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Claire Dodane (Traducteur)
EAN : 9782251722030
186 pages
Les Belles Lettres (05/11/2008)
3.98/5   24 notes
Résumé :

"Il partit, le pousse-pousse vide derrière lui. Après avoir parcouru quelques mètres, il se retourna vers elle. Il allait vers l'est. Elle allait vers le sud. Sous le clair de lune, elle marchait abattue, seule dans la rue principale avec le frémissement des saules et le bruit sans force de ses socques de bois". Les cinq nouvelles de ce recueil ont toutes l'éclat de la lune, symbole par excellence de la mélancolie au Japon. I... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Les accords nocturnes d'un koto* apaisent un jeune mendiant qui n'a connu ni amour ni compassion, faisant ressurgir la tendresse qu'il avait si longtemps enfouie au fond de son coeur devenu dur comme un roc ( le son du koto).
Une rencontre déchirante s'improvise dans la treizième nuit du neuvième mois, alors qu'a lieu "les Fêtes de la lune", que le faible chant des insectes se mêlent tristement au vent d'automne sous la lune claire (La treizième nuit).
Un souvenir douloureux d'un passé qui n'a été qu'erreurs, se ravive à la première neige ( Jour de neige ).
Les pétales d'un cerisier près de l'avant-toit, qui tombent un à un , "au rythme de la triste résonance d'une cloche dans le ciel du soir" , alors qu'il n'y pas un souffle de vent dehors, évoque la fougue de la jeunesse et la folie de l'amour ( Fleur de cerisier dans la nuit ).
"Je vais devoir traverser le pont de bois**, moi aussi.....", signe la fin d'un amour impossible dans les quartiers du plaisir (Eaux troubles).

Dans le Japon du 19iéme siècle des personnages malheureux dont la majorité sont des femmes, qui subissent pauvreté, misogynie de l'homme et le poids des liens familiaux. Des femmes qui fument des pipes, de différentes trempes, dont dans la dernière nouvelle, l'une qui accepte comme naturel l'entichement de son mari pour une geisha, une autre qui dit " Moi je suis prête à lui laver sa veste et lui coudre des caleçons, mais quand je le vois batifoler ici et là , je doute qu'il puisse se poser un jour !"et contrairement au dernier livre d'Olivier Adam qui parle du Japon actuel, à l'époque, l'enfant en cas de séparation reste avec le père. Un texte foisonnant de références à de nombreuses oeuvres de divers poètes anciens , des personnages à la psychologie fouillée, où les détails ( vêtements, coiffure, bruits, sons...) complètent leurs descriptions.


Cinq nouvelles d'une romancière japonaise du XIXiéme siècle , Higuchi Ichiyô (1872-1896 ), première femme du Japon moderne dont l'oeuvre soit passée à la postérité. Romancière à 18 ans , morte à 24 ans de la tuberculose, elle figure aujourd'hui sur les billets de 5000 yen de la banque du Japon, en tant que symbole de la création littéraire. La première femme écrivaine à avoir couché sur papier, la voix de la souffrance et du désespoir des femmes de l'ère Meiji, son oeuvre n'a pas pris une seule ride. Une magnifique lecture émouvante, de plus dans une belle édition avec une superbe couverture qui me l'a fait lire dés son arrivée.

"Dites-moi qu'est-ce qui vous rend le plus heureuse ?***
-Je vais vous le dire. Ce n'est pas de multiples couches de brocart, C'est la nature qui me rend heureuse....Il y a une vérité, une honnêteté dans la nature qui parfois me donne le sentiment de communion avec les fleurs silencieuses et la lune tranquille."

*Instrument de musique japonaise.
**Le pont de bois qu'on hésite à traverser, et qui symbolise le danger de l'amour.
***Question posée à l'écrivaine.
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Higuchi Ichiyô (Natsu, de son vrai prénom) est la première femme de lettres dont la renommée fut pérenne, du Japon moderne (à compter de 1868, ère Meiji). Ce fait déjà remarquable en soi l'est encore plus lorsqu'on sait que la jeune femme mourut à seulement 24 ans de tuberculose en 1896. Soit un an seulement après la parution de la treizième nuit. Après lecture de ce recueil de cinq nouvelles, quand je vois la qualité et la maturité narrative de ses textes, je ne peux que déplorer une si précoce disparition car il est certain qu'elle avait encore de grandes choses à écrire.

