de couleurs sanglantes. L'avenir d'une nation repose-t-elle sur ses légendes ou sur son histoire ?


Challenge RIQUIQUI 2022
Challenge XIXème siècle 2022
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Cela se passe il y a bien longtemps, dans une Ukraine en proie aux convoitises de la Pologne et de la Russie.
Maroussia est la fille d'un cosaque, Danilo Tchabane.
Elle veut sauver son pays natal et est chargée d'une mission périlleuse: elle doit conduire un messager dans une région dangereuse...
Une héroïne douée d'abnégation, qui veut lutter pour la liberté de son pays..
Un beau récit, qui nous fait connaître l'histoire (moins connue) de l'Europe de l'Est....
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Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
L'histoire de l'écrevisse

Il y avait une fois une écrevisse, une écrevisse belle comme le jour. Elle était bonne, assez intelligente pour une écrevisse, et courageuse. Elle vivait tranquille dans son petit trou;mais voilà qu'un jour elle entendit, de tous les côtés à la fois, des cris et des gémissements.Il paraît que l'eau avait baissé, baissé à un tel point que tout ce qui vit dans l'eau commençait à perdre la tête. Elle s'était bien aperçue, depuis longtemps, que l'eau devenait rare; mais elle avait fait comme les autres, elle avait espéré que cela s'arrangerait tout seul.

Devant tant de lamentations, l'écrevisse se dit que cela méritait réflexion. Elle devint très pensive, et en arriva à cette conclusion qu'il serait vraiment bien utile que quelqu'un se dévouât pour aller chercher de l'eau. "À qui confier une mission de cette importance?"

L'écrevisse tint conseil, mais elle ne put arrêter son choix sur personne.
Au fond, elle n’avait confiance qu’en elle-même.Celui-ci ne connaissait pas assez le chemin, celui-là s'amuserait en route, cet autre commettrait mille imprudences. les opinions de la plupart étaient peut-être un peu avancées. le caractère de Pierre n'était pas sûr, et Paul était bien faible pour supporter la fatigue d'un si grand voyage, car l'eau était très loin.

« – J’irai moi-même », se dit-elle à la fin.
Elle s'empare de la cruche et se met en route, escortée pendant quelques pas par les acclamations chaleureuses de tous ceux qui aimeraient mieux voir travailler les autres que travailler eux-mêmes.

« – Quelle écrevisse ! criait-on de tous les côtés;quelle énergie! Si elle se dépêche un peu, nous serons sauvés."
Les grenouilles pleurèrent d'attendrissement et les crapauds se pâmaient d'aise.

Voilà mon écrevisse en route;elle ne perd pas une minute, va droit son chemin, marche,marche sans même prendre son temps pour respirer.

Mais peu à peu la fatigue se fait sentir, et l'indignation commence à gronder dans son sein.
"Suis-je folle de courir ainsi? se dit-elle." Je file comme une flèche, cela n'a pas de sens commun. Soyons raisonnable, marchons sagement."

Reprenant alors son allure ordinaire, elle se
remit à marcher comme toujours, à pas comptés.Elle mit sept ans à aller chercher son eau et dix à revenir à son point de départ. Cela n'est pour étonner personne; une cruche pleine est autrement lourde et difficile à porter qu'une cruche vide.

Arrivée au seuil de sa demeure, elle avait encore une sorte de petit escalier de quatre marches à monter. C'était là qu'autrefois les bateaux abordaient. Elle monta ces quatre marches, mais non sans peine. Avec une cruche, ça n'est pas commode.

Une fois là, elle se retourna et jeta un regard sur l'étang, sur les ruisseaux qui y affluaient:tout cela était à sec. une fourmi n'aurait pas trouvé à dix lieues à la ronde de quoi étancher sa soif.

« – Il était grand temps que j’arrivasse, se dit-elle,grand temps! Mais où sont donc ceux qui m'acclamaient au départ? Quel drôle d'accueil qu'un tel silence, après un tel dévouement!"

Une vieille pie curieuse était perchée sur un arbre à demi desséché, lui aussi. Elle regardait faire l'écrevisse et l'écoutait s'étonner.
« – Ne leur en veuillez pas, lui dit-elle, s’ils ne crient pas:Vive l'héroïque écrevisse! Ce n'est pas leur faute, ils sont tous morts! Voyez leurs coquilles , leurs arêtes, leurs carapaces! D'eux, c'est tout ce qui reste...Savez-vous, ma mie, que vous avez mis dix-sept ans à leur apporter de l’eau qu’il leur aurait fallu recevoir à la minute?"

La pauvre écrevisse fut si saisie, en vérifiant d'un regard l'exactitude des paroles de la pie, qu'en voulant lever les pattes au ciel, en signe de désespoir, elle oublia la cruche qu'elle portait et la laissa choir. La cruche se brisa en mille morceaux, la terre aride but en un clin d’œil l'eau qu’elle contenait, et le lendemain, à son tour,l’écrevisse était morte.


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Mais l'âme humaine a le droit de s'élever jusqu'à des aspirations plus hautes. Le vrai bonheur d'un peuple ne saurait se faire de la seule satisfaction des besoins matériels, le contentement moral peut seul donner le goût qu'il faut au pain qu'on mange. Or, je vous l'ai déjà donné à entendre, et vous m'avez compris à demi-mot : le trouble régnait partout. Le pays fatigué, tiré dans un sens par les Russes, dans un autre par l'aristocratie polonaise, écrasé des deux côtés, le pays était en pleine révolte et regrettait amèrement son indépendance perdue. L'Ukraine était envahie par les troupes russes. Le chef du parti moscovite était comblé des faveurs et des présents du tsar ; le chef du parti polonais s'était fortifié dans une ville et invitait tous les amis de la liberté à venir se joindre à lui. De quel côté aller ?
Les temps étaient difficiles, bien difficiles ! Les yeux les plus secs, d'ordinaire, versaient des larmes, et les têtes les plus sages tournaient. Les enfants eux-mêmes avaient peine à respirer.
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Pour la soirée, ces soirs paisibles et roses de
l’Ukraine, vous devinez : les étoiles se montrant
peu à peu pour faire fête à la lune, celle-ci
paraissant dans sa douce majesté, et, à l’horizon,
des bandes violettes de couleurs variées jetant
leurs derniers feux, rayant la steppe assombrie et
silencieuse.
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– Plus raisonnables, repartit Maroussia d’un
air entendu ; alors raisonnable voudrait dire
qu’on ne désire pas assez une chose pour la faire?
– Sais-tu, petite fille, que ce que tu dis là ne
manque pas tout à fait de bon sens ? dit l’envoyé
de Setch en riant. Cependant, il serait plus sage
de dire qu’il est plus raisonnable de ne rien trop
désirer.
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Voulez-vous savoir ce que signifie le mot :
cosaque ? Le mot cosaque est un mot turc et veut
dire : guerrier à cheval
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