La maison d’Olofsson était vraiment très bien située. Elle était vieille et ça se voyait, mais elle était tellement noyée au milieu des lilas, des pommiers et d’autres buissons et fleurs dont les noms m’échappaient qu’on aurait dit une cabane de conte de fées.
Quelle différence, parfois de voir la photo de quelqu'un enfant. D'un coup, je voyais Olofsson d'un tout autre œil. Il avait jadis été crevette, puis écolier, adolescent, dans la force de l'âge, avait eu des rêves, des peurs, avait été heureux, triste, fort. Une personne avec toute une histoire, pas juste un original avec qui on prend un café faute de mieux.
Le chagrin est égoïste. Je l’avais déjà compris à la mort de ma mère. J’avais trente ans, elle cinquante-cinq. Égoïste, oui : j’écris même mon âge avant le sien. Mais c’est à moi qu’elle manque. Elle, elle est morte. Rien ne lui manque. Je pense.
Personne ne sait comment c’est d’être mort. J’imagine ça comme un sommeil profond. Comme celui dont le réveil nous tire quand il sonne aux petites heures et qu’on ne demande qu’à se retourner dans le lit et se rendormir. Disparaître dans la nuit. Si c’est ça, c’est bon d’être mort.
Le but des vacances, c'est de se reposer. En tout cas, c'est mon avis. Je suis absolument contre l'idée de chercher sans cesse de nouvelles activités, se développer, voir de nouveaux endroits et se stresser à tourner en rond comme un lapin Duracell.
C’est une chance, je trouve, qu’on ne puisse pas prévoir l’avenir, même immédiat. Certains soirs, je me disais que si j’avais su ce que me préparait la journée, je ne serais jamais sortie du lit ce matin-là.
Le but des vacances, c’est de se reposer. En tout cas, c’est mon avis. Je suis absolument contre l’idée de chercher sans cesse de nouvelles activités, se développer, voir de nouveaux endroits et se stresser à tourner en rond comme un lapin Duracell. Autrement dit, six semaines dans un petit chalet avec toilettes extérieures en pleine cambrousse me convenaient parfaitement.
Mais Berit, alors, avais-je glissé à Staffan. C'est quoi, son problème ?
- Sais pas, avait-il chuchoté. Elle était nounou quand on était petits.
- Nounou ? Mais les pauvres enfants.
Elle, je la pensais réellement capable d'enfermer des enfants dans une cave à charbon et de les cravacher.
- Ce n'est pas un minimum contrôlé ? N'importe quelle dingue peut se déclarer nounou ?
Le cauchemar : laisser ses enfants chez elle, puis aller travailler huit heures. Quelle horreur.
- Qu’est-ce qu’il y a ? lui ai-je demandé pour mettre un terme à la discussion une bonne fois pour toutes.
- Mais quoi ? a fait Ylva.
- Tu me regardes, qu’est-ce qu’il y a ?
- Rien, je trouve juste que tu devrais y songer, c’est tout. Il est encore temps de trouver un billet charter. Les Canaries, ce serait parfait pour toi. Des gens sympas, un peu de vie nocturne. Tu en as besoin.
C’était le jeudi 21 juillet, ma dernière semaine avant les vacances. Ylva me rabâchait que je ferais mieux de partir m’amuser un peu sur une plage au soleil, mais non merci, Ylva, très peu pour moi. J’avais besoin de calme et, comme j’avais un petit chalet au bord d’un lac à Lövaren, in the very middle of absolutely nowhere, je savais que c’était exactement ce que j’allais y trouver : du calme.
- Ylva, tu sais bien que ce n’est pas mon truc. J’ai fait mes valises pour un été pluvieux dans le Bohuslän, c’est-à-dire avec des chaussettes bien chaudes et une cargaison de livres. Je vais être tellement bien dans mon chalet. Arrête de me bassiner avec les Canaries.
- Tu pars quand ?
Ylva a ouvert la porte du café mais s’est arrêtée sur le seuil pour me regarder. Elle avait sans doute peur que je me sente seule.
- Demain, directement après le boulot. Ne t’inquiète pas, Ylva. Je vais passer des super-vacances. Allez viens, on va se prendre un truc avec plein de crème.
Et encore une fois, j’ai été idiote. J’aurais bien sûr mieux fait de chercher un charter pour les Canaries.
Au lieu de quoi j’ai chargé ma voiture dès le matin pour être prête à partir au chalet aussitôt après le travail. À vol d’oiseau, Lövaren n’est pas si loin de Valludden mais, dès qu’on quitte l’autoroute, ça serpente sur une route étroite, et il faut quelques heures pour y arriver. Il aurait peut-être été plus malin de partir tôt le samedi matin, mais je voulais me réveiller au chalet le premier jour des vacances, je le voulais vraiment.
On dit beaucoup de bêtises quand on est ivre - on le comprend le lendemain.
Les nuages se sont accumulés plus vite que je n’y comptais, et une obscurité et un silence désagréables ont envahi la forêt. J’ai aperçu quelque chose de jaune un peu plus loin et, pressée d’y arriver, de ramasser les champignons pour pouvoir partir d’ici aussi vite que possible, j’ai trébuché dans une tourbière.