De l'ensemble des récits émane une profonde mélancolie, caractérisée selon une tradition littéraire symbolique par la présence de la lune, étincelante et impartiale, qui observe les faits et gestes d'une humanité impermanente et éphémère, en lutte contre des destins et des conditions de vie difficiles. Les personnages principaux de Higuchi Ichiyô, majoritairement féminins, sont tous en proie au désarroi ou à l'amertume, qu'il s'agisse d'une belle jeune fille de bonne famille mue par une folle et excessive passion de jeunesse qu'elle regrettera amèrement, d'une jeune femme de basse extraction mariée à un homme riche et influent qui la dénigre ou encore une courtisane à succès masquant sa peine sous une façade ou dans une tasse de saké.

Chez l'auteure, mélancolie ne rime pas avec "natsukashii", bel adjectif japonais qui renvoie à une mélancolie heureuse et douce, mais avec "kanashimi" (tristesse). Elle dépeint ses personnages avec profondeur et bienveillance, nous les rendant attachants. On en ressort d'autant plus le coeur étreint d'émotions et presque coupable de ne pouvoir changer la destinée de ces êtres soumis aux aléas et au tourment.
Autour de ces femmes et de ces hommes, la nature déploie ses saisons. On retrouve comme déjà citée plus haut la lune, mais également pruniers et cerisiers en fleurs, la neige, ..., autant d'éléments chantés de tout temps dans la poésie et la littérature traditionnelle japonaise. Higuchi Ichiyô maîtrise bien ces codes, ayant abondamment étudié et lu les recueils poétiques et romans des périodes Heian et Tokugawa. Elle utilise ces symboles dans ses nouvelles, mêlant intimement la tradition à une narration plus moderne. D'ailleurs j'adresse un grand merci à Claire Dodane pour sa merveilleuse traduction, ses notes infrapaginales très éclairantes quant aux références littéraires qui émaillent les cinq récits et sa postface instructive et mettant l'oeuvre de Higuchi Ichiyô en perspective. Chers/chères traducteurs et traductrices, que n'aurais-je pu découvrir sans vous!

Lire une nouvelle de cette incroyable jeune femme implique une lecture ralentie. Ce, afin de goûter avec délectation au style de l'auteure. Je le compare à la plus fine des porcelaines, d'une délicatesse de tons infinis qu'un soupir trop prononcé semble pouvoir briser. Mais qui possède pourtant les forces et beautés évocatrices qui résistent au passage des décennies. N'était la présence fugace d'un costume de type occidental, La treizième nuit et ses consoeurs flottent dans un espace intemporel.

C'est très beau, poignant, fort et émouvant quoique tout dans la retenue. Je sais d'avance que je relirai ce magnifique recueil. Et essaierai de découvrir les autres nouvelles rédigées par Higuchi Ichiyô, dont le beau portait orne les billets de 5.000¥ en reconnaissance de la gloire littéraire (aurait-elle apprécié est une autre question...).
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Ce recueil de cinq nouvelles de la brillante et fugace Higuchi Ichiyo, morte à 24 ans en 1896, nous fait partager la mélancolie qui s'attache à des personnages féminins frappés par le destin, enfermés dans leur condition et victimes, parfois consentantes faute de pouvoir envisager autre chose, des traditions autant que, souvent, de leur pauvreté.
Les descriptions poétiques, puisant aux sources les plus classiques, se marient aux âpres conditions vie de l'époque meiji. Nous rencontrons ainsi, dans "le son du koto", un mendiant misérable dont la vie bascule, une nuit, lorsqu'il entend le son de cet instrument sous la lune. "La treizième nuit" nous apprends que la richesse n'apporte pas pour autant la liberté : la belle O-seki, mariée avec un homme important à la suite d'une union inespérée vu leur grande différence de niveau de vie et d'éducation, revient chez ses parents pour leur annoncer son divorce, alors que tous encensent son mariage et profitent, directement ou non, de celui-ci.
le récit suivant, "jour de neige", nous fait partager les réflexions d'une jeune femme sur la fatalité qui l'a poussée à brûler sa vie dans un amour impossible. Cette impossibilité à s'aimer, sur un mode bien plus délicat, est aussi le sujet de" fleur de cerisier dans la nuit", où la relation impossible entre deux voisins, le beau Ryonosuke et la jeune Chiyo qui s'éveille à l'amour, mais n'ose pas s'en ouvrir à celui qu'elle aime, conduira à une fin tragique. La tragédie marque aussi "eaux troubles", un drame qui se joue dans une maison de plaisir entre la belle O-Riki et Genshichi, marchand devenu misérable pour avoir trop fréquenté sa maison de plaisirs. L' inconstante O-riki ne peut l'oublier ambré ses amours multiples, mais Genshichi est à ce point épris d'elle qu'il va aller jusqu'à détruire non seulement sa famille, mais sa vie même. Cette longue nouvelle aurait pu donner matière à un roman, et décrit magnifiquement la vie des gens simples qui étaient les voisins de Higuchi Ichiyo lorsqu'elle tenait son petit magasin proche du Yoshiwara, le quartier des plaisirs.

