Lorsqu'elle épouse Brett au début des années 50, Edith est une jeune femme séduisante, intelligente et curieuse. Elle écrit et vend des articles et des nouvelles aux journaux qui partagent ses idées progressistes ; elle aime la poésie et la sculpture ; elle consigne les événements importants de sa vie dans son journal intime. Bientôt, le couple et son fils Cliffie quittent New York pour Brunswick en Pennsylvanie, où les espérances, les projets, la vie rêvée d'Edith se confrontent au principe de réalité. L'éducation de Cliffie s'avère difficile. Il est un enfant instable que rien n'intéresse, sa scolarité est un fiasco. Brett est absorbé par sa carrière new-yorkaise et tombe amoureux de
Carol sa secrétaire. Edith passe ses journées à accomplir les tâches ménagères, à jardiner, et à s'occuper de Georges, le vieil oncle de Brett, venu s'installer chez eux depuis qu'il est impotent.
« J'ai parfois l'impression qu'il y a quelque chose qui est en train de craquer en dedans de moi ». Edith prend peu à peu conscience que la vie n'a aucun sens, que les trois hommes qui partagent la sienne en ont aussi pris le contrôle. Ses journées ne sont qu'une succession de gestes gratuits, sans but. Mais quel but pourrait-on trouver à la vie, qui n'est qu'une plaisanterie ?
Les batailles d'Edith sont perdues d'avance. Elle s'intéresse à la politique qui n'intéresse pas les américains, attitude que le pouvoir fait tout pour favoriser. Se battre contre une majorité indifférente à ses propositions, qui ne l'entend ni ne l'écoute est inutile. Lutter contre la décision de Brett de la quitter, ne sert à rien, et elle dit « oui » à la séparation comme elle a dit « oui » à la célébration de son mariage. Vouloir persuader Georges de s'installer dans une maison de retraite est voué à l'échec puisqu'il a à sa disposition une infirmière gratuite, qui vide les bassins, entretient son linge, et lui prépare repas et collations. Cliffie n'en parlons pas. Il végète, entre petits boulots et alcoolisme. Il se fout de tout. Seuls ses chats, Mildiou puis Nelson offrent de l'affection à Edith.
Dans son journal, Edith s'invente une vie plus agréable, est happée par un monde imaginaire. Ce qu'elle écrit, ce sont des mensonges, mais après tout, qui les lira, et si les rédiger la rend moins mélancolique, plus joyeuse, si elle se sent moins déprimée, où est le mal ?
le journal d'Edith raconte l'histoire d'une femme ordinaire qui sombre lentement dans la folie, explore la frontière poreuse entre raison et déraison, sur fond de critique virulente de l'american way of life. Comment expliquer que ce roman dans lequel il ne se passe rien en dehors de la description clinique et froide des journées d'Edith est un chef-d'oeuvre ?