Ce beau recueil nous offre un condensé du talent de Higuchi Ichiyo pour décrire la vie des sans-grade, des femmes et des hommes de peu qui luttent contre la fatalité et cherchent un peu de réconfort dans le simple éclat de la Lune.

Il faut rendre hommage au travail de la traductrice, Claire Dodane, qui enseigne la littérature japonaise à l'université de Lyon. Spécialisée dans les femmes écrivains du Japon moderne, elle a du composer avec le style très particulier de Higuchi Ichiyo, qui mêle des termes, des structures de phrase dérivant directement de la littérature Héian, de l'an 1200, à des références culturelles chinoises et japonaises classiques et des tournures bien plus modernes, celles du Japon de son époque. le résultat est limpide, les notes nécessaires, en bas de page, étant toujours bienvenues sans jamais freiner la lecture.

le livre comprend une postface qui précise les particularités de l'oeuvre de Higuchi Ichiyo et la situe par rapport à d'autres écrivains de temps, comme Mori Hogai ou Koda Rohan, et discute la portée de ses textes qui annoncent un certain féminisme. Une suite de repères biographiques termine l'ouvrage.
Ce dernier compte 186 pages au format 16 x 22 cm, avec une couverture à rabats, et a été imprimé en France. Il est particulièrement agréable à lire car la papier utilisé est de très bonne qualité, très légèrement duveteux. Enfin, signalons pour tous ceux dont les yeux ne sont plus très jeunes qu'il est imprimé en caractères assez gros, avec des interlignes assez larges pour que sa lecture en soit alors facilitée.
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J'ai lu les récits d'Ichiyô comme des chroniques qui racontent pour la plupart la vie de femmes japonaises à la fin du XIXe siècle. Elles mettent en scène des victimes de la société patriarcale qui tentent, dans un effort ultime, d'échapper à leur sort misérable, mais qui sont enchainées par des obligations envers leurs parents, leur mari, leurs enfants, etc. le ton est mélancolique et la beauté de la nature (la lune, les cerisiers et les pruniers en fleurs, la neige, etc.) contraste avec les tourments physiques et moraux des personnages. Les textes fourmillent de détails sur les conditions de vie et les us et coutumes. Parmi les plus étonnants, les femmes fument la pipe et celles en âge d'être mariées se maquillent en noircissant leurs dents et en se rasant les sourcils. J'ai particulièrement aimé la nouvelle « Eaux troubles », la dernière et la plus longue du recueil, l'histoire d'une prostituée.
 
Malgré la brièveté de son existence et de sa carrière, Ichiyô Higuchi est une figure importante de la littérature de l'ère Meiji. Elle est morte à seulement 24 ans de la tuberculose, mais son talent était reconnu de son vivant par ses pairs (masculins). Signe d'une notoriété nationale qui ne faiblit pas, son visage apparaît sur les billets de 5 000 yens depuis 2004.
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L'histoire que j'ai tissé avec ce livre est assez dingue. Je l'avais emprunté en médiathèque il y a pas mal d'années maintenant. Chaque fois que je prenais le temps de me balader dans la médiathèque à la recherche d'un livre, je le reprenais et le redécouvrais. J'étais à chaque fois émerveillée. J'ai donc fini par l'acheter.


Ce livre comporte cinq nouvelles de la première autrice japonaise. J'ai lu ce livre il y a plus d'un mois. J'ai encore du mal à écrire un ressenti sur ce livre. Toutes ces nouvelles ont en commun un personnage centrale féminin face à sa vie. Souvent le personnage secondaire est un homme qu'elle aime ou pense aimer. L'atmosphère japonais est très présent surtout le Japon du 19ème siècle. Il y a cette douceur mélangée à une dureté en parfaite harmonie.


J'ai beaucoup aimé toutes ces nouvelles. Les thèmes abordés sont la séparation, l'importance des choix, les apparences, la pudeur et les traditions parmi d'autres. Les fins sont rarement positives. L'autrice nous montre que quoique l'on fasse, la femme n'a qu'une valeur d'objet. Elle le fait avec beaucoup de poésie mais après réflexion, c'est ce que l'on se dit. Heureusement que ces femmes ont des personnes qui les écoutent


En bref, ce recueil de nouvelles est un petit bijou pour moi. À force de le lire, je manque profondément d'objectivité. J'espère avoir réussi tout de même à vous parler correctement de ce livre.
Lien : https://lessortilegesdesmots..
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Le Monde dans lequel nous vivons est un Monde d'erreurs. Les rumeurs nous brisent comme les vagues d'une rivière sans nom et nous éclaboussent de fausses accusations.*
*En référence à un poème de Mibu no Tadamine( poète de la première moitié de l'époque de Heian);
" A travers le Michinoku coule la Rivière de la Réputation acquise;
moi j'ai acquis la réputation de séducteur sans même avoir rencontré l'être aimé,
voilà ce qui m'est pénible."
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Aux premières gelées du dixième mois, une lune éclatante brillait sur les feuillages de l'automne. Son éclat vif, comme aiguisé, était aussi glacial que le visage maquillé d'une vieille femme. La lune illuminait tout en dessous d'elle (...). Rien n'échappait au rayonnement de la lune. Elle enveloppait tout. Sous elle, le pur étincelait dans sa pureté, tandis que le souillé demeurait dans le trouble. Scintillante comme un joyau, et désintéressée, elle suivait les choses du monde dans toutes les directions.

"Le son du koto" (1893)
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Tandis que les flocons dansent dans le ciel comme les ailes de papillons silencieux et qu'ils couvrent à perte de vue la terre d'un manteau d'argent, voilà que sur les arbres dénudés de l'hiver les cristaux rivalisent de leurs pétales avec les fleurs du printemps...
Combien j'envie ceux qui célèbrent dans leurs poésies et leurs chants la beauté de la neige, à côté de celle de la lune et des fleurs!

"Jour de neige" (1893)
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Tandis que les flocons dansent dans le ciel comme les ailes de papillons silencieux et qu'ils couvrent à perte de vue la terre d'un manteau d'argent, voilà que sur les arbres dénudés de l'hiver les cristaux rivalisent de leurs pétales avec les fleurs de printemps...
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Le jeune homme venait d'entrer dans un monde où cent fleurs différentes étaient en même temps écloses.
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Video de Ichiyô Higuchi (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Ichiyô Higuchi
Cécile Sakai, Professeure des universités, nous invite avec ce nouveau cycle à entrer dans sa bibliothèque idéale grâce à quelques grandes figures de la littérature japonaise moderne. Aujourd'hui elle nous fait découvrir une pionnière des lettres de l'ère Meiji, Higuchi Ichiyô. Sa courte et difficile vie ne l'a pas empêchée de réaliser son ambition d'écrivaine. Sensible aux injustices, en particulier celles dont souffrent les femmes, elle dénonce dans ses récits les failles de la société japonaise de l'époque. Publiée alors qu'Ichiyô n'a que 23 ans, La treizième nuit (traduction de Claire Dodane, Professeure de langue et littérature japonaises à l’Université Lyon 3, Editions Les Belles Lettres, 2008) est une nouvelle représentative de cette sensibilité et constitue un sublime condensé de son immense talent d'écrivaine.
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